Sarina Wiegman, la rage de vaincre

Nommée meilleure entraîneure de l’année devant Nils Nielsen et Gérard Prêcheur par la FIFA, lundi, la sélectionneuse des Pays-Bas Sarina Wiegman peut savourer ce titre qui, au-delà d’un Euro 2017 remporté de main de maître, vient couronner un engagement plus lointain envers sa discipline. Portrait.

 

 

 

Elle a manqué l’occasion de savourer la deuxième plus grande récompense de sa carrière. Sûrement la plus symbolique. Alors qu’on lui a décerné, lundi, le prix de meilleure entraîneure du monde pour l’année 2017, la sélectionneuse des Pays-Bas Sarina Wiegman n’a pas pu monter sur l’estrade pour faire face à la crème du football mondial, et recevoir aux yeux du monde entier un titre qui récompense un travail acharné au sein de l’équipe nationale des Pays-Bas et, plus indirectement, un combat en faveur du football féminin mené de longue haleine.

 

« Une marque de reconnaissance incroyable »

 

« C’est une marque de reconnaissance incroyable après l’Euro. Je voudrais remercier mes parents, mon mari et mes enfants pour le soutien qu’ils m’ont toujours apporté. Mais c’est aussi une récompense pour l’équipe, parce que sans mes joueuses je n’y serais jamais arrivée », a-t-elle réagi suite à cette annonce. C’est justement avec cette sélection qu’elle a emmenée sur le toit de l’Europe cet été, que Wiegman se trouvait lundi soir, en préparation d’un match important de qualification à la Coupe du Monde 2019 face à la Norvège, remporté le lendemain par les Oranje (1-0).

La femme de 47 ans a tout de même pu suivre, entourée de ses joueuses, la cérémonie. Chahutée par Shanice van de Sanden au moment de l’annonce, elle a ensuite reçu le trophée, avant d’être soulevée en triomphe, comme cela avait été le cas à Entschede en août dernier. C’était alors l’apogée de la carrière d’une femme qui a fait du football si ce n’est une religion, au moins un choix de vie.

 

D’aussi loin qu’elle se souvienne, la native de La Haye (en 1969) a baigné dans le foot. « J’ai commencé en club à l’ESDO [un club de Wassenaar, un commune en banlieue de La Haye, NDLR] à 6 ans, mais je jouais déjà avec un ballon tous les jours », racontait-elle il y a quelques années. La milieu brille, d’abord en équipe mixte puis seulement avec des filles. Mais le manque d’infrastructure allouées aux filles, et surtout le manque de reconnaissance de la discipline dans le Plat Pays, sont la norme dans ce pays de 17 millions d’habitant aujourd’hui, dont on estime que huit personnes sur 10 ont regardé la finale de l’Euro le 6 août dernier.

 

 

Un passage express aux USA

Le changement de mentalité fut long à initier, et ressemble au long parcours du combattant mené par cette professeure d’éducation physique. En 1988, les Pays-Bas sont invités par la Fifa à un tournoi mondial tenu en Chine, sorte de test grandeur nature organisé par l’instance internationale du ballon rond pour voir si l’organisation d’une Coupe du Monde féminine était viable. Les Néerlandaises terminent troisièmes de leur groupe, mais Wiegman tape dans l’œil du sélectionneur américain, Anson Dorrance, également entraîneur à l’Université de Caroline du Nord. Il décide de la faire venir sur les terres de l’Oncle Sam, où elle remporte le titre de championne nationale : « Aux Etats-Unis, le foot féminin était un sport de haut niveau. Mes coéquipières étaient des héroïnes dans leur pays », se souvient celle qui côtoie alors la star Mia Hamm.

 

Guidée par son cœur, elle retourne rapidement sur ses terres, qui lui manquent, « même si ici, je n’avais aucune perspective d’être professionnelle, et que même les coachs n’étaient pas payés ». Après son expérience au « paradis du football », la nouvelle joueuse de Ter Leede (avec qui elle remportera 2 titres de championne nationale et une coupe) commence à clamer un peu plus le mal être des joueuses bataves : « Les Pays-Bas sont, d’une certaine manière, un pays très conservateur. Le foot n’est plus un sport de garçons. Après des années de combat pour l’acceptation du football féminin, nous avons progressé. Sinon j’aurais arrêté depuis longtemps », déclare en 2001 celle qui a dépassé le cap des 100 sélections, décrite par l’inénarrable Luis Van Gaal comme « une sorte de Danny Blind », défenseur emblématique des Oranje dans les années 90 et sélectionneur de l’équipe masculine jusqu’à récemment.

 

 

Deux titres de champion des Pays-Bas

Une première grossesse l’amène à faire une pause dans sa carrière avant que l’arrivée de son deuxième enfant, en 2003, n’entraîne la fin de son aventure sur les rectangles verts. Trois ans après, elle revient sur le banc de Ter Leede, où elle réalise d’emblée le doublé coupe-championnat. Avec ADO La Haye, qu’elle entraîne de 2007 à 2014, elle remporte à nouveau le championnat en 2012. Date à laquelle son travail est reconnu par la fédération néerlandaise (KNVB), qui lui décerne le titre de « chevalier fédéral ».

C’est en 2014 qu’elle entre au sein de la sélection. Entraîneure adjointe, elle assure également deux intérims, avant d’obtenir sa licence d’entraîneuse en 2016, et de reprendre l’équipe en main à quelques mois de l’Euro, suite au limogeage d’Arjan van der Laan en décembre de la même année.

 

 

« Elle a apporté beaucoup de sérénité à l’équipe »

 

 

« Elle a instauré un esprit conquérant, sans nous mettre trop de pression, racontait fin septembre Danielle van de Donk, numéro 10 Oranje du tournoi. Avant l’Euro, elle n’avait jamais parlé du titre. Il fallait seulement passer la phase de groupes, en prenant les matches les uns après les autres. Mais une fois cet objectif atteint, elle n’a pas eu besoin de nous dire quoi que ce soit ». Et c’est ainsi qu’elle mena une nation qui, à part une demi-finale européenne en 2009 et un 8e de finale à la Coupe du Monde canadienne, n’avait pas brillé jusque-là, à un titre surprise. Mais amplement mérité. C’est un football offensif et explosif, mené par des talents en pleine bourre (Spitse, Martens, Van de Sanden, Groenen), qu’a développé l’ancienne milieu de terrain.

 

Adoubée par ses joueuses

Et c’est poussé par tout un pays qu’elles se sont surpassées : « Elle a apporté beaucoup de sérénité à l’équipe pendant l’Euro. Elle n’a jamais succombé à la pression. C’est une personne naturellement calme selon moi. Grâce à elle, les joueuses ont pu se détendre et profiter de l’expérience », la complimente la joueuse d’Arsenal, pour qui le titre devait naturellement revenir à Wiegman : « Elle a tout organisé très précisément. C’est l’une de ses grandes forces. Sa préparation pour chaque match était tout simplement fantastique. Elle connaissait parfaitement nos adversaires et savait comment utiliser au mieux nos points forts face à eux », dixit Van de Donk.

La sélectionneuse blonde, au regard perçant mais au sourire éclatant, rejoint ainsi Pia Sundhage, Jill Ellis et sa voisine Silvia Neid au palmarès. Nul doute qu’une autre récompense décernée lors de cette soirée à Londres, celle de la meilleure joueuse attribuée à Lieke Martens, a dû la réjouir. C’était aussi un coup de chapeau au foot néerlandais. Et donc à Sarina Wiegman.

 

Citations issue de : Fifa.com / NRC.nl

Crédits photos : AFP / ANP / KNVB / UEFA

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