Sport en entreprise : le combat n’est pas gagné d’avance

La pratique régulière d’une activité physique et sportive en entreprise est source de bienfaits multiples, selon l’écrasante majorité des responsables d’entreprises françaises. Paradoxalement, la mise en place d’activités physiques et sportives est proposée par une infime minorité d’entreprises françaises. Pourquoi une telle frilosité et comment y remédier ? Explications.

 

 

Une étude publiée en novembre 2017 (1) suggère que si 87 % des chefs d’entreprise soulignent les avantages d’une activité physique et sportive dans le cadre du travail, 18 % seulement des entreprises ont déjà mené des initiatives en ce sens. Parmi ces 18 %, on note une béante sous-représentation des très petites entreprises (de 1 à 10 personnes, soit 96 % des entreprises françaises) et une large proportion d’initiatives simplement épisodiques ou sans lendemain.

Les avantages d’une activité physique et sportive dans le milieu professionnel sont évidents. Les obstacles à une telle pratique sont tout aussi présents, y compris sous des formes que l’on n’entrevoit qu’après réflexion. Seules les entreprises les plus volontaristes et innovantes parviendront à (faire) profiter des avantages en supprimant ou contournant les obstacles – et ce n’est pas qu’une question d’argent.

 

Les cinq avantages du sport en entreprise

Qu’il s’agisse du « sport en entreprise » ou d’une « activité physique et sportive » en entreprise, la notion même varie chez les employeurs comme chez les employés. On englobera dans cet ensemble des activités allant de la simple relaxation (yoga, stretching, Pilates, etc.) jusqu’à la pratique assidue d’un sport individuel (y compris la musculation) ou collectif, en passant par une indemnité kilométrique pour les gens qui vont au travail à pied ou à vélo.

Faut-il inclure dans cette recension les activités physiques et sportives ponctuelles comme les stages d’intégration ou de renforcement des valeurs (y compris les séances de saut à l’élastique et « missions commando »), voire les simples actions de sensibilisation (par exemple une conférence sur l’adéquation de la pratique sportive aux valeurs de l’entreprise) ? La question reste ouverte.

 

Meilleure santé physique et mentale

La pratique sportive – ou le simple entretien physique – permet d’évacuer le trop-plein d’énergie, d’agressivité ou d’idées parasites. 

 

Moins de stress, plus de bien-être

En contribuant à l’épanouissement des personnes qui la pratiquent, l’activité physique et sportive en entreprise contribue à fidéliser le personnel, au même titre que les chèques de restauration et les primes individuelles ou collectives.

 

 

Meilleur esprit d’équipe

Les managers savent à quel point un stage intensif peut contribuer à souder une équipe, intégrer les nouvelles recrues ou renforcer les valeurs de l’entreprise. Le caractère ponctuel d’un tel stage nécessite de le renouveler quand les effets attendus s’estompent. 

Meilleure productivité

Mens sana in corpore sano. Un esprit sain dans un corps sain, voilà qui permet au cerveau de se surpasser et au corps de suivre le rythme. D’où une meilleure productivité individuelle et collective… bien difficile à mesurer d’une manière scientifique. Outre-Atlantique, le ministère Santé Canada chiffre le gain de productivité individuelle à 12 %. Une ancienne étude Medef-CNOSF va même jusqu’à 14 %.

 

Gagner, c’est aussi (s’)économiser

Les personnes en bonne santé physique et mentale sont moins souvent malades, donc moins souvent absentes que leurs collègues. Ces personnes coûtent moins cher à l’entreprise en arrêts-maladie et en frais de santé (7 % à 9 % d’économies, selon une étude Goodwill de 2015).

Les adeptes d’une activité physique et sportive y gagnent sur leur facture de médicaments, mais aussi sur les tarifs d’abonnement ou d’adhésion à un club de sport ou de remise en forme, lorsque le comité d’entreprise cofinance l’initiative.

 

Des inconvénients pas si anodins

 

Manque de locaux adaptés

Imagine-t-on une entreprise dont le personnel pourrait jouer au foot dans l’open space ou à côté de la machine à café ? Même quand l’exercice physique se limiterait à étirer sa carcasse ou à gonfler ses biceps, une salle spécialement conçue pour cela est indispensable.  

Manque de temps

La quasi-totalité des initiatives visant à introduire ou pérenniser une activité physique et sportive dans l’entreprise ne coûte en général rien d’autre aux employés que du temps. Mais du temps non rémunéré, en dehors des horaires de travail.

Sachant qu’une activité physique d’au moins trente minutes par jour est recommandée pour entretenir sa forme et sa santé, cela signifie qu’il faut soit amputer sa pause-déjeuner, soit allonger son temps de présence dans les locaux de l’entreprise pour y suer encore après sa journée de travail.

 

Du plaisir sportif sous la contrainte ?

Le caractère plus ou moins imposé d’une activité physique et sportive présente un double risque d’aliénation et de stigmatisation. En étant – ou en se croyant – tenus de mouiller le maillot malgré leur intime volonté, les employés sont susceptibles d’accroître un mal-être ou un burn-out latent, ou encore une dépendance mal vécue face à l’ordre hiérarchique.

Autre effet pervers, le sport en entreprise peut introduire voire accentuer des inégalités au sein du personnel.onne souffrant d’un diabète de type 2 – pour qui des exercices physiques modérés seraient pourtant très bénéfiques – peut ne pas vouloir exposer au grand jour un surpoids, un risque d’hypoglycémie ou une polyurie à l’effort.

 

Manque de personnel impliqué

Rares sont les responsables du personnel à disposer du temps ou des compétences nécessaires à l’introduction et à la coordination d’un projet sportif dans l’entreprise. Le concept de coordination semble d’autant plus pertinent que, selon la FFEPGV, 41 % des salariés ressentent le besoin d’un coach, fût-ce pour les encourager.

La présence d’un coach sportif, évidente en cas de sport collectif, permet aussi de pratiquer une activité physique individuelle sans risque de se tordre le cou ou le dos, surtout quand on s’efforce justement d’atténuer une douleur cervicale ou lombaire par de simples étirements… mal dosés ou inadaptés à une pathologie.

 

Alors, comment s’y prendre ?

L’activité physique et sportive ressemble à un pont entre les désirs et les besoins, le potentiel et le disponible, le rêve et la réalité. Un pont qu’il faut soit bâtir de toutes pièces, soit consolider pour le rendre fréquentable. Autrement dit un pont durable, qui ne repose pas sur de la mousse et ne tangue pas au moindre coup de vent.

 

Com-mu-ni-quer !

En 2013, le CNOSF publiait un guide pratique du sport en entreprise. Qu’en reste-t-il ? Au moins un argumentaire et des données à toiletter. Et peut-être un contenu en prise plus directe sur l’actualité immédiate.

L’actualité, c’est la perspective de Paris-2024. Des Jeux olympiques, cela se prépare longtemps à l’avance, en particulier à travers un effort soutenu de communication que les promoteurs du sport en entreprise seraient bien inspirés de mettre à profit pour actualiser et galvaniser leurs propres messages.

 

Fi-nan-cer !

Les aménagements réglementaires et les incitations financières constituent à cet égard les deux leviers idéaux s’ils sont actionnés en complément l’un de l’autre.

Sachant que le comité économique et social (CES, nouvelle dénomination du comité d’entreprise) joue un rôle souvent crucial dans l’émergence et la pérennisation des activités physiques et sportives, le législateur pourrait envisagerins 11 salariés doit désormais créer un CES. Mais les entreprises de 11-49 salariés n’ont guère de moyens à donner à leur CES pour des missions non essentielles. De surcroît, les très petites structures (jusqu’à 10 salariés), qui représentent le poumon entrepreneurial de la France, manquent de souffle dès lors qu’il s’agit de financer autre chose que l’indispensable.

D’où l’utilité de mesures volontaristes promues et financées par les entreprises ET par des partenaires comme l’État, les régions, les collectivités locales, les mutuelles de santé, les caisses de retraite, les assureurs, voire des sponsors extérieurs à l’entreprise. Il existe des initiatives instituant une indemnité kilométrique offerte aux salariés qui vont travailler à vélo ou à pied. On pourrait systématiser cet effort et même l’élargir en considérant la demi-heure quotidienne passée dans le local sportif de l’entreprise comme du temps de travail (donc rémunéré).

 

In-no-ver !

Gageons que les coups de pouce financiers ou réglementaires ne suffiront pas. « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées », disait un slogan au XXe siècle. Le meilleur moyen de prouver que l’on a des idées consiste à innover. D’aucuns n’ont pas attendu cette injonction pour agir.

Que faire quand on n’a pas la taille d’une grande entreprise ? S’associer entre entreprises de taille inférieure. Ainsi ont germé des services de coworking, de covoiturage, de coopérations diverses… et de salles de sport communes. Si trois entreprises voisines mettent chacune une pièce dans le « pot commun », cela permet de créer trois sortes d’activités physiques et sportives au lieu d’une seule, les salariés des trois entreprises partenaires utilisant alors la salle qui correspond le mieux à leur propre besoin. On peut imaginer aussi – et certaines entreprises le proposent déjà – de subventionner l’abonnement à une salle de sport ou un club sportif extérieur.

L’innovation, bien souvent, ne nécessite qu’un minimum de temps et d’argent, donc de volonté. Il suffit de songer à exploiter ce dont pcaniquement afin de travailler debout une partie de la journée (on connaît les ravages du travail assis) ? Cela peut se faire aussi dans l’open space, avec par exemple certains bureaux assis-debout utilisables par roulement et à la demande des salariés.

 

Ré-cu-pé-rer !

Bien gérer son activité physique et sportive, c’est aussi bien gérer son temps de récupération. Et le meilleur moyen de bien récupérer, c’est de ritualiser une petite sieste récupératrice – prise sur le temps de travail.

Les entreprises françaises tardent à reconnaître les bienfaits du sport (et de la sieste, même sans activité physique préalable) dans leurs locaux. C’est dire la nécessité d’une action volontariste tous azimuts et simultanée. Car il viendra bien un jour où les employés auront le choix et préféreront alors respirer l’air plus sportif d’une entreprise concurrente.

 

 

 

(1) « Sport en entreprise », étude menée sur internet du 20 juin au 20 septembre 2017 par l’Union sport et cycle, le CNOSF (Comité national olympique et sportif français), le ministère des Sports et le Medef (Mouvement des entreprises de France), auprès d’un échantillon de 265 entreprises.

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