Au Bangladesh, une équipe de villageoises truste les victoires et dribble les préjugés

Le classement Fifa pointe l’équipe nationale de football du Bangladesh au 178e rang chez les hommes. L’équipe féminine fait beaucoup mieux : créée en 2009 et déjà 128e. Une dizaine de titulaires ont été formées dans le village de Kolsindur.

 

 

 

 

Ne cherchez pas Kolsindur sur la carte. Ce village, tout proche de la frontière indienne, est pourtant connu dans tout le Bangladesh. Minerai d’or ? Usine de textile ? Gisement de pétrole ? Non, équipe de football. Jusqu’en 2011, l’équipe masculine a tout perdu. Depuis 2011, l’équipe féminine a tout gagné. À tel point que le ministre des Sports a promis d’offrir un vrai terrain de football au club de foot féminin de Kolsindur. Un cadeau à 12.500 dollars qui récompense une suite ininterrompue de victoires.

 

Terrain miné

Tout a commencé à Kolsindur en 2011, quand l’entraîneur de l’équipe masculine, Mofiz Uddin, a créé une équipe féminine faute d’avoir pu gagner le moindre trophée grâce aux garçons. Quatre ans plus tard, une cinquantaine de gamines de 7 à 16 ans participent aux entraînements et aux matches de l’équipe. Sur un terrain encore artisanal, mais avec des crampons, des maillots et des shorts adaptés à la pratique sportive. Il n’en a pas toujours été ainsi. Aux débuts, les filles jouaient pieds nus et portaient la kurta (chemise ample) et le salwar (pantalon bouffant) traditionnels. Avec en guise de terrain un pré non débarrassé de ses déjections bovines avant les entraînements.

 

Le poids des traditions

Dans cette riante commune comme dans toute la région, on marie les filles dès 13 ans et la pratique sportive reste l’apanage des hommes. Treize ans, c’est l’âge où les familles considèrent qu’une jeune fille devient femme. Et une femme digne de ce nom, selon la tradition, se doit de trouver un « bon mari », de faire des enfants, de rester à la maison et de ne pratiquer aucun sport. Des familles traditionalistes continuent de s’y conformer, obligeant leurs filles à raccrocher les crampons dès qu’elles sont en âge de se marier et à travailler dans les champs dès qu’elles le peuvent. Ainsi de Ruma Akhter, 13 ans, qui a dû prendre sa retraite sportive, ou encore de Maria Manda, 13 ans, capitaine de l’équipe de football mais fille de ferme pour s’offrir de quoi manger. Malgré leur titre de championnes du Bangladesh…

 

Messi de Kolsindur rencontrerait Messi du Barça

Car l’équipe féminine de Kolsindur est devenue une machine à gagner, qu’il s’agisse de tournois ou du championnat du Bangladesh. La pression familiale et sociale reste forte, mais les succès de l’équipe lui ont valu un nombre croissant d’aficionados à l’intérieur même du village. Certains d’entre eux vont jusqu’à se cotiser pour accompagner l’équipe lors des matches à l’extérieur.

Une footballeuse incarne plus que toute autre cette résistance face aux préjugés, cette rage de vaincre, cette volonté d’excellence. Il s’agit en l’occurrence de Tahura Khatun. Surnommée la « Messi de Kolsindur », l’attaquante de 12 ans mérite autant son surnom que son poste. Attaquer les préjugés, elle le fait tous les jours contre ceux de sa famille, qui se désespère de la voir pratiquer un sport si peu propice à lui obtenir un « bon mari ». Mais la jeune sociétaire de Kolsindur et de l’équipe nationale ne parle que foot, ne rêve que foot et, en plus d’empiler les victoires, elle aimerait bien apprendre quelques trucs techniques et tactiques de son idole : Messi. Mais pour cela, il faudrait que Messi vienne à Kolsindur… ou que le Barça s’intéresse à Tahura Khatun. L’invitation est lancée.

 

 

Crédit photo : scmp.com

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