Quand le « Brésil » n’est qu’une marque

A deux jours de l’opposition entre la France et le Brésil au Havre, Foot d’Elles vous fait partager un article écrit par la journaliste brésilienne Luciane Lauffer, publié initialement sur le site Women’s Soccer United. Cet article traite de l’histoire et de la situation du football féminin au Brésil. Le tableau ainsi dépeint fait plutôt froid dans le dos…

 

 

La médaille d’or au tournoi de football féminin des Jeux Panaméricains en juillet ne fait que cacher une vérité peu reluisante. 

Footballeuses. C’est un mot qui ne fait pas recette au Brésil. Malgré le fait que la sélection nationale fait partie des meilleures au monde dans les compétitions internationales, la vérité est que la discipline est mal en point, et ce depuis un certain temps.

L’équipe de Marta, comme l’équipe nationale est le plus souvent appelée, est la façade rénovée et repeinte d’un immeuble en ruines. Selon les estimations actuelles, environ 500 000 femmes jouent au football au Brésil. Si ce nombre est exact, cela représente moins d’1% de la population féminine. Il y a très peu d’informations sur les footballeuses dans le pays, et ce nombre pourrait représenter l’absence d’équipes au Brésil ou tout simplement l’absence d’intérêt à ce sujet. Je pencherais pour cette deuxième idée.

 

 

Ceci n’est pas nouveau. Il y a une longue histoire de préjugés et de prohibition. Le football est arrivé au Brésil vers le début du XXe siècle, et il y a des traces de femmes s’essayant à ce sport pendant plusieurs années. Mais ensuite, les footballeuses furent interdites de pratique de la discipline à la fois pour « raisons médicales », et la promotion de sports qui mettaient l’accent sur la beauté et la féminité. C’était en 1941. Certaines équipes rebelles continuaient à exister, et l’on peut retrouver des traces dans les années 50 d’équipes féminines voyageant dans l’état de Minas Gerais (ndlt : un des 26 Etats du pays, le 4e en terme de grandeur, et le 2nd en terme de population) et étant accueillies par des hommes en jouant au football.

Cependant, les choses ont beaucoup changé au fil des ans. Ce n’est qu’en 1979 que le Ministre des Sports réintégrait le football comme un sport autorisé aux femmes. Mais il a fallu des années pour que la décision soit acceptée. Pendant ce temps, le football est devenu très populaire grâce aux pieds de joueurs tels que Garrincha, Pelé, Tostão, Zico et plein d’autres. Le football est devenu un sport typiquement masculin, et une bataille pour les femmes.

Depuis  cette date, le nouveau démarrage du football au féminin n’est pas chose aisée. Cela ressemble plus à un challenge, une bataille de la détermination contre l’absence de fonds, les préjugés et les stéréotypes. Quelques (très peu) de clubs ont tenté de développer une division féminine, pendant que d’autres ont créé des équipes loisir. Une -et la plus bizarre d’entre elles- était une équipe appelée « les Globettes », composée de mannequins avec peu de capacités footballistiques dont le but était de capter l’attention des hommes (ndlt : équipe créée par Globo, principal réseau de télévision au Brésil).

Aujourd’hui encore, dans les émissions de sport brésiliennes, les commentateurs sont des hommes, et il y a très peu de reporters féminines et présentatrices, capables d’avoir une opinion sur le sujet ou un rôle demandant des compétences dans un monde dominé par les hommes.

 

 « D’ici cinq ans, l’équipe nationale n’aura pas assez de joueuses pour remplacer celles de l’équipe actuelle »

 

Malgré les nombreux obstacles, personne ne peut nier que les footballeuses brésiliennes ont marqué de leur empreinte l’histoire de ce sport. Marta Vieira en fait partie, mais comme tant d’autres, elle a dû quitter le Brésil pour être reconnue, et n’avait pas le droit de jouer au football dans son enfance. Moins connue, Lea Campos, destinée à marquer l’histoire, devint la première arbitre féminine pour la FIFA, dans les années 70. Ce n’est que récemment que son histoire a fait surface, et elle ne rencontre toujours pas la reconnaissance qui lui est due.

L’avenir du football féminin au Brésil est obscur et incertain. Bien que la Fédération brésilienne (CBF) ait réussi à couvrir toute trace d’échec au-delà de ses frontières, à l’intérieur du pays les murs ruinés commencent à craquer. Le sélectionneur de l’équipe nationale nommé il y a peu, Oswaldo ‘Vadão’ Alvarez, découvre depuis six mois que la division a bien plus de problèmes que ce qu’il pouvait avoir imaginé. Et il a alerté les clubs et la CBF : « d’ici cinq ans, l’équipe nationale n’aura pas assez de joueuses pour remplacer celles de l’équipe actuelle ».

La solution temporaire mise en place pour présenter une équipe nationale à la Coupe du Monde, aux Jeux Panaméricains ou aux Jeux Olympiques a été de créer une équipe « permanente » jusqu’aux JO de 2016, étant donné que la plupart des joueuses n’ont pas de club permanent. C’est l’équipe qui a remporté les Jeux Panaméricains au Canada.

Cette mesure a eu pour effet d’affaiblir grandement une des rares équipes féminines de prestige, São José, vainqueur de la Copa Libertadores en 2014 (ndlt : en 2011 et 2013 également, alors que Santos l’a remportée en 2009 et 2010 avant de disparaitre en 2012). Le club a perdu huit de ses joueuses –pour des raisons logiques- en faveur de l’équipe permanente. Et certaines des joueuses permanentes choisies, comme Formiga, ont des doutes par rapport à la nouvelle solution, notamment en ce qui concerne l’avenir, après 2016.

Le problème n’est pas seulement l’organisation, mais également les médias, ce qui affecte également les possibilités de sponsoring. En observant quatre des principaux journaux nationaux, la plupart ont à peine mentionné l’existence d’une Coupe du Monde féminine au Canada en juin, mais ils étaient tous très rapides pour parler de l’échec de l’équipe brésilienne en huitième de finale contre l’Australie.

 

Malheureusement, le Brésil reste conservateur dans certains aspects de la vie au XXIe siècle. Et quand la personne en charge du football féminin à la Fédération déclare aux médias internationaux que la discipline progresse parce que les joueuses sont plus féminines, on sait que cela ne tourne pas rond.

 

When Brazil is just a brand, publié initialement le 3 septembre 2015 sur le site Women’s Soccer United par Luciane Lauffer, journaliste brésilienne préparant un Master recherche sur la « représentation médiatique des footballeuses brésiliennes » dans une université australienne.

Traduction : Charlotte Vincelot pour Foot d’Elles

 

Crédit photos : Cliff Rice, diosasolimpicas.wordpress.com, espnfc

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