Journal de bord d’un voyage historique

Partie en juin dernier en Tanzanie, au sommet du Kilimandjaro, l’ex-défenseure de Juvisy et de l’équipe de France, Sandrine Dusang, consultante pour « Foot d’Elles », raconte comment elle est entrée dans le « Guinness Book des records » en disputant un match à une altitude inédite : 5 730 mètres !

 

 

 

Comme tous les voyages, tout est parti d’une idée un peu folle et d’un appel téléphonique. Alors qu’elle entamait les dernières semaines de sa vie de footballeuse de haut niveau, Sandrine Dusang n’a pas attendu la fin de son ultime saison de défenseure pour se fixer un nouveau défi : jouer un match à plus de 4 500 mètres d’altitude, afin de promouvoir le football féminin. Contactée par l’ONG «Equal Playing Field», celle qui devait partir avec Julie Soyer, finalement retenue par une blessure à la cheville intervenue lors du dernier match de la saison contre Marseille, n’a pas hésité à faire ses bagages pour la Tanzanie, pour un voyage de treize jours (16-28 juin). Et, ainsi, de remplir un journal de bord pas comme les autres.

 

L’heure du départ

«En comptant les joueuses, les gens de l’organisation, les arbitres et les journalistes, « Equal Playing Field » avait rassemblé une soixantaine de personnes. Nous ne sommes pas toutes arrivées en même temps : certaines en avaient profité pour arriver quelques jours plus tôt, afin de visiter les alentours ou de faire un safari, par exemple. Pour ma part, je suis partie de Paris vers Amsterdam, d’où je suis allée en Tanzanie.

 

 

Parmi les joueuses, il y en a que je connaissais, d’autre contre qui j’avais joué même (sourire) ! L’Américaine Lori Lindsey forcément, parce que c’est une joueuse qui est passée par la sélection. Il y avait aussi Rachel Unitt, que j’ai affrontée plusieurs fois et que j’avais croisée aussi plusieurs fois par la suite. C’était assez marrant d’ailleurs puisqu’elle fait partie des filles que j’ai retrouvées à Amsterdam, avant de prendre le vol. On s’était reconnues tout de suite et, du coup, on savait qu’on ne s’était pas trompées de groupe !

 

 

Ascension magique

Le soir de notre arrivée, nous avons rejoint le point de rendez-vous, un camp situé à Arusha. Pour aller jusqu’en haut du Kilimandjaro, on a mis sept jours. Au début, durant la montée, il y a beaucoup de fôrets, c’est limite la jungle. Puis, petit à petit avec la montée, il y a moins de végétations, on passe même dans des déserts rocailleux. Il y a divers paysages, mais c’est aussi ce qui fait que l’expérience a été géniale puisque ça m’a permis de voir des tableaux de fou ! On ne connaît pas de complications mais, parfois, c’est plus pentu. Il faut se servir un peu de ses mains, escalader, sauter par-dessus des rivières.

 

 

Niveau météo, on a pas mal de soleil mais, au bout d’un moment, la pluie n’est plus vraiment le problème puisqu’on traverse les nuages ! Au départ, tu es bien, tu as du soleil. Puis, d’un coup, il bruine, tu sens qu’il fait frais et, une fois qu’on a passé cet écueil, c’est génial : on bénéficie à nouveau du rayonnement solaire. Lorsque je me retourne, je ne me rends plus compte du chemin emprunté. On ne voit plus qu’une mer de nuages et, pour le coup, ça m’a bluffé !

 

 

Un autre fait me frappe : les porteurs sont environ 250. Certains portent les tentes, d’autres les sanitaires, la nourriture, les casseroles… Même si j’ai vu des documentaires sur leur habileté et leur situation, je suis impressionnée. Ils ont énormément de mérite. En étant chargé, à la fois au niveau de la tête et des épaules, ils vont plus vite que nous ! De ton côté, tu essayes d’emprunter des endroits où tu ne vas pas te casser une cheville et, eux, tu les vois passer à coté de toi, à toute allure, dans les cailloux, en se tordant les chevilles…

 

 

Le match du record

Avant le grand match, celui du record, on a fait plusieurs rencontres de préparation. La première, on l’a effectuée à Arusha, avant de partir. Nous jouons contre une sélection tanzanienne, avec beaucoup de jeunes joueuses, histoire de prendre nos repères. Ce jour-là, je marque ! Le but de la victoire (2-1), en seconde période. C’est sympa parce qu’on n’a pas trop le ressenti de l’altitude encore. Ça me permet de courir et je suis alors un peu «fofolle» ! On refait un match d’entraînement, pendant la montée. Et, là, on est déjà à plus de 4 000 mètres. Le terrain est plus petit. C’est déjà été un record !

 

Lors de la montée, le jour du match, on commence à marcher dès 2 heures du matin. En pleine nuit, pendant presque cinq heures. Là, il fait très froid. Une joueuse, venue du Népal, est obligée de redescendre au camp installé la veille dans la montagne : elle est à moitié en hypothermie. La température ressentie doit être proche des -15°C ! Moi-même, à un moment, je ne sens plus l’un de mes doigts. Les orteils, c’est pareil, horrible !

 

On débarque à hauteur du terrain vers 7 heures. Nous démarrons sur les coups de 10h30-11h. On joue au sein d’un cratère dont la surface plane est immense. Certes, on évolue avec les dimensions les plus petites pour être homologuées puisque, à cette altitude (5.730 mètres), c’est quand même compliqué, mais le cratère peut abriter beaucoup plus de terrains. Les gens de l’organisation ont délimité la surface avec de la poudre de fleur, monté les buts… Les poteaux de corner, en revanche, c’est plutôt drôle parce qu’ils sont confectionnés avec des bâtons de marche.

 

Les équipes ont été établies avant même de partir. Le match oppose donc les « Volcano » contre les « Glacier », mon équipe. Ma coach, c’est Dawn Scott, une anglaise qui travaille avec la sélection américaine. En face, Kim Smith dirige les troupes. Tu sens que ce sont des nanas d’expérience. Parmi les joueuses, il y a beaucoup d’Américaines et d’Anglaises, alors que je suis la seule Française. Il devait y avoir une Sud-Africaine, mais elle n’a pas pu venir. Deux Jordanniennes et des Tanzaniennes notamment complètent les effectifs.

 

Je joue en numéro 6, comme ça m’arrivait de le faire à Lyon. Score final : 0-0 ! Ce match nul, c’est bien, parce que je me dis que, de cette façon, il n’y a pas de perdant, tout le monde est content. Par contre, des buts, ç’aurait été sympa ! On a quelques occasions mais, par moment, ça fait un peu « sketch ». Au cours de quelques face à face, on frappe plus dans le sable que dans le ballon, du coup ça passe à côté. Sur du gazon, il y aurait sans doute eu des buts mais, là, c’est un peu plus compliqué (rire) ! Après la rencontre, tout le monde est monté au sommet du Kilimandjaro. Il se situe à 5.895 mètres, donc cela ne nous faisait grimper qu’une centaine de mètres mais, au final, il nous a fallu deux heures pour grimper tout cela.

 

 

Descente infernale

Après avoir établi le record, on redescend de là où on était parties le matin, le Kosovo Camp, à 4.800 mètres. Pour atteindre la sortie du Parc national du Kilimandjaro, on met deux autres jours. Pour l’anecdote, la porte d’arrivée est plus basse que la porte d’entrée, à 1.830 mètres. Cette fois, on respire enfin. Ça fait un bien fou ! Enfin, de toute façon, quand on est monté aussi haut, on se sent bien dès que l’on redescend.

 

Sur le chemin, il n’y a pas de gros problèmes, c’est plus facile que la montée… Si ce n’est qu’on a mal aux jambes. L’effet du match ! Au final, ça demande moins de souffle, mais ça sollicite pas mal les jambes, parce qu’il faut être sur ses gardes. On demande beaucoup d’efforts aux quadriceps notamment. Pour ma part, ça me fait plus mal aux jambes que le reste mai,s comme on sait qu’on redescend, dans la tête, c’est tout de suite plus simple !

 

 

Retour et émotion

Après la descente, on prend le bus, avant d’aller nous restaurer. Ensuite, nous nous retrouvons à l’hôtel, un vrai… (rires) On peut se doucher, c’est le grand luxe. Magique ! On fête l’aventure le soir, sans trop d’excès. Mon vol est programmé le lendemain, mais tout le monde ne part pas en même temps. Certaines s’en vont de bonne heure. De mon côté, je peux rester la journée : mon avion ne décolle qu’en soirée. Certaines joueuses restent, afin de partir en excursion dans la région, faire un safari ou, par exemple, aller à Zanzibar. D’autres poursuivent sur place parce que « Equal Playing Field » n’organise pas que ce match.

 

Les dirigeants ont aussi, comme projet, de monter des camps d’entraînement partout dans le monde. Le but est justement d’essayer de développer le foot féminin, tout en aidant des jeunes filles attirées par le foot, dans des pays où ce n’est pas forcément évident. Certains sont déjà ouverts ou commencent à s’ouvrir.

 

Au retour, je me retrouve quasiment avec les mêmes personnes qu’à l’aller : les deux coaches, un des médecins, Rachel Unitt et Lori Lindsey ou encore Maja Aström, la gardienne suédoise. Seulement, comme on voyage de nuit, je dois avouer que j’ai plus dormi que discuté ! Puis, c’est l’heure des adieux à Amsterdam, bien qu’on se soit promis de se revoir. On est déjà en train de programmer des trucs, alors qu’on vient de se quitter !

« Equal Playing Fields » souhaite remonter un projet rapidement, on en parle déjà ! L’une des premières questions que me pose Rachel Unitt à l’aéroport, avant de se dire au revoir à Amsterdam, est de savoir si je serais de l’aventure si «EPF» met en place un nouveau projet. Sans détour, je lui assure : «Bien sûr !». Elle me répond : «Moi aussi !»

 

Propos recueillis par Vincent Roussel

 

Remerciements de Sandrine Dusang

Je tenais à remercier les organisatrices de ce projet et fondatrices d’Equal Playing Field. Laura Youngson, Erin Blankenship, et Maggie Murphy sont des femmes extraordinaires, pleines d’énergie et d’idées pour faire bouger les choses. Elles mettent en lumière les femmes, aident le football féminin et ses actrices à se développer, s’épanouir du mieux possible. Je suis vraiment contente d’avoir pu rencontrer toutes ces femmes et de faire aujourd’hui partie de l’équipe « Equal Playing Field ».

 

Egalement un grand merci à Emma Humphris, l’autre Française de la Team EPF. C’est elle qui a pensé à moi et m’a proposé de me joindre au projet. C’est aussi grâce à elle que j’ai pu vivre cette aventure de fou et rencontrer toutes ces incroyables personnes. Merci à tous ceux impliqués dans ce projet, celles qui m’ont soutenue avant et pendant l’aventure et, évidemment, les joueuses et arbitres avec qui les moments partagés ont été encore plus intenses que je ne l’avais imaginé #EPFFamily. L’aventure « Equal Playing Field » ne fait que commencer ! To be continued…

 

 

Crédits photos : Dana Rösiger / Equal Playing Field / Sandrine Dusang 

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