Avant l’OL, elles étaient les patronnes

La ville de Preston a fait parler d’elle il y a moins d’un mois en récompensant, plus de 50 ans après, le Dick, Kerr’s Ladies Football Club, «la plus grande équipe de l’histoire du football féminin». Retour sur l’histoire d’un pionnier du foot féminin.

 

 

 

 

Nous sommes début mai lorsque la nouvelle tombe : Pour la première fois, une équipe de football féminin a reçu l’immense honneur de voir son nom orner une «blue plaque» (plaque bleue en VF). Un hommage très simple à première vue mais fort quand on connaît l’importance et la hauteur de la distinction de l’autre côté de la Manche. Pas toujours bleue d’ailleurs, celle-ci «célèbre les liens entre les figures notables du passé et les bâtiments dans lesquels ils ont vécu et travaillé», comme l’explique du côté d’English Heritage, l’organisme publique chargé de ces plaques. Parmi les illustres prédécesseurs de l’équipe anglaise figurent notamment Leonard et Virgina Woolf (fondateurs de la Hogarth Press), John Lennon, Freddie Mercury ou Winston Churchill.

Apposé sur l’ancienne usine de Dick, Kerr and Company, une manufacture de trains et tramways qui créa en 1917 le «Dick, Kerr’s Ladies Football Club», à Preston, ce sceau vient récompenser l’un des mythes du football féminin. «Dans l’histoire du football féminin le «Dick, Kerr’s Ladies» est l’équipe ayant connu le plus de succès au monde» pose même d’emblée Gail Newsham, auteure d’un livre consacré à l’équipe et intitulé «In a League of Their Own !», sorti en 1994. Celle qui se présente comme la biographe officielle de l’équipe qui a participé à la naissance du football féminin a vécu le mois dernier une douce satisfaction. Celle de voir son équipe être définitivement ancrée dans le paysage de Preston, ville de 130 000 âmes du comté de Lancashire, au nord de Liverpool et Manchester.

Une équipe composée de «Munitionettes»

Si aujourd’hui l’ogre lyonnais règne sans partage sur le football européen et mondial, le titre de meilleure équipe de l’histoire du football féminin lui est pourtant contesté par une bande d’irrésistibles, dont la presse britannique se fait régulièrement écho. Le «Dick, Kerr’s Ladies Football Club», créé pendant la première guerre mondiale, est considéré comme l’équipe ayant participé au premier match international de l’histoire de la discipline. C’était en 1920 face à… la France. Ce sont nos voisines d’outre-Manche qui s’étaient imposées (2-0), devant 25 000 personnes. Une affluence qui ferait rougir plus d’un cador européen actuel.

 

 

 

 

 

Tout cela pour une équipe composée d’ouvrières chargées de fournir «l’effort de guerre» comme tant d’autre à l’époque, en tenue de bagnardes dirait-on à première vue, un bonnet toujours sur la tête. Des noms oubliés comme celui d’Alice Kell (première capitaine de l’histoire du club), Lily Parr (première joueuse à intégrer le Hall of Fame du musée national du football) ou Molly Walker, qui disputent leur premier match un soir de Noël, en 1917, devant 10 000 spectateurs afin, comme ce sera le cas jusqu’à l’armistice, de lever des fonds pour les soldats blessés. Ce jour-là elles réunissent 600 Livres actuelles, soit environ 680 euros. Le début d’une histoire féérique, qui va enchanter toute l’Angleterre.

16 défaites en 752 matches

Au-delà de leur match face à la France où deux styles totalement opposés s’affrontent- «Les frêles françaises, parfaitement formées, couraient sur le terrain comme des mannequins tandis que les femmes du Lancashire rentraient dans tout ce qui bougeait», dixit Barbara Jacobs, autre auteure d’un livre sur l’équipe -les Dick, Kerr’s Ladies, sont surtout rentrées dans les annales de l’histoire lors d’un match historique. Une rencontre à Goodison Park, le stade d’Everton, qui réunit plus de 54 000 spectateurs, un record inégalé d’affluence, difficile à battre encore de nos jours. Comme les Anglaises d’ailleurs, qui entre 1917 et 1965, joueront 752 matches en ne perdant qu’à 16 reprises (pour 703 victoires et 33 nuls). «Nous étions champions nationaux et nous avons eu un mal fou à les vaincre», rappelait en 2009 au Guardian le footballeur américain Peter Renzulli. Mais comme dans tout conte de fée, la vie du club allait être bousculée. Dans la peau du méchant, la fédération britannique de football qui leur interdit d’évoluer sur des pelouses qui lui sont affiliées à partir de 1921, sous le prétexte que «les femmes ne sont pas prédisposées à jouer au football».

Un rejet qui paraît aujourd’hui aberrant. La sanction sera levée en 1971, à une époque où le club a déjà perdu de sa féérie. Une équipe faite pour rester dans les têtes, mais loin de la gloire qui aurait dû lui être promise. C’est choses faites désormais, bien que la plupart des légendes du club aient disparu. Celles-ci avaient d’ailleurs le triomphe modeste, en atteste cette parole rapportée par Gail Newsham de Joan Whalley, joueuse à partir de 1937 et dont le football était comparé à celui de Sir Stanley Matthews et Sir Tom Finney, rien que cela : «On ne devrait jamais prendre le melon dans le football. Si votre tête devient trop grosse, vos pieds deviendront hors de taille». Une parole que les Lyonnaises ont elles aussi bien assimilée.

 

Crédits photos : Getty Images/ U CLAN/ Preston Digital Archive

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