France-2019 : Encore plus vite, encore plus haut, encore plus fort qu’avant

Alors que le niveau de performance physique des footballeuses avait peu évolué en Coupe du monde entre Allemagne-2011 et Canada-2015, il a progressé d’une manière impressionnante entre Canada-2015 et France-2019. Non seulement parmi les meilleures équipes, mais aussi sur l’ensemble de la compétition, dans toutes les équipes et à tous les postes. Décryptage.

La Fifa a constaté, dans son Analyse physique de la Coupe du monde France-2019 rendue publique le 6 juillet 2020, une étonnante élévation du niveau d’engagement physique des footballeuses. Étonnante, car elle est à la fois spectaculaire et modulaire. La modularité atteste que, plus qu’auparavant, l’engagement physique tient compte aussi de paramètres techniques et tactiques. La spectaculaire élévation du niveau d’engagement physique résulte, quant à elle, d’une professionnalisation plus poussée de la préparation physique et médicale, et d’athlètes mieux aguerries et plus performantes.

Cours toujours !

Les 552 footballeuses des 24 équipes qualifiées pour France-2019 ont affiché, à tous les postes, une performance physique moyenne en forte hausse par rapport à la Coupe du monde précédente. Entre ces deux dates, la distance totale moyenne a augmenté de 15 % sur les vitesses comprises entre 19 km/h et 23 km/h, et de 18,6 % à 47,3 % sur les courses au-delà de 13 km/h. Mieux encore, cette distance moyenne a augmenté de 29 % sur les courses excédant les 23 km/h. Une telle vitesse correspond à une performance sportive de très haut niveau, sachant qu’il ne s’agit pas là d’un sprint unique, mais de courses multiples à plus de 23 km/h, aussi brèves soient-elles, qu’il s’agisse de sprints offensifs ou défensifs.

Tous les postes ont connu, entre la Coupe du monde de 2015 et celle de 2019, une augmentation de la distance moyenne parcourue et des distances parcourues à grande vitesse. C’est surtout chez les milieues excentrées que l’augmentation de l’engagement physique aura été la plus tangible, alors qu’elles ont parcouru – en moyenne – quelques centaines de mètres en moins par match que les milieues axiales.

L’augmentation de la distance parcourue ne concerne pas seulement chaque poste, elle concerne l’ensemble des équipes, tant lors des phases de groupes que pour les rencontres à élimination directe. Au regard de la distance totale parcourue et des courses individuelles à grande vitesse, la Fifa note que l’écart entre les équipes les mieux classées et les équipes les moins bien classées s’est considérablement réduit entre les éditions 2015 et 2019.

Un kilomètre à pied, ça use, ça use…

Les demi-finales n’ont pas échappé à cette (nouvelle) règle. Si la distance moyenne parcourue par chaque joueuse de l’équipe des États-Unis (6 795 m) dépasse de 20 m celle des footballeuses anglaises, c’est bien l’équipe d’Angleterre qui a enregistré la plus forte progression par rapport à Canada-2015, avec 1 km de plus en moyenne par match, soit 17 % de mieux.

De fait, la distance moyenne parcourue par les équipes n’a guère augmenté lors du tournoi 2019. À distance parcourue quasi égale, c’est surtout le nombre des courses à moins de 13 km/h qui a chuté, tandis que les déplacements à grande vitesse devenaient plus nombreux. Autrement dit, l’intensité physique moyenne des matches s’est considérablement accrue entre Canada-2015 et France-2019.

L’étude diligentée la Fifa note avec pertinence que l’augmentation de la performance athlétique ne s’est pas matérialisée d’une façon uniforme. Bien au contraire, chaque équipe et chaque joueuse ont adapté leur niveau physique à l’enjeu du match, au niveau de leur adversaire, au positionnement du bloc défensif et même à l’évolution du score. La distance moyenne parcourue dépendait aussi du temps de récupération dont chaque équipe disposait avant le match. Preuve, s’il en était besoin, que l’engagement physique plus intense s’accompagne d’une réflexion tactique plus poussée.

Les auteurs de l’analyse constatent d’ailleurs l’impact considérable de la stratégie tactique adoptée par chaque équipe sur son niveau d’engagement physique. Une stratégie axée sur la possession de balle s’accompagnait ainsi, presque toujours, d’un engagement et d’une performance physiques plus intenses, donc avec des courses plus nombreuses et plus rapides. Et à tous les postes, c’est-à-dire pas seulement de la part des ailières, des milieues ou des latérales de débordement.

Mieux préparées, donc plus rapides

Comment peut-on expliquer la spectaculaire élévation du niveau athlétique entre Canada-2015 et France-2019 ? Par une stratégie tactique plus circonstanciée, certes, mais cela ne suffit pas à comprendre pourquoi la situation a peu évolué sur une même période entre 2011 et 2015 alors qu’elle a effectué un grand bond en avant entre 2015 et 2019.

Chiffres à l’appui, la Fifa cite une « préparation technique, tactique et psychologique des joueuses, [et] une préparation physique spécialisée » mieux adaptées que jadis au plus haut niveau sportif.

L’analyse de 169 pages fournit une profusion de tableaux, camemberts et autres graphiques, mais elle omet un facteur essentiel susceptible d’expliquer en bonne partie la montée en puissance des footballeuses lors de France-2019 par rapport aux éditions précédentes. Ce facteur n’est autre que la professionnalisation des clubs féminins de foot en général, européens en particulier. La professionnalisation ne tient pas juste au statut légal ou financier des joueuses, un statut qui n’a plus grand rapport avec l’amateurisme ou le semi-amateurisme d’antan. Cette professionnalisation apporte aussi et surtout les moyens quantitatifs et qualitatifs visant à atteindre le plus haut niveau sportif et à s’y maintenir.

L’impact des clubs

Il s’en dégage trois évolutions majeures : une plus grande compétence globale de l’encadrement, des moyens financiers et humains plus importants, et aussi des techniques d’entraînement et des programmes physiques mieux adaptés au profil de chaque équipe et de chaque joueuse. Cela concerne aussi les pays où le championnat féminin reste embryonnaire : les footballeuses les plus talentueuses ayant tendance à rejoindre des clubs étrangers nantis avec des infrastructures et un encadrement de grande qualité, elles rehaussent par ricochet le niveau moyen de leur équipe nationale.

L’étude de la Fifa évoque, sans en préciser la cause, une augmentation du poids moyen des 552 footballeuses qualifiées pour France-2019 de l’ordre de 1 kg environ, les moyennes d’âge et de taille n’ayant guère changé. Ce kilogramme supplémentaire ne correspond pas à une prise de graisse, mais très certainement à une masse musculaire plus importante, donc plus propice à la performance athlétique. Et c’est bien lors des quatre années de championnat en club que les footballeuses ont eu l’occasion de parfaire à la fois leur profil musculaire et leurs techniques d’entraînement.

Outre l’analyse proprement dite de France-2019, l’étude la Fifa consacre tout un chapitre à des recommandations très pointues sur l’échauffement des joueuses et sur l’adaptation de cet échauffement en fonction de chaque poste. On n’entrera pas dans le détail de ces recommandations très techniques. Nul doute, en revanche, que le personnel d’encadrement des joueuses (en club comme en sélection nationale) saura en tirer profit avant même la Coupe du monde féminine de football qu’accueilleront l’Australie et la Nouvelle-Zélande en 2023.

Gageons que le mouvement de professionnalisation des équipes nationales et surtout des clubs, qui s’intensifiait en Espagne, en Italie, en Angleterre et dans quelques autres pays – avant le grand confinement – aura pour effet de produire une Coupe du monde 2023 encore plus athlétique et plus passionnante que celle de 2019.

On ne saurait conclure sans mentionner les deux universitaires, sommités du football mondial et spécialistes de la performance sportive de haut niveau, à qui la Fifa a confié l’élaboration de son analyse physique de France-2019. L’une, Dawn Scott, pilote aujourd’hui la performance physique de l’équipe féminine d’Angleterre, après avoir officié à ce poste pour l’équipe nationale des États-Unis de 2010 à 2019. L’autre, Paul Bradley, est maître de conférences en performance sportive à l’université John Moores de Liverpool.

Source photo: ANALYSE PHYSIQUE DE LA COUPE DU MONDE FÉMININE DE LA FIFA, FRANCE 2019™

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