B.Barbusse : « Pour gagner la bataille contre le sexisme, il faut oser »

Béatrice Barbusse, Maître de Conférence en sociologie spécialisée dans le sport et les ressources humaines à l’Université de Créteil, vient de publier aux éditions Anamosa un ouvrage majeur sur la place et l’image des femmes dans le milieu sportif : « Du sexisme dans le sport ». Interview.

 

 

 

 

« Retourne faire la vaisselle », « On dirait un tir de femme enceinte »… Autant de « petites phrases » entendues et fréquentes dans le sport qui en disent long sur un milieu où machisme et sexisme semblent régner sinon en maîtres, du moins dans une forme de connivence naturelle. L’ex-présidente de l’US Ivry Handball (2008-2012), ancienne sportive de haut niveau, et aujourd’hui responsable du plan de féminisation national au sein du conseil d’administration de la Fédération française de handball.offre un ouvrage personnel et engagé pour analyser l’ancrage du sexisme dans le sport, tout en évoquant les évolutions actuelles.

 

Au cours de votre carrière, vous avez connu de nombreuses expériences, qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire cet ouvrage ?
B.B : « Au départ, je voulais prendre des notes pour ne rien oublier de mes expériences professionnelles. En faisant des recherches je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas d’ouvrage sur le sujet. Et puis depuis que ce livre est sorti, j’ai eu de nombreux messages. Des femmes qui me remercient car elles osent désormais dans leurs différents parcours, mais aussi des hommes qui me remercient pour la prise de conscience qu’a suscitée mon ouvrage.

 

Vous décrivez vos expériences vécues en tant que présidente de club, dirigeante à la fédération etc, s’il n’y en avait qu’une seule à retenir, qui vous a vraiment marquée, ce serait laquelle ?
– S’il y avait une anecdote à retenir… (elle prend un temps de réflexion) c’est d’ailleurs celle-ci qui a déclenché l’écriture de ce livre. C’est ma note de terrain où je raconte le déroulement du conseil d’administration à la Fédération française de Handball en janvier dernier. Et le moment où un homme dans l’assemblée se lève et me dit : « je serai votre premier souteneur ». Cette scène m’a fait beaucoup de mal. Mais qui était-il pour me dire ça ? S’il avait parlé à sa mère, je suis certaine qu’il n’aurait jamais prononcé ces paroles. J’espère que s’il lit ce livre, cela le fera réfléchir.

 

Vous évoquez la conscience de genre, pouvez-vous nous détailler cette notion qui apparaît comme vitale pour l’évolution ?
– Pour lutter contre les discriminations, il faut dans un premier temps que les groupes discriminés soient conscients d’appartenir à un tel groupe social. Autrement dit, à l’instar de la conscience de classe, il faut que les membres appartenant au genre féminin aient conscience de constituer un « genre en soi » mais aussi un « genre pour soi ». Ici, le genre féminin existe bien objectivement en tant que catégorie sociale discriminée. Dans le sport la place des femmes est marginale. Nous faisons ainsi face à un « genre en soi ».

Mais pour que le genre constitue une catégorie non pas seulement objective mais aussi subjective, il faut que les femmes aient conscience d’appartenir à une catégorie à part et en particulier discriminée. Il faut qu’elles aient le sentiment de faire partie d’un « genre pour soi ». À la fin, il faut avoir une attitude qui permet de ne pas reproduire le stéréotype de genre et ce sexisme. Il faut permettre à d’autres femmes d’oser, car si on veut gagner la bataille contre le sexime, il faut oser.

 

Malgré l’évolution que vous avez connue tout au long de votre carrière, selon vous aujourd’hui, le plafond de verre dans les instances est-il encore bien présent pour les femmes ?
– C’est unanime, il y a une grosse barrière aujourd’hui dans les instances, c’est unanime ! J’espère que dans 5-10 ans cela aura évolué. Avec tout ce que l’on fait, à force d’en parler sur les réseaux sociaux notamment, des prises de 0opsitions de chacune, cela va bouger.

 

Il y a tout un passage où vous analysez la médiatisation des sportives. Pour vous leur féminisation à travers leur médiatisation est criticable ?
– Elles n’ont pas le choix ! Le problème c’est la systématisation de ce type de communication. C’est toujours le corps qui est mis en avant. Les sportives doivent mettre en avant leur féminité pour être exposées. C’est la rentabilité qui domine le système qui n’a pas de morale. Il n’y a qu’une finalité c’est l’argent. Mais il y a des limites. Par exemple, souvenez-vous de l’affiche de la Ligue féminine de basket où apparaît un maillot avec un décolleté. Et bien le pire dans tout cela, c’est que l’agence de communication qui l’avait réalisée était très fière de sa création !

 

Vous évoquez longuement le voile porté par certaines sportives, qui est un sujet complexe en France, qu’en pensez-vous ?
– En France, nous pensons toujours que nous sommes les meilleurs en tant que pays des droits de l’Homme, mais il faut évoluer avec son temps. La réalité a grandement évolué ces dernières années. C’est inconcevable d’empêcher quelqu’un de courir parce que cette personne ne porte pas la même tenue. Le fait que ces sportives d’origine musulmane puissent pratiquer leur sport est déjà un énorme progrès dans leur pays. À partir du moment où elles ne me l’imposent pas, pourquoi je les empêcherais de pratiquer leur sport, c’est leur problème pas le mien.

 

Avez-vous déjà connu cette situation lors de vos différentes fonctions ?
– Une fois dans ma carrière, j’ai pris la mauvaise décision à ce sujet, et j’ai été conne ! Lorsque j’étais présidente d’Ivry, j’avais deux joueuses africaines au sein d’une équipe de jeunes. Après une compétition en Afrique, elles seront revenues et ont demandé à porter le voile sur le terrain. J’ai refusé et derrière elles ont arrêté le handball. Depuis j’ai beaucoup lu et j’ai rencontré de nombreuses personnes qui m’ont permis de prendre du recul sur cette question. Je pense aujourd’hui que nous n’avons aucune raison de les exclure.

 

Quel avenir voyez-vous pour le sport féminin ?
– Qu’il y ait plus de sportives qui s’assument, plus de dirigeantes, d’entraîneures, d’arbitres. Si les sportives s’assument et qu’elles ont des résultats, elles seront médiatisées, et si elles sont médiatisées, il y aura alors des sponsors qui arriveront, et cela créera une économie et un cercle vertueux ».

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