Sur les terres de la Coupe du Monde (2/4) : A Concarneau, le foot a le vent en poupe

La Coupe du Monde U20 prendra place cet été en Bretagne du 5 au 24 août. Afin de faire monter la température, Foot d’Elles est allé prendre le pouls dans les quatre villes organisatrices. Avec un paysage de bords de mer idyllique, Concarneau va très certainement capitaliser sur cet évènement pour booster une discipline qui dans les alentours, à l’instar des autres sports féminins, est longtemps restée confidentielle.

 

Voir la première partie de notre dossier, consacrée à Dinan-Léhon

David Horn est déçu. Responsable de la section féminine de l’US Concarneau, il avait organisé en ce mercredi de fin avril des portes ouvertes pour permettre aux curieuses ou aux fadas de foot qui n’en avaient pas eu l’occasion jusqu’ici d’intégrer le club la saison prochaine. Certes, il ne s’attendait pas à ce qu’on se bouscule devant lui comme une meute d’adolescents devant Kendall Jenner, mais sur la vingtaine « d’aventurières » attendues, il n’a finalement pu en compter que la moitié. « Mais je garde l’espoir, et la détermination », assure celui qui, après des dizaines d’années passées à vadrouiller sur les routes de France comme camionneur, est venu se poser entre Quimper et Lorient, dans cette cité aux paysages de carte postale qui attire touristes et photographes.

« Notre gros soucis  c’est de trouver des terrains »

« La ville ? J’en suis tombé amoureux en y arrivant, comme beaucoup d’autres », explique fièrement André Fidelin, le maire depuis 2008, enchanté d’accueillir cet été la Coupe du Monde féminine U20. En écho à ses collègues bretons de Dinan-Léhon, l’élu assure : « Une Coupe du Monde ça marque ! Ce n’est pas rien pour Concarneau. La recevoir, c’est important parce que pour beaucoup, c’est l’occasion de voir jouer un autre football ! ». Une manière de rappeler que dans cette « ville bleue », ce n’est pas tous les jours qu’on voit une paire de crampon associée à un chignon.

D’ailleurs, il a fallu attendre que l’équipe première du plus grand club du coin (350 licenciés), l’US Concarneau, monte en National, pour que les Concarnois voient fleurir une section féminine. Et pourquoi pas avant ? « Notre gros soucis aujourd’hui, c’est de trouver des terrains. On n’a pas cette facilité-là, il faut qu’on trouve des aires de jeux, si on veut contenter tout le monde », se défend le président Jacques Pirioux. Un pur produit du coin, qui explique fièrement qu’il a enregistré cette saison sa… 52e licence au club, dirigé auparavant par son père- au nom duquel est nommé le stade de l’USC –Guy Pirioux, et dont il a repris le flambeau voilà 14 années.

Une création due à la montée en National

Il a donc pu observer la progression linéaire des Thoniers (le surnom de l’équipe) qui, de la CFA 2 en 2009, sont passés au troisième échelon national depuis 2 saisons. Avec succès jusqu’ici puisqu’après avoir obtenu son maintien au gré d’une onzième place l’année dernière, Concarneau est actuellement 6e, avec un des plus petits budgets de la division (un peu moins de 2 millions d’euros). « La deuxième année, c’est toujours la plus dure ! La première on est dans l’euphorie, et la découverte aussi ! Après, il faut confirmer. Y’a pas mal d’équipes qui sont montées et se sont maintenues la première année avant de descendre la saison d’après, donc il faut se méfier du piège ! », se réjouit le Breton aux yeux bleus comme la mer qui borde sa ville natale.

Et qui devra attendre des années avant d’espérer voir son équipe féminine à un tel niveau. Principalement parce que pour l’instant, l’USC n’a pas d’équipe sénior. Les dirigeants ont fait au plus pressé pour respecter la réglementation de la FFF, qui impose aux clubs de National d’avoir au moins trois équipes féminines. Pour Concarneau, ce sont donc dans les catégories U6-U9, U13 et U17 que les filles évoluent. On ne peut donc pas dire que cette création intervient uniquement par goût du sport féminin, même si on sent un enthousiasme naissant chez l’ensemble des encadrants du club. Car c’est aussi une découverte pour David Horn : « C’était un challenge pour moi ! Depuis le nombre d’années que je jouais au foot, moi je me suis toujours occupé des garçons, j’ai suivi mon fils, et là il est passé U12-U13, donc j’ai laissé faire, je suis passé  à autre chose ! », raconte le natif de Clermont.

« Débrouillez-vous ! »

A défaut de footballeuse confirmée, nous sommes donc allé voir du côté du HB Sud, le club de la commune, qui est une entente entre Concarneau, Trégunc, Pont-Aven et Rosporden, des villes du coin. « Je ne peux pas vraiment m’exprimer pour les autres sports, mais pour le Hand, à Concarneau, les féminines sont complètement délaissées », raconte sans faux semblants Tiphaine Marec, qui joue dans la seule et unique équipe des filles du club, composée de… 14 joueuses. « Par exemple l’objectif du club, sur 5 ans, c’était que les garçons montent en Nationale, et les nous c’était un peu : « Débrouillez-vous, et faites avec ce que vous avez ! », se désole cette gauchère, qui évolue en tant qu’arrière ou ailière droite.

Une situation qui n’est pas due qu’au seul désintérêt pour le sport féminin. « Le  problème c’est que Concarneau ce n’est pas du tout une ville universitaire, on est que des jeunes, donc ce n’est pas évident », poursuit Marec, 22 ans, qui travaille pour sa part chez Play to Be, une entreprise de communication et de mise en relation spécialisée dans le monde du sport. « On a plusieurs filles qui sont venues au début d’année et du coup on était 18. Mais c’était des débutantes, et comme on n’avait pas d’équipe 2, elles n’ont pas pu jouer parce qu’elles n’avaient pas le niveau ».

Un cas similaire à celui que vivaient les filles du Dinan-Léhon FC, et qui explique en partie la morosité ambiante côté sport féminin. « On a une difficulté- même si je pense que ça doit être le cas de pas mal de municipalités -c’est qu’on n’arrive pas à ce que les jeunes filles pratiquent du sport, notamment à l’adolescence. Et c’est vrai que ça peut nous poser problème parfois », abonde Bruno Quillivic, adjoint aux sport de la mairie de Concarneau.

Mondial rime avec espoir

Et du coup, le Mondial est porteur d’espoirs pour tous les acteurs de la ville, à commencer par le maire, lui-même ancien footeux, et entraîneur. Il est tombé sous le charme du foot pratiqué par les femmes après avoir vu le match entre les Bleuettes de Gilles Eyquem et les Japonaises (0-2) début avril dernier : « On avait déjà vu du foot féminin à la télé, mais ça nous a permis de remarquer qu’elles ont un excellent niveau. Elles ont déjà une très bonne technique balle au pied pour leur âge, et on voit qu’elles jouent au foot depuis un moment. On voit que la discipline évolue. J’ai été surpris aussi de voir des contacts malgré le jeu fluide, c’est intéressant et je pense que chaque équipe internationale aura son style », dit l’ancien directeur du centre de formation du Havre, dans les années 90.

« C’est bien, parce que déjà rien que pour le club, l’image est intéressante. Ça nous permettra aussi peut-être d’attirer des jeunes féminines pour la saison prochaine ! Tout ça va créer un engouement autour du club, c’est certain », veut croire Jacques Pirioux, qui, en plus d’être actionnaire au sein du chantier naval de la ville, possède aussi 20 hectares de vignes dans le sud. Un atout précieux également concernant les touristes. D’habitude, ils sont 1 million à venir chaque année se dorer la pilule, et visiter la « ville close », une fortification qui a vu mille batailles, et sur laquelle s’est notamment attardé Vauban (voir photo de couverture). Alors si en plus de la traversée d’une étape du tour de France (le 11 juillet) ainsi que du festival des Filets Bleus (du 15 au 19 août), où les défilés traditionnels se mêlent aux concerts, la Coupe du Monde bat son plein, la ville peut en tirer profit : « Souvent ces visiteurs sont de passage, comme dans beaucoup d’autres sites, et quand on peut les retenir c’est intéressant parce que ça fait marcher l’économie locale, les commerces, les hôtels, et j’en passe ! », explique André Fidelin. Surtout que comme son adjoint aux sports s’en réjouit, le tirage a été heureux : « On a de belles équipes ! La Corée du Nord, les championnes en titre qui viendront jouer le 15 août face au Brésil, on a le Japon aussi… ».

« Pour nos filles, ça risque d’être ancré dans les mémoires ! »

Hasard du calendrier, la fin du chantier de rénovation du stade Guy Pirioux, mis aux normes de la Ligue 2, va permettre aux prétendants à la couronne mondiale d’évoluer dans un écrin tout neuf, du terrain aux vestiaires. Le nouveau stade doit être inauguré le 3 mai par Noël Le Graët et « le régional de l’étape »– dixit Jacques Pirioux -Didier Deschamps, qui passe souvent ses vacances ici.  Les tribunes de 5 800 places devraient être bien garnies, si l’affluence suit celle des hommes, qui voient près de 2 000 supporters les pousser à chaque match à domicile. Bruno Quivillic, qui promet que la ville sera de toute façon parée aux couleurs de la compétition, promet déjà l’organisation d’ateliers spéciaux dans le cadre du dispositif cité sport-plage ! « Ce sont des éducateurs de la ville qui proposent des animations sportives sur la plage, pendant l’été. Il y aura donc des animations foot là-bas », assure Quillivic, en poste depuis 2009. En attendant peut-être la validation d’autres projets, auxquels la mairie réfléchit actuellement.

David Horn qui fait partie du programme volontaire, et a fait passer des entretiens aux futurs bénévoles qui seront avec lui lors de l’organisation des rencontres (ils seront 140 rien qu’à Concarneau, qui reçoit deux quarts de finale), l’assure : « Pour toutes nos filles ça risque d’être ancré dans les mémoires ! D’ailleurs on a reçu, quand on a démarré les protocoles, la Coupe en vitrine (voir photo ci-contre). Et mes filles ont posé avec ! Elles ont adoré ! », sourit-il. Une garantie pour l’avenir, veut croire Tiphaine Marec : « Je vois de plus en plus de filles, même au hand, qui jouent avec nous et vont faire du foot le lendemain. Cette Coupe du Monde elle peut vachement aider dans le développement. Il y aura des équipes internationales, ça fait forcément rêver, même les plus petits ! Et souvent,  il faut un modèle pour commencer un sport, car tu veux devenir comme elle ou comme lui ! ».

Même si le quadragénaire, qui bataille déjà pour organiser trois séances par semaine, constamment à la recherche de terrains, souvent en périphérie, veut surtout attirer des plus grandes, pour enfin ouvrir une équipe sénior : « J’ai des filles qui vont passer senior et je ne peux pas me permettre de leur dire que je n’ai rien à leur proposer, ça m’embêterait parce que c’est des filles à qui je donne des responsabilités ». La « concurrence » de l’Hermine Concarnoise, qui a ouvert sa section féminine il y a  deux ans, risque de lui compliquer la tâche. Pas très grave puisque celui-ci a d’ores et déjà décidé d’organiser d’autres portes ouvertes d’ici à juin, en bossant un peu mieux la communication cette fois. Et qui sait, dans cette ville bercée par la marée, la Coupe du Monde amènera peut-être un vent de fraîcheur au foot féminin. Il est temps.

 

Tous propos recueillis par Vincent Roussel

Crédits photos : Instagram Floriankeriou, Benjamin Beneat – US Concarneau, Ouest France

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