Tournoi de São Paulo : le Brésil revient, le Chili arrive !

A un an et demi de la prochaine Coupe du Monde, Marta et ses compatriotes brésiliennes se sont rappelées au bon souvenir des amateurs de football féminin en remportant brillamment le tournoi de São Paulo 2013. Derrière la belle performance de la Seleção, la sélection du Chili a surpris son monde en chipant la 2e place.
Le 5e tournoi de São Paulo (12-22 décembre), délocalisé cette année à Brazilia par volonté d’inaugurer le nouveau stade Mane Garrincha dans l’optique de la prochaine Coupe du Monde masculine, offrait un séduisant programme avec le Canada de Christine Sinclair, l’Écosse de Kim Little, un mystérieux Chili et, bien sûr, le Brésil de Marta. Promesses tenues, de la première à la dernière journée. La formule choisie ? Un mini-championnat, les deux premiers se retrouvant en Finale, les 3e et 4e pour le match de classement. Soit huit matches, tous télévisés. Au dernier jour, un impressionnant Brésil s’imposa sans grande difficulté et avec panache.
 
Quels enseignements peut-on tirer de ce tournoi, à moins d’un an et demi de la prochaine Coupe du monde au Canada ?
 

LE BRILLANT RETOUR DE LA « SAMBAÇÃO » BRÉSILIENNE

 
Le lumineux Brésil 2007-2008 n’est pas encore de retour, certes, mais celui de la fin 2013 flirte déjà avec la fournée 2011. L’a-t-on oublié ? Le Brésil d’alors n’avait cédé en quart face aux USA qu’aux tirs au but (2-2, 5-3 tab), sortant invaincu de la Coupe du monde en Allemagne. L’édition 2013 du tournoi de São Paulo a vu le Brésil remporter trois victoires très convaincantes et faire un match nul. Plus notable que le résultat brut, la haute qualité de football affichée par l’équipe tout au long de la compétition retient l’attention, même si une certaine inconstance montre encore son nez, telle l’ultime demi-heure contre l’Écosse.

Ce Brésil tira profit d’un plan tactique bien défini, avec Marta de retour aux affaires, bien entourée qui plus est. Changement radical avec l’équipe de l’an passé aux J.O. de Londres. Un onze désorganisé, attaquant telle une volée de moineaux, certes généreux, mais si naïf, comme face au Japon en quart. Marta n’était plus Marta, moins de soutien populaire que jamais au Brésil, la CBF (la fédération brésilienne) se moquait du football des femmes comme de l’an quarante, et le mythique et honorable club de Santos sacrifiait sa section féminine (celle des Marta, Erika, Maurine) juste pour garder Neymar une année de plus au club… Et soudain… Le Brésil s’est comme réveillé à l’approche du Mondial 2014 et des JO de Rio 2016.

 
 
 
La Présidente Dilma Rousseff, partisane bien connue de la cause des femmes et du sport féminin, prend la pose avec Marta & Co… Un signe fort. Les Brésiliennes n’ont pas encore gagné la Coupe du monde au Canada, mais quelques miracles sont descendus du Pain de Sucre : la CBF a enfin créé un championnat national digne de ce nom, le public brésilien répond présent (formidable ambiance lors de ce tournoi, et plus de 15 000 spectateurs pour la finale malgré la pluie), Marta est ressuscitée, l’équipe parfaitement organisée, de nouvelles et jeunes joueuses éclosent…
 
Devant une défense plutôt tranquille et sûre, avec un seul ballon au fond de ses filets en quatre matchs, le milieu de terrain fit bien mieux qu’attendu, animé par la meilleure joueuse du tournoi, Formiga. La doyenne de l’équipe (35 ans), véritable locomotive, rendit folles les Canadiennes qui durent multiplier les vilaines fautes à son encontre. La numéro 8 brésilienne n’a rien perdu de ses glorieuses années passées : technique, vitesse, clairvoyance, endurance, expérience. Formiga est au Brésil ce que Sawa est au Japon : essentielle. Sa passe décisive en profondeur pour Debinha contre l’Écosse, deux ou trois jaillissements suivis de percées contre le Canada, sa tête plongeante pour le premier but brésilien contre le Chili en finale ont marqué son tournoi. D’une manière générale, le milieu fut très performant et dynamique. Passes courtes, jeu rapide en triangle et à une touche de balle, voilà le football brésilien traditionnel. Le retrouver, tel un vieil ami sur qui on n’osait plus miser, fut un vrai régal pour les yeux, une belle promesse d’avenir…
 
 
Certains clament que Marta appartiendrait au passé. Mais si elle n’est sans doute plus la joueuse extra-terrestre de quelques années en arrière, elle demeure une joueuse exceptionnelle. Ses accélérations soudaines, son instinct (elle voit la meilleure solution avant tout le monde), la qualité de ses passes, son influence emblématique sur l’équipe et, bien sûr, son génie technique ne se sont pas évaporés. Ajoutons-y une farouche ténacité. Marta a une mission : conduire les Brésiliennes à un titre. Elle le sait, plus déterminée que jamais à l’accomplir.

En attaque, à ses côtés ou devant elle, la révélation majeure fut la jeune Debinha (21 ans, une seule sélection avant le tournoi), d’une grande régularité dans l’excellence, et complice naturelle de son aînée. Derrière son allure de petite souris trotteuse, elle délivre autant de technique que de vitesse. A l’inverse, Cristiane et Rosana furent très décevantes. L’émergence de Darlene (23 ans, premières sélections) contrebalance ces défaillances. Joueuse très technique et dotée d’un excellent dribble dans les espaces réduits. Erika, blessée, était absente du terrain. Sa place de titulaire assurée, et vu son repositionnement en joueuse offensive, quelle place exacte sera sienne une fois de retour ? N’oublions pas Giovanna, autre manquante, et si impressionnante lors des deux matchs contre la France cette année…

Wilson Whineray, l’ancien capitaine des légendaires All Blacks (au rugby ce que le Brésil est au football) a dit il y a longtemps : « Les grandes équipes ne meurent jamais »… Bonne nouvelle : l’équipe nationale féminine du Brésil est bien vivante, et nous l’a fait savoir à Brazilia… Amoureux/ses de football féminin, réjouissons-nous !

 

UN CHILI MUY PIQUANTE

Le Chili – dont la sélection nationale n’avait semble-t-il disputé aucun match depuis deux ans – fut l’équipe surprise du tournoi. Elle a offert, avec un beau coup de main de l’Écosse, le match le plus excitant du tournoi, un vrai bijou. La Rojita a tout le nécessaire dans la besace pour produire un football passionnant. Technicité et volonté de ses joueuses, vitesse, enthousiasme et tout simplement talent ont impressionné. Produit durable ? Nous verrons bien… Le Chili s’afficha tour à tour inexistant (premier affrontement avec le Brésil), très bon (Canada), fantastique (Écosse), médiocre (Finale).

 

 

Très encourageant, mais demande confirmation. Le premier gros raté contre le Brésil (incapacité à faire deux passes consécutives, perte de balle à chaque légère pression brésilienne sans jamais être en mesure de la reprendre) résulta avant tout d’un long voyage pour plusieurs joueuses du club de Colo Colo (huit dans l’effectif), arrivées du Japon après une participation à la Mobcast Cup, une cinquantaine d’heures d’avion en une semaine, sans compter les deux décalages horaires… Ce fut mieux contre le Canada. Restant derrière, elles menèrent des contres grâce à leurs rapides milieux et attaquantes, avec un peu de chance à la clé, le seul but marqué (pour une victoire surprise) résultant d’une énorme erreur de la gardienne canadienne.

 

Progrès tangible, suivi d’une spectaculaire confirmation lors de ce qui restera comme « LE  » match du tournoi, face à l’Écosse. Le Chili apparut alors sous le jour d’une grande équipe, capable de mettre de la folie et pas sans rappeler les Nadeshikos japonaises de 2011… Trop d’efforts fournis contre l’Écosse ? Peut-être. En vérité, les Chiliennes disparurent à nouveau en finale face au Brésil, submergées par un trop brillant adversaire… Si l’écart avec les meilleures équipes comme le Brésil demeure énorme, le potentiel du Chili reste impressionnant. Attention toutefois, les joueuses protestent beaucoup contre les arbitres et, lorsqu’elles subissent, accumulent les fautes, d’où un grand nombre de cartons jaunes… Certaines joueuses ressortent du lot.

 

 

D’abord et bien sûr, la gardienne et capitaine Christiane Endler (1,80 m) qui s’est notamment offert le luxe de repousser un penalty de la reine Marta, a tout d’une future star. Yanara Aedo (20 ans), auteure d’un match extraordinaire contre l’Écosse après une grosse performance contre le Canada, pourrait vite en devenir une autre. Idem pour l’attaquante Maria-José Rojas, éblouissante dans les trois derniers matches. Les défenseuses Francisca Lara et Carla Guerrero, toutes deux de Colo-Colo (comme Aedo) méritent aussi qu’on retienne leurs noms.

 

Avec l’élargissement du nombre de participantes à la prochaine CM (24 au lieu de 16), le Chili possède une vraie chance de se qualifier. On ne peut que l’espérer. Le football féminin a besoin d’équipes capables d’assurer le spectacle. Et en attendant, les recruteurs de D1 seraient bien inspirés d’aller y jeter un œil…

 

Les liens des matches entiers (tous sauf Chili-Écosse) ou en extraits (tous) peuvent être trouvés sur cette page de WSU

 

Voir aussi : 

 

Tournoi de São Paulo : Le Canada déçoit, l’Ecosse progresse

 

Résultats :

 

Brésil – Chili 2-0 (Marta, Thaisa)

Canada – Écosse 2-0 (Leon 9’, Sinclair 58’)

Brésil – Écosse 3-1 (Marta 27’, Debinha 35’ & 49’ / Lauder 75’)

Canada – Chili 0-1 (Aedo 41’)

Brésil – Canada 0-0

Chili – Écosse 4-3 (Rojas 22’, Francisca 58’, Araya 72’, Saez 77’ / Ross 25’, Murray 41’, Crilly 82’)

Match de classement : Canada – Écosse 1-0 (Schmidt 83’)

Finale : Brésil – Chili 5-0 (Formiga 8’, Marta 41’, Darlene 57’, Cristiane 76’, Debinha 86’)

 

Crédits photos : CBF.com.br / ANFP

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