L’ex-président soudanais Omar el-Béchir a été destitué le 11 avril 2019. Deux événements attestent que la transition soudanaise n’est pas un vain mot : la nomination au sein du gouvernement de deux femmes, dont une ministre des Sports ; et la tenue, le 30 septembre, du premier match comptant pour le tout nouveau Championnat féminin de football au Soudan. Après trois décennies de dictature, l’espoir revient, aussi vert que la pelouse.
Une grande première (ligue)
Stade de Khartoum, 30 septembre 2019. Pelouse verte, 8 000 hommes et femmes dans des tribunes où l’on aperçoit la nouvelle ministre des Sports, Wala Essam, des personnalités politiques soudanaises et de nombreux diplomates étrangers. Pendant le match, supporteurs et supportrices applaudissent les 22 joueuses et scandent des slogans qui appellent au retour du pouvoir civil. Pour la petite – et aussi la grande – histoire, les équipes de Tahadi (en vert) et Difaa se sépareront sur un score de parité (2-2).
Parité, le mot est lancé. Le Soudan dispose désormais d’une ligue féminine de football, la Sudanese Women’s Football League, et d’un championnat à 21 équipes réparties en quatre groupes dont les matches sont programmés respectivement à Madani pour la poule de cinq équipes, Khartoum, Al-Obeid et Kadugli pour les trois groupes de quatre. Les deux meilleures équipes de chaque groupe – soit huit clubs – disputeront une nouvelle phase de groupe et la finale du premier Championnat féminin de football au Soudan opposera la meilleure équipe de chacun des deux groupes.
Parité, j’écrirai ton nom
Il ne s’agit certes pas d’une totale parité, puisque la ligue féminine forme pour l’instant une simple section de la Sudan Football Association (SFA). Mais une section présidée par une femme, Mervat Hussein. Et une section dont un groupe de travail spécifique a dressé une feuille de route aussi ambitieuse qu’un programme politique, dont la base, l’éducation, la compétition, la promotion-communication, ainsi que les infrastructures et l’organisation, constituent les axes prioritaires.
En route vers la parité quand même, puisque la politique du pouvoir de transition met désormais l’accent sur la participation des femmes et des jeunes filles aux activités sportives en général, et notamment à l’essor du football au féminin. Pour ce faire, des compétitions seront organisées dans – et entre – les écoles et les universités, avec aussi la volonté de créer des compétitions pour chaque tranche d’âge, y compris chez les (très) jeunes filles. La stratégie nationale insiste par ailleurs sur la formation et la professionnalisation de femmes en matière de coaching, d’arbitrage, d’administration et de bénévolat.
Et la création d’une équipe nationale féminine ? Les nouvelles autorités y pensent déjà. Les 21 équipes de première division devraient fournir un vivier intéressant pour architecturer la future équipe soudanaise. En attendant le qualitatif que promettent le championnat et l’éventuelle participation à des compétitions internationales, les pouvoirs publics mettent l’accent sur le quantitatif et veulent massifier la pratique sportive et en particulier footballistique chez les jeunes femmes – histoire de jouir enfin d’une liberté retrouvée après trois décennies de dictature militaro-islamiste dans ce pays où la charia (loi islamique stricte) fut instaurée en 1983.
Et à la fin, c’est le Soudan qui gagne
En attendant de voir les Soudanaises participer à la Coupe d’Afrique des Nations ou à la Coupe du monde de football, la phase de transition réjouit les pionnières du ballon rond. À commencer par Salma al-Majidi (dont on avait parlé dans cet article), première femme à entraîner une équipe masculine de football au Soudan. Faute d’infrastructures et de volonté politique au Soudan, la moindre initiative nécessitait une formation ou un séjour à l’étranger, que ce soit pour entraîner une équipe ou pour participer à un championnat de football. La structuration du secteur permettra sans doute, à moyen terme, des progressions spectaculaires et des formations complètes au Soudan même.
Il reste encore deux combats à mener jusqu’au bout : pérenniser la présence du football au féminin dans le paysage sportif soudanais, et décrisper les mentalités locales afin d’allouer au ballon rond les financements et les infrastructures qu’il mérite et de ne plus considérer le football comme un sport exclusivement masculin.
Et si les footballeuses soudanaises bénéficiaient d’un coup de pouce international ? Par exemple, que leur équipe nationale, une fois constituée, puisse disputer un match amical contre une équipe du calibre de la France. Non pas au Parc des Princes ou au Stade de France, mais à Khartoum – afin de marquer encore plus les esprits au Soudan et d’y faire progresser la cause, quel que soit le score au tableau d’affichage. L’idée est lancée, il ne reste plus qu’à prendre rendez-vous.
Crédits Photo : Sudan Football Association