Revue littéraire : Under the Lights and in the Dark, par Gwendolyn Oxenham

En 2017 sortait aux USA un ouvrage recueillant autant de chapitres qu’il n’y a de situations différentes vécues par les joueuses de football, à travers le monde. Non traduit en France, le premier roman de la journaliste Gwendolyn Oxenham, Under the Lights and in the Dark, est pourtant un incontournable de la bibliothèque des passionnés.

Le foot jusqu’au bout de la plume

Oxenham est une ancienne joueuse de football. Ses idoles sont Mia Hamm, Julie Foudy, Michelle Akers : “ces joueuses ont changé le visage du football aux Etats-Unis. Elles ont montré que les femmes pouvaient jouer au football. L’héritage de 91 et 99 est très précieux et a pavé la route aux 15’ (les championnes de 2015, ndlr) : à leur manière, les dernières championnes du monde ont montré que l’on pouvait être une femme, une noire, une lesbienne, qu’on pouvait avoir les cheveux courts ou les cheveux longs, être une personnalité frondeuse à la Hope Solo ou une légende comme Rampone, et soulever le trophée”, nous confie-t-elle, avec un enthousiasme communicatif. 

Sa passion lui ouvre les portes de l’université : “aux US, le système universitaire est différent. Grâce au football, j’ai pu accéder à la meilleure éducation possible sans avoir forcément les moyens financiers ou les notes suffisantes.” Elle obtiendra une bourse universitaire et évoluera sous les couleurs de Duke. Son rêve de rejoindre l’équipe nationale se terminant, elle poursuit néanmoins en embrassant une carrière de journaliste sportive. C’est en 2015 qu’elle a le déclic en découvrant des équipes et surtout des luttes dont elle n’avait jusqu’ici pas idée. Et si Oxenham n’a pas revêtu l’uniforme US, son terrain de jeu favori est celui de l’écriture.

Pas besoin de lire la quatrième de couverture

Alors, elle raconterait des histoires. De celles qui sont sous la lueur des projecteurs, mais dont les vraies histoires, celles qui forgent une joueuse et lui donnent la foi de poursuivre. Persister. Ces histoires dont on ne parle que peu. Des “untold stories”, passées sous silence, ignorées par les plus grands médias. C’est ainsi qu’elle définit son projet littéraire et trouve par la même occasion le sous-titre de son oeuvre.

L’aventure n’a rien de simple : enceinte de son deuxième enfant, Oxenham ne pourra pas aller à la rencontre des joueuses. Tout se passe par Skype, les réseaux sociaux, whatsapp, à travers les mailles du réseau d’Oxenham, à commencer par celui de Duke. A chaque fois, les joueuses répondent avec enthousiasme : “elles savent qu’elles ont besoin d’être médiatisées. Mais c’est aussi une démarche sincère : quand on est joueuse, c’est au-delà du sport, c’est aussi faire beaucoup de sacrifices, qui ont beaucoup à voir avec la charge mentale qui incombe aux femmes et dont on se rend progressivement compte.” En découvrant de nouvelles cultures, elle prend pleinement conscience des différences existant dans le football mondial. “Par exemple, aux US, les joueuses de l’USWNT et de la NWSL disposent d’un plan en cas de maternité. La fédération peut financer une garde des enfants pendant les déplacements, ou les intégrer aux tâches professionnelles des mamans – n’en déplaise à Merritt Paulson, le propriétaire des Portland Thorns, sous le feu des critiques pour avoir empêché Sidney Leroux-Dwyer d’avoir son filsavec elle sur le terrain de Providence Park, ndlr –. Des actions sont mises en place pour faire en sorte que cela se passe bien. Or, dans d’autres pays, ce système de soutien n’existe pas et la maternité est parfois synonyme de fin de carrière.” On peut prendre le récent cas d’une joueuse du Vénézuela, remerciée par son club après l’annonce de sa grossesse. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, puisqu’il faut se souvenir aussi que le football pratiqué par les femmes est dans certains pays une prise de position politique et sociétale forte. Quand on pense aux destins croisés de Khalida Popal, ex-capitaine de l’équipe d’Afghanistan qui a dû choisir entre son pays et porter un maillot, fuyant l’Afghanistan après des menaces de mort pour se rendre au Danemark, ou de Nadia Nadim – dont la soeur évolue avec cette même équipe, remise sur pied par d’anciennes joueuses américaines -, qui sont des exemples médiatisés, on ne peut s’empêcher de penser aux autres joueuses dont l’existence n’est même pas évoquée.

Dans l’ère du temps

Elles s’appellent Fara Williams, Allie Long, Dani Foxhoven, Amy Rodriguez, Nadia Nadim ou encore Laura Georges, mais aussi Amanda Martin ou Coco Godson, les noms les plus connus se mêlent avec les inconnues, avec comme point commun des expériences extraordinaires, pour le meilleur comme pour le pire, avec l’éternel optimisme à l’américaine. Chaque joueuse voit son histoire développée dans un chapitre qui lui est propre, et Oxenham nous parle d’elles avec un mélange de pudeur respectueuse et de détails issus de ses enquêtes journalistiques poussées.

Aucune histoire ne ressemble à l’autre et la patte de l’auteure nous envoie aisément d’un monde à un autre, de “La Gringa” Allie Long et son club de five underground où elle est la seule femme parmi les hommes, aux joueuses qui doivent taire leur homosexualité dans une Amérique hostile, chargée du clivage nord-sud, en passant par l’incroyable histoire de Fara Williams, qui a longtemps joué en étant SDF, portant haut les couleurs de l’équipe nationale tout en passant sous silence ses craintes de ne savoir où dormir dès la sortie des vestiaires.

A travers Under the Lights and in the Dark, nous sommes portés dans des sujets sociétaux, qui sont plus féministes qu’athlétiques. “Il n’y a qu’ainsi qu’on peut espérer que les choses changent et bougent : en parlant de ces histoires”, souligne Oxenham. Et à la question “que devons-nous faire pour que cela aille mieux”, l’Américaine sourit et répond sans hésitation qu’on doit “juste” s’intéresser au sport. Se rendre au stade. En parler, en faire la promotion. Parce que le silence est le pire ennemi du changement.

Le livre n’est qu’à son premier tome et a déjà remporté de nombreux suffrages, à commencer par Julie Foudy, l’ex-championne devenue journaliste pour ESPN, ou encore Grant Wahl, la figure du football pratiqué par les femmes chez Fox Sports et Sports Illustrated, qui n’ont que des éloges à formuler. Pour l’aventure et la plume. Quand on lui demande si nous pouvions nous attendre à un second tome, elle sourit à nouveau : “en ce moment je suis sur un autre projet. Mais quoi que je fasse, j’en reviens toujours au Beau Jeu pratiqué par les femmes. Alors nous ne sommes pas à l’abri d’un second tome.” Parce que toutes les histoires n’ont pas été toutes racontées.

 

Under the Lights and in the Dark est disponible en anglais aux éditions Icon Books.

Crédits image : Women’s Soccer France, Icons Books, BDZ Sports, Getty Images

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