Cécifoot : elles vont changer votre regard sur le handicap

En France, le cécifoot compte un peu plus de 200 licenciés. Parmi eux, seulement une dizaine femmes. Témoignages de trois accros du ballon rond, de Marseille à la région parisienne, en passant par Nantes.

 

 

 

 

« Jouer au foot, c’était un rêve de gosse ! »

Jessica, 33 ans, est à l’origine de la première, et pour le moment, seule équipe féminine de cécifoot en France, à Marseille.

 

« Petite, je regardais assidument Olive et Tom ! J’ai aussi beaucoup saoulé mes parents en m’amusant avec une balle en mousse à la maison. Ne pouvant intégrer une équipe classique à cause de ma déficience visuelle, j’ai mis ma passion pour le football de côté pendant de nombreuses années. Jusqu’à ce que j’apprenne l’existence du cécifoot . Pour décompresser, je voulais faire du sport en dehors de mes heures de cours. J’ai commencé à jouer au torball, un sport de ballon qui se pratique les yeux bandés et qui, contrairement au football, se joue à la main. Lors d’une compétition, j’ai rencontré Lawrence Del Pino, qui était alors sélectionneur de l’équipe de France masculine de cécifoot et entraîneur d’un club à Marseille. J’ai rejoint l’équipe des garçons, mais très vite, je lui ai proposé de monter une équipe de cécifoot exclusivement féminine. J’ai convaincu des copines de me rejoindre.

 

Notre équipe réunit vraiment des profils très différents. Nous sommes toutes malvoyantes, sauf la gardienne de but. Faute d’adversaires féminines, nous n’affrontons que des équipes masculines ou mixtes. Ce qui nous porte ? Notre envie de jouer ensemble, notre enthousiasme et notre esprit d’équipe. Nous n’avons pas toutes le même niveau de jeu, ni les mêmes déficiences visuelles, donc nous devons adapter notre jeu en permanence. Cela nous demande beaucoup d’énergie, mais tout se fait dans la bonne humeur et le plaisir. Chacune a vraiment envie de se dépasser pour le collectif.

 

 

 

Le cécifoot, c’est une vraie source d’épanouissement personnel, mais c’est aussi un vrai plaisir de faire partie d’une équipe. Cela m’a apporté de la confiance en moi, l’envie d’aller vers les autres, je suis aujourd’hui plus ouverte. C’est une manière, aussi, de ne pas se renfermer sur son handicap. Mes parents sont heureux de me voir ballon au pied, ils savent ce que cela représente pour moi ! Jouer au football, c’était un rêve de gosse ! Depuis un an, j’ai intégré une équipe féminine de football « classique ». Je ne joue pas les matchs, car c’est absolument impossible à cause de ma vue, mais je participe à leurs entraînements. Cela m’apprend plein de choses et je me sers de cette expérience avec mes copines du cécifoot. J’ai gagné en confiance, et je me sens plus solide.

Mon objectif ? Créer un championnat de cécifoot féminin en France. On espère qu’une équipe va prochainement se créer en région parisienne. Le principal problème ? La communication. Moi, par exemple, je n’ai appris l’existence du cécifoot dans ma ville que 10 ans après son lancement, alors que j’étais une passionnée de ballon rond ! A l’échelle internationale, il y a eu récemment un Open féminin, et des équipes féminines existent au Brésil ou encore en Allemagne. C’est donc possible de développer cette discipline ! Sensibiliser les jeunes dans des centres pour déficients visuels, en venant par exemple avec des joueuses pour les faire pratiquer, peut être une idée. Une autre serait de profiter de la Coupe du monde 2019 pour donner un coup de pouce à notre discipline en France, notamment en matière de médiatisation. Lors d’un match de ligue 1, des joueurs de cécifoot sont venus sur le terrain à la mi-temps pour tirer des pénaltys. Pourquoi ne pas imaginer quelque chose dans le même esprit ? Ou alors des joueuses malvoyantes qui donneraient un coup d’envoi ? On ne demande que ça ! »

 

 

 

« J’ai à cœur de faire des choses là où on ne m’attend pas ! »

Fanny Arnaud est kinésithérapeute pour le Football Club Féminin Juvisy Essonne.

 

« J’ai entendu parler du cécifoot pendant mes études de kiné, dans un centre spécialisé pour les malvoyants et les non-voyants. C’était une des activités proposées. Je n’avais jamais joué au football auparavant. Ce fut l’occasion pour moi de reprendre un sport collectif. Adolescente, je jouais au handball mais j’ai dû arrêter à cause de mes problèmes de vue. Ce fut un vrai plaisir de retrouver une équipe, une place dans un collectif, et de surcroit avec des copines ! J’ai joué au cécifoot dans l’équipe féminine de Marseille pendant deux saisons. En étant basée en région parisienne, je me déplaçais le week-end pour les matchs, je participais aux stages plusieurs fois par an… Un sacré rythme !

 

Après mes études, je suis devenue kinésithérapeute pour le Football Féminin d’Issy-les-Moulineaux, avant d’intégrer Juvisy en 2015. Travailler pour un club à haut niveau est très stimulant. Il y a de l’action, de l’adrénaline, et là encore, j’ai le sentiment de faire partie d’une équipe. En plus, c’est un club performant à l’esprit encore très familial. En évoluant à ce niveau, il faut savoir prendre des décisions rapidement. Je me déplace sur le terrain avec un autre membre du staff, il m’aide aussi à communiquer avec le banc ou les joueuses quand je suis loin. Je regarde également beaucoup de vidéos des matchs pour revoir les actions, les blessures, etc. 

 

Pratiquer le cécifoot m’a permis de mieux comprendre certains points techniques du jeu, ou encore le placement des joueuses. Aujourd’hui, je n’y joue plus, faute de temps, mais je me suis mise au yoga. Cela m’aide aussi dans mon travail, mais différemment ! Le milieu des kinés dans le sport, surtout à haut niveau, reste très masculin. Je suis l’une des rares femmes à endosser ce rôle en D1. Je suis heureuse de montrer qu’on peut y arriver en ayant une déficience visuelle. Toute ma vie, on n’a cessé de me répéter que beaucoup de choses ne seraient plus possibles pour moi à cause de ma maladie. J’ai à cœur de faire des choses là où on ne m’attend pas, et de montrer aux jeunes filles et femmes malvoyantes que tout est possible ! J’ai été embauchée pour mes compétences, pas pour mon handicap ou pour répondre à un quota. Je suis contente car mon handicap n’a pas non plus été un frein à mon recrutement. Et ce même dans un univers de performance et d’obligation de résultats. » 

 

 

 

 

« Le cécifoot m’a permis de gagner en autonomie au quotidien »

Julie, 31 ans, joue depuis plusieurs années au Don Bosco Cécifoot-Nantes, un club handisport amateur labellisé « Sport responsable ».

 

« J’ai une passion pour le football depuis toujours. Petite, je regardais les matchs avec mon père. Je ne rate aucune grande compétition ! J’ai découvert le cécifoot il y a un peu plus de cinq ans, par le bouche-à-oreille. Je me suis dit : « Pourquoi pas essayer ? » Je me suis sentie plus à l’aise dans l’équipe des joueurs aveugles, plutôt qu’avec les malvoyants. L’ambiance m’a tout de suite plu. Nous étions au départ deux filles, je suis désormais la seule. Je n’ai vraiment eu aucun problème pour m’intégrer dans le collectif. Pas de sexisme ou de remarques machistes.

La cohésion du groupe m’a beaucoup apporté, et j’aime évoluer dans une équipe mixte. Pratiquer le cécifoot m’a également permis de gagner en autonomie au quotidien. Les déplacements sur le terrain m’ont aidée à acquérir de nouveau repères et de nouveaux réflexes. L’entraînement est pour moi un défouloir, un moment de détente. J’ai pris goût aux compétitions, mais, depuis la naissance de mon fils, je ne joue plus qu’en loisirs. Mon compagnon, qui est aussi un coéquipier, continue, lui, les matchs. Les gens sont un peu surpris quand je leur dis que je joue au football. Ma mère a toujours un peu peur pour moi car il y a de vrais contacts physiques, et parfois des coups involontaires ! »

 

blender bitcoin bitcoin mixer bitcoin blender blender io cryptomixer