Zahra, l’Iranienne qui se travestit pour entrer dans les stades de football

Elle aurait pu s’appeler Marjane, Shirin ou Négar. Appelons-la Zahra. Son visage ? Celui d’un homme barbu aux cheveux courts. Car pour voir les matches du Persépolis FC depuis le stade, Zahra doit se déguiser en homme. Elle est devenue une star des réseaux sociaux, la police religieuse n’ayant pas réussi à la prendre en flagrant délit d’amour du football.

 

En Iran, la femme est considérée par les ayatollahs comme un être impur. Il lui est interdit de paraître en public sans porter le voile et sa présence dans un stade où évoluent des athlètes masculins reviendrait à souiller le stade et soumettre les sportifs à une trop forte tentation. Une Iranienne peut donc aller au stade pour encourager une équipe de filles, mais pas une équipe de garçons. Elle ne peut que regarder le match à la télé ou en vidéo, mais pas en direct. La police religieuse applique à la lettre cette réglementation héritée du Moyen Âge, c’est-à-dire d’une époque où l’homme n’avait pas encore construit le moindre stade de football.

Insupportables, les supportrices ?

Par deux fois depuis novembre 2017, Zahra est parvenue à entrer dans le stade où jouait l’équipe du Persépolis FC. Par deux fois, elle était déguisée en homme à vêtements amples, barbe postiche, cheveux courts et maquillage aux couleurs du club. Par deux fois, malgré son enthousiasme, elle a regardé le match depuis les gradins sans prononcer le moindre mot, ni applaudir, ni encourager, ni faire un seul geste qui eût pu la trahir.

Y aura-t-il une troisième fois ? Depuis que ses aventures stadophiles sont devenues virales sur les réseaux sociaux, Zahra est devenue l’objet de toutes les attentions. L’entraîneur du Persépolis FC, qui la connaît, lui a recommandé de ne plus s’infiltrer dans le stade. Le club l’appelle avant chaque match, tant pour connaître ses intentions que pour la dissuader de rejouer Fidelio en version footballistique – en entrant dans le stade déguisée en homme non pas pour libérer un prisonnier comme dans l’opéra de Beethoven, mais pour libérer la femme iranienne d’un joug sexiste.

Mais Zahra n’a pas l’intention d’abdiquer. Ce qui n’était qu’une rébellion personnelle et secrète s’est mué en un combat sociétal et transgénérationnel. Pour vivre au grand jour sa passion du football, Zahra sera-t-elle contrainte à l’exil comme Marjane Satrapi (dont le film Persépolis reste interdit en Iran), comme Négar Djavadi (dont le premier roman, Désorientale, évoque en filigrane les contradictions d’un Iran coincé entre archaïsme et modernité) et comme tant d’autres femmes libres iraniennes ? Zahra deviendra-t-elle la deuxième Iranienne, après Shirin Ebadi, à obtenir le prix Nobel de la paix ?

Douze ans d’immobilisme

Jafar Panahi avait déjà filmé, dans Hors Jeu (Offside), un personnage à la Zahra. Il s’agissait en l’occurrence d’une jeune fille qui se grimait en garçon pour entrer dans le stade et voir deux équipes masculines s’affronter, au risque d’être arrêtée et emprisonnée. Sauf que dans ce film quasi prémonitoire, la jeune fille était passée moins inaperçue que Zahra.

C’était il y a douze ans, pendant la présidence de Mahmoud Ahmadinejad. Panahi voulait dénoncer, sur un mode tragicomique, les absurdités et l’ignominie sexiste de l’extrémisme religieux. Le chef d’État avait alors promis d’abolir l’interdiction faite aux femmes d’assister sur place à des rencontres sportives masculines. Son successeur depuis 2013, Hassan Rohani, avait lui aussi promis plus de souplesse. Le droit des femmes a-t-il enregistré des avancées notables en Iran depuis douze ans ? La réponse est dans la question.

 

 

Sources photos : euronews.com 

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