Sabrina Viguier : « À Rodez pour apprendre »

Ruthénoise de naissance, l’ancienne défenseure a mis un terme à sa carrière de joueuse au début de l’année, après une dernière pige à l’AS Saint-Etienne. Après quelques mois de réflexion, la voilà de nouveau dans le circuit puisque l’ancienne internationale du TFC, de Montpellier et de l’OL est devenue l’assistante de l’entraîneur du Rodez Aveyron Football, Grégory Mleko. Avec beaucoup d’humilité mais pleine d’enthousiasme, Sabrina Viguier nous raconte sa vie inédite de coach adjointe et ses nouveaux défis…

 

 

« Quelle sensation avez-vous ressentie en revenant dans votre région d’origine ?

S.V. : En fait, à la fin de ma carrière, je suis rentrée chez moi où je ne savais pas trop quoi faire. Après réflexion et étude de plusieurs propositions, j’ai pesé le pour et le contre. Et celle du RAF me semblait le mieux, surtout qu’il y a avait un côté affectif. Je n’ai jamais joué sous le maillot de Rodez au cours de ma carrière. Donc j’apprends à connaître le club aussi. Je le suivais parce que Rodez, c’est la ville de mon département de naissance. Je suis retournée chez moi, oui, mais tout est vraiment nouveau…

 

Quels sont les principaux chantiers pour permettre au club de grandir ?

Cela fait quand même un petit moment que le RAF évolue en D1 donc, le premier objectif, c’est le maintien. Sans oublier de développer la structure féminine, des jeunes jusqu’à l’équipe première. Le but est de pérenniser ce club au sein de l’élite. Maintenant, on doit faire face à la montée des clubs professionnels, avec nos modestes moyens. On lutte pour que nos couleurs brillent le plus haut possible dans le paysage du football français, afin de représenter au mieux notre petite région.

 

Au quotidien, comment fonctionnez-vous ?

On travaille en parallèle avec le coach, Grégory Mleko. Il faut savoir que, cette saison, en plus de mon travail au club, je suis entrée en formation d’un an pour tenter de décrocher un DES (Diplôme d’Etudes Spécialisées, ndlr). C’est vraiment lui qui a la charge de l’équipe. Je l’accompagne juste dans ses fonctions. J’apprends ! Lors des séances d’entraînement, j’apporte quand même mon expérience d’ancienne joueuse, notamment dans la gestion du groupe. Mais Grégory a la charge de l’équipe.

 

« La vie d’un club, c’est comparable au monde de l’entreprise »

 

En passant de l’autre côté du miroir, avez-vous été surprise dans vos nouvelles fonctions ?

Quand on est joueuse, on se concentre d’abord sur soi-même. Là, il faut s’occuper de tout. Au sein de la structure, il faut aussi maîtriser la relation avec tous les gens concernés. Ce que l’on ne fait pas quand on est footballeuse. Mais c’est génial ! C’est un autre monde, mais ça me plaît beaucoup. C’est comparable au monde de l’entreprise. C’est complexe, mais intéressant en terme de relationnel.

 

Considérez-vous que le plus est indéniable pour votre avenir professionnel ?

Forcément ! J’aime apprendre, j’aime les choses nouvelles, donc ça me motive. C’est passionnant de découvrir, tout en sachant appréhender, analyser, maîtriser tous ces paramètres. C’est un nouveau challenge et, pour l’instant, je me régale. Sur le terrain, on travaille de façon complémentaire avec Grégory. On varie les exercices lors des séances et il me laisse prendre des initiatives dans la préparation, même s’il reste le seul maître à bord.

 

Un mot sur la popularité locale du RAF ?

Rodez est une ville modeste, à taille humaine. Le foot reste le sport numéro un dans l’Aveyron. Il y le rugby aussi, mais le RAF tient une place à part. Les garçons sont montés en National et le filles sont des ambassadrices du département. Ici, tout le monde suit les résultats de l’équipe. Les gens se passionnent vraiment en ce qui concerne l’actualité du club. On en parle au café, sur les marchés… C’est la vitrine du sport dans le département. Le RAF, personne ne connaît en France mais, dans l’Aveyron, c’est réputé (rire) ! Depuis l’épopée des gars en Coupe de France en 1991 (demi-finalistes, ndlr), les Ruthénois sont attachés au club.

 

Quelle stratégie a été mise en place au niveau de l’effectif avant la reprise ?

Il y a eu cette période de doute, avec Nicolas Piresse qui n’est finalement pas venu pour succéder à Sébastien Joseph au poste d’entraîneur. La situation était quelque peu bancale, avant l’arrivée de Grégory Mleko. Maintenant, on a essayé de rattraper le retard. Par la suite, le but était de chercher à compenser les départs, tout en essayant d’améliorer l’effectif en terme de qualité. La quantité, c’est plus difficile. Avec nos moyens – car on ne bénéficie pas d’un gros budget –, on a fait le maximum pour compenser les départs, voire ramener de meilleures joueuses que précédemment. Il fallait améliorer l’équipe. On est plutôt satisfaits…

 

« La motivation, c’est plus important que le niveau technique de la joueuse »

 

Quel était le critère pour recruter ?

Quand on est dans une structure comme celle-ci, on compte sur tout le monde pour se battre. On va tenter de booster les jeunes et de tirer le maximum de chacune. Parfois, c’est aussi bien que d’aller chercher à droite, à gauche des joueuses qui n’ont pas envie de se battre pour le groupe. J’ai confiance aux filles qui sont là. Celles qui sont présentes avaient, toutes sans exception, soit envie de rester, soit envie de venir. La motivation, c’est plus important que le niveau technique de la joueuse.

 

Est-ce indispensable de vous appuyer sur la formation locale ?

Il est essentiel d’incorporer régulièrement des joueuses du cru. On a les mêmes valeurs, la même mentalité et, logiquement, l’impact est immédiat au sein du groupe. Ce sont des joueuses qui, quoi qu’il arrive, seront toujours là, prêtes à se battre, même dans les moments délicats pour maintenir l’équipe à flot. Je pense à Manon Guitard, Laurie Cance, Anne-Sophie Ginestet… je ne vais pas toutes les citer, mais elles sont l’âme du club. Après, pour renforcer l’équipe, on est obligés d’aller chercher à l’extérieur, donc on a deux-trois joueuses venues d’ailleurs et même notre défenseure espagnole, Raquel Infante. C’est toujours intéressant d’ouvrir l’effectif avec des filles venues d’horizons différents. C’est un petit plus. Elles ont une autre culture, ça fait évoluer les filles, du moins au niveau de la mentalité. C’est important, car il n’y a pas que l’aspect foot dans cette démarche. Ça ouvre l’esprit à tout le monde.

 

Quelles sont vos ambitions ?

D’abord, c’est de se maintenir le plus rapidement possible. Dès que cet objectif sera atteint, on tentera de viser la plus haute marche possible, sachant que l’on sait que ce sera difficile, car il y a de sacrés clients. On espère aussi réaliser quelques bons coups. On espère ainsi faire un bon parcours en Coupe de France. Ce serait déjà pas mal pour une saison de transition.

 

« J’avais été au bout de l’aventure sur le terrain »

 

Comment avez-vous vécu le fait de ranger les crampons ?

Ça n’a pas été trop pénible. J’avais été au bout de l’aventure sur le terrain. Physiquement, ça allait encore. Je ne me suis pas sentie rattrapée par l’âge (36 ans, ndlr). Mais j’avais envie de tourner la page pour faire autre chose. J’ai ressenti le besoin de transmettre, en passant de l’autre côté de la barrière. Ça ne me manque pas du tout. Je ne voulais pas rester absolument dans le foot car, à la base, je suis prof d’EPS. Et puis, le ballon rond, c’est quand même une partie de ma vie. J’y ai pris beaucoup de plaisir, donc j’avais envie de redonner ce que j’ai pu prendre au cours de ma carrière de joueuse. J’espère ressentir du plaisir autrement, en me situant de l’autre côté.

 

Comment jugez-vous l’évolution du championnat ?

Ce qui est dommage, c’est qu’il n’y ait que deux gros clubs, Lyon et le PSG, qui attirent les joueuses. Ce n’est pas assez réparti. Mais je le comprends, puisque j’ai joué à l’OL. Là-bas, tout est fait pour que la joueuse se sente bien et progresse. Des petits clubs comme Rodez passe au second plan, forcément… Le phénomène est identique chez les garçons. C’est à nos structures de proposer des choses intéressantes aux joueuses. Pour les attirer. Il n’y a pas que l’argent dans la vie, il y a aussi l’avenir à préparer, sous forme de plan de carrière, pour chacune d’entre elles et le bien-être. On verra comment tout ça va évoluer, mais si les clubs ont la possibilité de se développer, c’est toute la pyramide du football français qui en sera gagnante. Je pense notamment au sommet, l’équipe de France. Les clubs plus modestes peuvent permettre aussi aux internationales de jouer plus régulièrement.

 

« La Fédération doit se servir de ce qui n’a pas marché à l’Euro pour rebondir »

 

Justement, comment avez-vous vécu l’échec des Bleues à l’Euro ?

Comme tout le monde, j’ai été déçue par les résultats. On aurait tous aimé que la France devienne championne d’Europe. Je connais certaines filles, ça m’aurait fait plaisir pour elles… L’équipe de France, c’est la vitrine du foot féminin. Quand l’équipe nationale marche, ça attire du monde plus bas et ça permet aux petits de se développer. Chacun a conscience qu’il faut travailler en vue de la Coupe du monde en 2019 chez nous. La Fédération doit se servir de ce qui n’a pas marché pour rebondir. La nomination de Corinne Diacre va dans le bon sens, je pense… Ça travaille dans les clubs et dans les centres de formation, je reste optimiste pour la suite. Il y a de la qualité dans cette équipe de France. Il faut bien analyser pour arriver à maturité dans deux ans.

 

Si vous aviez en face de vous une joueuse, quels seraient vos arguments pour l’attirer dans l’effectif du RAF ?

Déjà, je vous dirais de nous rejoindre uniquement si vous avez envie de venir (rire) ! Si vous avez envie de participer à ce beau projet club, dans un esprit familial. Je vous permettrai aussi de vous développer non seulement en tant que joueuse, mais également de vivre de superbes expériences dans ce groupe qui a une mentalité d’enfer et a envie de réussir. Si vous voulez juste gagner des sous, ne venez pas à Rodez ! Par contre, on peut vous aider à mener un double projet dans votre vie de footballeuse, mais aussi professionnelle. C’est dans les gènes du club. »

 

Crédits photos : archives La dépêche.

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