SheBelieves Cup, la voix de la rédemption

La SheBelieves Cup édition 2018 vient de s’achever sur une victoire des Américaines, qui ramènent le trophée à la maison, après avoir subi la débâcle en 2017. Drôle d’édition, avec des hauts, des bas, des démonstrations et des espoirs déçus. Retour sur la compétition.

Sur le papier, l’élite du football mondial

La France, l’Allemagne, l’Angleterre et les US s’alignent pour ce qui sera probablement la dernière fois – le contrat liant l’US Soccer avec les trois équipes européennes s’achève avec cette édition. Ce sont donc les plus grands noms qui se croisent sur la pelouse détrempée de Colombus, puis du New Jersey pour finir dans une apothéose pleine d’émotion à Orlando, au Citrus Bowl, le stade d’une des équipes les plus en vues de la NWSL, l’Orlando Pride.

Si l’on pousse un peu l’enquête, on sait qu’il y a aussi d’autres choses qu’un onze de départ en jeu : Phil Neville, le nouveau patron des Lionesses, doit faire ses preuves et, après des sorties virulentes et provocantes dans les différents médias, abordait la compétition avec la rage d’un conquérant. L’Allemagne, depuis le départ à la retraite de Silvia Neid, peine à convaincre et Steffi Jones a dû faire des concessions sur sa sélection. La France a vu certaines de ses patronnes raccrocher les crampons et Corinne Diacre connaît des difficultés qui instillent le doute dans le coeur des supporters français. Pourtant, l’enjeu est grand, puisque ce sont les Bleues qui ont soulevé le trophée. Les Américaines, toujours sur leur trône qui semble imprenable, doivent continuer sur leur lancée des dernières victoires, pendant que Jill Ellis est sous le feu des critiques.

La joute promettait d’être intense, avec des paramètres très variables. Et de l’intensité, on en a eu.

La conquête des Bleues

Si la compétition est remportée par les américaines, qui ont sorti un jeu percutant uniquement contre les Allemandes puis le service minimum, ce sont les Bleues qui ont fait la plus fantastique des campagnes pendant ces trois matches. Rincées, humiliées par les Anglaises en ouverture de compétition, l’ire de Diacre s’est abattue sur ses joueuses, qualifiant de « honteuse » leur prestation. Et au vu de l’impuissance des Bleues face au bulldozer anglais, on avait de quoi avoir peur surtout contre les leaders du football féminin. Et pourtant.

Pourtant les Bleues, remaniées avec des cadres rassurantes, ont réussi à tenir en respect les Américaines. Alors certes, on peut arguer qu’Ellis a aligné son équipe B face à la France, une équipe B qui a manqué de coeur. Mais qui a montré aussi une pépite, Tierna Davidson, 20 ans, qui évolue à Stanford – et qui va faire un malheur pour son draft en NWSL. Mais cet « exploit » des Bleues contre les tenantes du titre préfigure le dessein de Diacre : on s’approche de l’EDF version finale. Ouf.

A Orlando, les Françaises achèvent leur transformation. Et si on excepte l’horrible blessure d’Aïssatou Tounkara, dont la rencontre avec le pied de Marozsan se solde avec une double-fracture ouverte tibia-peroné, les Bleues ont brillé. Techniquement, collectivement. Réalistement. Et s’il existait un adverbe pour « finition », on l’aurait ajouté. Devant les terribles Allemandes, les Françaises n’ont pas tremblé. Et les ont accablées, but après but, minute après minute, avec une envie et un collectif délicieux. On en redemande. Cela n’aura pas suffi pour soulever le trophée, mais les Bleues ont conquis beaucoup de coeurs, ce soir-là.

Les grandes perdantes de la compétition sont les Allemandes, qui ont subi les trois matches avec un nul et deux défaites, des Allemandes qu’on a connu en meilleures formes. Les Anglaises se sont progressivement éteintes et n’ont pas réussi à tenir tête aux Américaines, avec un own goal de Karen Bardsley. Frustrant pour les Lionesses qui avaient si bien commencé leur SheBelieves Cup ! Quant aux Américaines, qui ne disposaient pas de toutes les cadres – Heath, Lavelle, Sauerbrunn et Ertz sont blessées -, elles ont présenté un jeu correct sans pour autant briller ni même montrer beaucoup d’envie. Le programme s’essouffle et la Coupe du Monde est juste au coin de la rue.

Elle croit : bien plus qu’une compétition

Aux Etats-Unis, le football féminin est roi – cependant à en juger par les stades vides lors des confrontations hors US, les Américains sont un peu chauvins. L’USWNT possède un fandom vaste et beaucoup de jeunes filles, qui débutent le soccer très tôt et ont pour rêve de pousser leurs talents sportifs suffisamment haut pour pouvoir intégrer une université prestigieuse avec une bourse universitaire, sont inspirées par les joueuses. C’est ainsi que les Américaines prennent très à coeur leur situation de role-models : médiatisées avec une couverture bien plus grande qu’en France, elles sont en première ligne pour les grandes causes, notamment celle de l’equal play, equal pay, visant à obtenir l’égalité salariale – et de traitement – entre les joueurs et les joueuses. La SheBelieves Cup est devenue une institution qui a abrité le 3 mars dernier le SheBelieves Summit, à New York City, pour développer le programme de l’USSF pour encourager les jeunes joueuses à pratiquer leur sport.

L’USWNT respecte ses fans dans les plus grands moments comme dans les instants les plus tragiques. La SheBelieves Cup, c’est aussi une communion dans la tragédie : quelques semaines avant le début de la compétition, la fusillade dans le lycée floridien de Marjory Stoneman Douglas High School a laissé 17 victimes derrière elle. Dont Alyssa Alhadeff, 14 ans, footballeuse, dont la joie, la motivation et le sérieux étaient des piliers de l’équipe de football. Une de ses coéquipières a interpellé l’US Soccer sur Twitter, pour essayer d’obtenir un hommage de la part de l’équipe nationale pendant la SheBelieves Cup. Elle obtiendra plus que cela.

Face aux nombreux retweets, Alex Morgan, Ashlyn Harris – native de Floride – et ses équipières ont été mises au courant. Elles ont offert bien plus qu’un hommage.

Le 8 mars, lors du dernier match, à Orlando, Floride, il y a eu une minute de silence respectée. Un dernier match qui était aussi très émotionnel pour l’USWNT. Et les proches et équipières d’Alyssa ont pu participer aux matches et se sont vus remettre un maillot portant le numéro et le nom d’Alyssa. Alex Morgan et les Américaines ont rencontré la famille et équipières d’Alyssa Alhadeff. De l’aveu des parents d’Alyssa, « les filles ont senti l’amour, la compassion et la force. » C’est aussi ça, le football pratiqué par les femmes.

 

 

Crédits photos : FFF, USWNT

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