Seule la victoire n’est pas brevetable (la défaite non plus)

Qui va remporter l’Euro 2016 ? Côté sport, il faudra patienter jusqu’à la finale. Côté business, on connaît déjà le nom de plusieurs vainqueurs et perdants : les entreprises qui ont breveté des inventions gagnantes ou défaillantes.

 

 

 

 

L’Euro 2016 avait à peine commencé qu’un fabricant de pneus a cru indispensable d’informer les rédactions que les bus acheminant les équipes roulent tous sur pneus Continental. On ignore si des pneus ont crevé pendant l’Euro 2016, mais l’anecdote atteste l’importance vitale d’un tel événement sportif pour la communication d’une « entreprise partenaire ».

 

Non, Griezmann et Hazard ne sont pas brevetables !

Le millésime 2016 est encore plus crucial pour les entreprises qui ont déposé des brevets d’invention auxquels l’Euro français donne une plus grande visibilité. Mais on ne peut pas breveter tout et n’importe quoi. Si Madjer et Panenka ont chacun donné leur nom à une technique de tir au but, la madjer et la panenka ne sont pas brevetables. Entre 2000 et 2014, selon l’office français des brevets (INPI), pas moins de 30 051 brevets internationaux (regroupés en 13 214 familles) en lien avec le football ont été déposés, dont 1 778 premières inventions, c’est-à-dire des inventions qui se suffisent à elles-mêmes et ne s’appuient pas sur de précédentes inventions.

 

Quand la pelouse et le ballon font pschitt

On en aura beaucoup parlé, pendant cet Euro 2016 : une pelouse dont les taupes n’aiment pas le football (Lille), un ballon de football qui éclate (match Suisse-France), des maillots suisses qui se déchirent presque tout seuls (encore Suisse-France). Plusieurs de ces avanies ont touché de plein fouet des équipementiers parfois dépositaires de brevets.

 

D’autres entreprises innovantes pouvaient en revanche se féliciter de n’avoir subi aucun désagrément. Les pelouses hybrides GrassMaster brevetées par le néerlandais Desso, par exemple, ont répondu avec succès aux assauts des joueurs à Saint-Denis (Stade de France) et à Paris (Parc des Princes). Sauf erreur de ma part, c’est cette même technologie que le stade de Lille utilise désormais afin d’oublier sa précédente pelouse indigne d’une compétition internationale.

 

Ne pas confondre hybride et synthétique. Une pelouse hybride est, comme son nom l’indique, un mélange de gazon naturel et de fibres synthétiques, selon des proportions et procédés que chaque acteur (Desso, mais aussi le français NaturalGrass et son invention AirFibr) protège grâce à un brevet. Contrairement à une idée reçue, les pelouses hybrides coûtent environ deux fois plus cher que les pelouses naturelles et elles nécessitent des soins plus minutieux. En revanche, une pelouse hybride peut supporter trois fois plus de matches qu’une pelouse naturelle.

 

Desso a également breveté une formule de pelouse synthétique, de même que son concurrent TenCate Grass. Dans les deux cas, il n’y a ni herbe ni taupes, mais un subtil dosage d’ingrédients et de couches susceptibles d’absorber l’humidité et les chocs mieux que d’autres technologies.

 

Des ballons connectés

Des technologies existantes font l’objet de nouveaux brevets, à l’image de la fameuse « technologie de la ligne de but ». On n’en est plus aux balbutiements, quand il fallait de longs moments avant de valider un but litigieux. L’UEFA a retenu pour l’Euro 2016 la technologie de Hawk Eye, une filiale de Sony.

 

Mais d’autres inventions briguent déjà un agrément pour les futures compétitions de football. L’institut allemand Fraunhofer-Gesellschaft (co-inventeur du MP3) se propose de détecter le franchissement de la ligne de but grâce aux ondes diffusées par un émetteur embarqué dans le ballon. Des émetteurs et capteurs embarqués sont aussi au cœur d’une innovation similaire – cette fois-ci à l’aide d’un champ magnétique – que cherche à breveter l’allemand Cairos Technologies.

 

Le football en mode branché

Comme avec les balles jaunes pour le tennis, les ballons ronds sont voués à vivre une vie connectée. Et même hyperconnectée, puisqu’il ne s’agit plus seulement de savoir si un but sera validé ou refusé. Il s’agit aussi et surtout de livrer aux joueurs, entraîneurs, commentateurs, diffuseurs, annonceurs, (télé)spectateurs et docteurs, toutes les statistiques possibles et imaginables concernant un athlète ou une équipe : temps de jeu, possession de balle, nombre de tirs, angles de tir, puissance de frappe, tirs cadrés, kilomètres parcourus, mais aussi schémas tactiques et taux de réussite.

 

Dans ce domaine précis, la palme revient à Nike, avec des innovations dans 800 familles de brevets entre 200 et 2014. Le géant américain excelle plus particulièrement dans les « objets connectés » et dans le fameux « big data », c’est-à-dire dans la transformation d’innombrables données brutes en informations signifiantes.

 

Si l’on mesure l’innovation au nombre de brevets footballistiques acceptés, le « onze de départ » ne parle que cinq langues : l’américain (Nike), l’allemand (Adidas), le coréen (Neowiz Games), le chinois (université de Yanshan) et, surtout, le japonais (Konami, Sony, Sega, Mitsubishi et Molten). Les entreprises françaises se classent en sixième position avec 4 % des brevets footballistiques internationaux, juste derrière l’Allemagne, mais avec deux fois moins de brevets que les entreprises allemandes.

 

Demain est un autre jour (mais c’est déjà aujourd’hui)

Quel avenir pour l’innovation et les brevets liés au football ? Il suffit d’observer la déferlante Nike, dont les demandes de brevet balisent les contours du football de demain.

 

Sans surprise, les innovations se focalisent sur les objets connectés, du maillot jusqu’aux crampons, du ballon jusqu’au drapeau de l’arbitre, du terrain jusqu’à l’ordinateur. Car obtenir des informations, c’est bien ; leur donner du sens, c’est beaucoup mieux. L’outil informatique en général, et la valorisation du « big data » en particulier, sont manifestement les outils privilégiés du football postmoderne.

 

Une tendance émergente ne cesse de progresser au fil des semaines : le football virtuel, ou e-football. On connaît depuis longtemps les jeux vidéo à base de football. Les avancées technologiques et le rendu incroyablement réaliste rapprochent de plus en plus le joueur et l’entraîneur (sur le terrain et à côté) du joueur et de l’entraîneur (dans son fauteuil).

 

Et si l’avenir du football se jouait en dehors des stades ?

 

Crédit photo : Capture d’écran/M6

 

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