Hope Solo, loin d’être H.S

 Toujours éloignée des terrains après la suspension de six mois de sa fédération l’an dernier, la gardienne la plus populaire du football féminin a annoncé il y a près de deux semaines sa candidature à la présidence de la fédération américaine de football, en pleine déliquescence. Un nouveau rebond dans l’aventure homérique d’une femme sans peur. Et loin d’en avoir fini avec le foot.

 

  

 

Hope Solo n’avait plus fait autant de bruit depuis qu’elle avait accusé l’ex président de la Fifa, Sepp Blatter, d’agression sexuelle, soit… il y a un mois. Rien d’étonnant pour une joueuse médiatisée comme peu, qui n’a pas froid aux yeux, et jamais peur de dire tout haut ce qu’elle pense. De tout ce que vous pourrez lire sur la joueuse de 36 ans, cette affirmation est sûrement la plus véridique. Exemple le plus criant, sa prise de parole dans son autobiographie (Solo : A Memoir of Hope, sortie en 2013, NDLR), sur l’homosexualité dans le foot.

 

 « Se battre pour l’égalité, l’intégrité et l’honnêteté »

Peu abordent le sujet dans le monde du ballon rond, mais elle le fait de manière simple, explicite : « J’ai eu des coéquipières homosexuelles pendant ma carrière. J’ai pensé que je devrais essayer de voir leur façon de penser, explique-t-elle alors qu’elle raconte son flirt avec une Française. Donc nous sommes sorties ensembles. Intéressant, mais ça n’a pas changé ma vie. J’étais hétéro ». Chirurgical et précis, comme ses arrêts au long d’une carrière où elle a collectionné les clubs (8).

« Je crois qu’il n’y a pas de plus grand sacrifice que de se battre pour l’égalité, l’intégrité et l’honnêteté, en particulier pour une fédération, qui peut donner tellement plus à notre population à travers tout le pays. Je sais exactement comment y parvenir », expliquait-elle le 8 décembre, date de l’officialisation de sa candidature à la tête de la Fédération Américaine de Football (USSF), dans un message long, où elle revient sur les manquements de la fédération ces dernières années, après une année de retrait loin de sa région natale.

 

 Une vie digne des plus grandes épopées

Controversée, aimée des uns et détestée par les autres, le personnage reste attachant et la femme, énigmatique. « C’est quelqu’un d’humain ! Elle n’est pas forcément centrée sur elle et plutôt tournée vers les autres », fait tout de suite remarquer Marinette Pichon, qui l’a côtoyé pendant une saison aux Philadelphie Chargers, en 2003.

Il faudrait un livre pour raconter sa vie et comprendre le phénomène. Tout commence à Richland pour la gardienne. Une ville surnommée- coïncidence ? –« Atomic City », coincé entre l’Oregon et le Canada, à quelques encablures de la côte ouest, et à quelques centaines de kilomètres de Seattle. Pour Hope Solo, le foot représente tout, surtout quand elle n’avait rien, dans une enfance au sein d’une famille perturbée. Etait-ce pour échapper à cette mère alcoolique, ce père décrit comme sans-abri- qui sera d’ailleurs arrêté pour le kidnapping de sa fille, alors âgée de 7 ans et de son fils – et ce frère violent, que Hope Solo va se réfugier sur les terrains de foot ? C’est, en tout cas, ces enfants des classes pauvres et moyennes, pour qui la pratique du football en club reste compliquée- la famille devant payer aux Etats-Unis, à la fois la licence et l’équipement pour son enfant – que cette passionnée a expliqué vouloir favoriser, si elle était élue.

 

 « Elle s’est investie à fond pour être parmi les meilleures »

Elle-même a failli s’éloigner des rectangles verts, fautes de moyens. Sa mère et son beau-père l’auraient, un jour,  poussé à quitter cette activité très couteuse, si l’on y ajoute les frais de déplacement. Mais elle avait finalement été aidée par le reste du quartier, qui s’est cotisé pour elle. D’abord joueuse de champ, et excellente buteuse jusqu’au lycée, elle est envoyée aux cages lors d’un rassemblement de jeunes en équipe nationale. Et se fait remarquer ! Après un parcours universitaire marqué par trois sélections All-American (équipe type des meilleurs joueuses amateurs), en 2000, 2001, 2002, elle commence sa carrière professionnelle à Philadelphie où, déjà, son sérieux se fait sentir : « C’est quelqu’un qui a un très haut niveau d’exigence en ce qui concerne le travail. Elle est focalisée sur ses objectifs, et c’est la dernière à rester sur le terrain à l’entraînement. Elle s’est investie à fond pour être parmi les meilleures », explique Pichon, qui a partagé de nombreuses séances supplémentaires de face-à-face avec celle qui lutte à l’époque pour le poste avec Melissa Moore.

C’est son départ deux ans après en Europe, à l’OL, en compagnie de quatre compatriotes, qui la fait remarquer : « Je n’ai pas souvenir d’une Hope Solo agressive, provocatrice, mais d’une fille vraiment ouverte qui avait envie de profiter de son expérience au maximum. C’était une bonne vivante, une déconneuse… Mais aussi une grosse bosseuse, qui en redemandait toujours plus ! », se souvient Sandrine Dusang, consultante pour Foot d’Elles, également marquée par les qualités de la gardienne au mètre 75. « Elle fait partie des 3 meilleures gardiennes de l’histoire », avance Marinette Pichon.

 

 « Au premier entraînement, elle m’avait mis sur le cul ! »

 

« Je me rappelle qu’au premier entraînement, elle m’avait mis sur le cul ! Pendant un exercice, j’avais mis une grosse frappe à droite au ras du poteau, qu’elle a bien arrêté avec un saut de chat. Le ballon m’est revenu dans les pieds, donc j’ai frappé très fort de l’autre côté. Mais elle était encore là ! C’est là que je me suis dit « Ah ouais quand même… ». Elle a cette agilité, et un gainage de malade ! Quand elle stoppait le ballon, ça rebondissait comme dans un mur », raconte l’ex-défenseure, encore pleine d’admiration.

Car les années ont passé, et c’est surtout pour ses performances hors du terrain que le grand public parle d’elle depuis. Fêtarde invétérée, Hope Solo boit beaucoup, parfois trop. Comme en 2014, où la police doit intervenir après qu’elle s’en est prise à son neveu et sa sœur. Là encore la réplique adressée aux forces de l’ordre devient culte : « Vous avez peur de moi parce que si vous me retirez les menottes, je vais vous botter le cul ».

En 2015, rebelote, alors qu’elle est censée se trouver en sélection, la police arrête son mari, ex-receveur de NFL (football américain), Jerramy Stevens, pour conduite en état d’ivresse. Hope Solo est assise sur le siège passager… du van appartenant à l’équipe américaine dans lequel s’était embarqué le couple. Elle écopera de 30 jours de suspension. Le duo, lui, était devenu célèbre en 2012, après l’intervention de la police à la veille de leur union, pour une dispute un peu trop violente. Finalement, les deux tourtereaux partiront en lune de miel comme si de rien était.

La sélection nationale, c’est LE paradoxe qui résume parfaitement la joueuse. L’histoire avec les Stars and Stripes commence plutôt bien, puisqu’elle y joue dès 2000, à seulement 19 ans. Mais sa première grande compétition officielle en tant que numéro 1 reste la Coupe du Monde 2007 en Chine. Une édition marquée par sa brouille avec l’inégalable Abby Wambach. Leader du vestiaire, l’attaquante aux 184 buts en sélection demande au sélectionneur Greg Ryan de lui préférer Brianna Scurry lors de la demi-finale face au Brésil. Après une défaite humiliante (4-0), Solo déclare au micro d’un journaliste : « Je suis sûr que j’aurais pu arrêter ces frappes ». Ce qui lui vaut de s’attirer les foudres de la serial buteuse, mais aussi d’être ostracisée du reste du groupe.

 

 Six mois de suspension pour des abus répétés

Dans son autobiographie, elle raconte qu’elle n’avait plus le droit de manger avec les autres joueuses, et que celles-ci s’éclipsaient même de l’ascenseur dans lequel elle montait. De nouveau sur le banc pour le match pour la troisième place (remporté 4-1), elle doit prendre un vol différent pour rentrer aux Etats-Unis… Mais les relations entre l’attaquante et la gardienne se normalisent lors de la Coupe du Monde 2011, où les USA perdent en finale contre le Japon, puis lors de l’obtention du deuxième titre olympique consécutif à Londres, en 2012. Elle devient incontournable en sélection, et la consécration arrive lors de la Coupe du Monde 2015 au Canada, où Hope Solo n’encaisse que trois buts, dont deux lors de la large victoire en finale contre le Japon (5-2). Puis vient la chute, lors des Jeux Olympiques en 2016, après l’élimination surprise face à la Suède, en quart de finale (1-1, 3-4 t.a.b), où la verve de la joueuse se fait encore remarquée : « On a joué contre une bande de lâches », racontait-elle, pleine de colère, en fin de rencontre.

Cette fois, la coupe est pleine pour le président de la fédération, Sunil Gulati, pour qui les commentaires de Solo sont « inacceptables et ne correspondent pas à ce que nous attendons de nos joueuses ». Il décide de la suspendre pendant 6 mois. « Je ne pourrais pas être la joueuse que je suis sans être la personne que je suis », répond la joueuse. Ironie du sort, c’est le choix de l’ex vice-président de la confédération d’Amérique du nord (CONCACAF) et membre du conseil de la Fifa de ne pas se représenter qui laisse encore des chances d’élection à Hope Solo. Fragilisé par la non qualification de l’équipe masculine au mondial russe l’an prochain, une première depuis 1986, Gulati possédait une large base de soutien, en raison d’un bilan plutôt favorable, notamment cette candidature combinée au mondial 2026 entre les USA, le Mexique et le Canada.

 

 « Quand elle parle, c’est pour créer la polémique »

Le départ de l’homme élu depuis 2013, mais qu’on estime comme l’homme fort du « soccer » en terre américaine depuis douze ans a laissé un grand vide, que 9 candidats (la validation de leur candidature est encore en cours, la fédération n’ayant reçu les 3 lettres de nominations nécessaire à une participation que pour 8 candidats, dont les noms n’ont pas été dévoilés) dont Hope Solo, souhaitent combler. Que ce soit d’anciens joueurs (Paul Caligiuri, Kyle Martino, Eric Wynalda), des avocats (Michael Winograd, Steve Gans) ou Kathy Carter, collègue de longue date de Gulati qui pourrait avoir son soutien, et présidente de Soccer United Marketing, ils semblent posséder une longueur d’avance sur la gardienne qu’on a plus vu sur un terrain depuis Rio, et dont on ne sait pas vraiment si elle est retraitée ou non, suite à une lourde opération à une épaule qui la gênait depuis des années, en septembre 2016.

Steve Nicol, légende de Liverpool et ancien international écossais émigré aux Etats-Unis en 1999 où il a entraîné New England Revolutions jusqu’en 2011, est dubitatif : « Je ne suis pas sûr qu’elle ait la maturité pour être à une position si prestigieuse et compliquée. Quand elle parle, c’est pour créer la polémique, et cela peut vite désabuser beaucoup de monde », analysait le commentateur d’ESPN juste après l’annonce de sa candidature. « Elle fera peut-être preuve d’un peu plus de sagesse, en tout cas elle connaît bien le football et l’a pratiqué à un très bon niveau ! », plaide de son côté Marinette Pichon.

 

 

 

Un poste inatteignable. A moins que… 

« Elle a beaucoup d’idée à défendre, elle pourrait apporter beaucoup de choses, mais toutes les histoires dans lesquelles elle a été impliquée lui ont aussi brûlé les ailes, à mon avis », tempère Sandrine Dusang. Avoir concocté un plan en quatre points, détaillés sur son compte Facebook, pour ce poste bénévole est donc un moindre mal pour Hope Solo, qui devra faire bien plus pour convaincre du bien-fondé de sa démarche. Même pour une joueuse qui a posé nue pour l’édition The Body Issue d’ESPN et participé à Dance avec les Stars, le but semble impossible à atteindre. C’est ce que se sont dit beaucoup d’attaquantes lorsqu’elle se trouvait dans les buts adverses. Avant d’être souvent déçue du résultat…

 

 

Propos S.D et M.P recueillis par Vincent Roussel. Propos Hope Solo tirés de son compte facebook, et du Guardian. 

Crédits photos : Instagram Hope Solo, AFP, AP, Eric Drost, Sports Forum

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