Profession : agent(e) de joueurs de foot

Elles ne sont qu’une quinzaine sur 380. Les femmes agents de joueurs de foot restent une denrée rare. Certaines ont accepté de nous raconter leur parcours, leurs difficultés, et leur manières de faire, en tant que femme-agent.

 

 

 

 

 

 

Sonia Souid a fait parler d’elle lorsqu’elle est devenue agent de joueurs de foot. Et pour cause, ancienne miss Auvergne arrivée dans le milieu du foot par son père, c’est elle qui a fait signer Helena Costa, puis Corinne Diacre à Clermont-Ferrand. C’est aussi elle qui a réalisé le premier transfert payant de l’histoire entre deux clubs français -celui de Marie-Laure Delie de Montpellier à Paris en 2013. Comme elle, une quinzaine de femmes sont licenciées en tant qu’agent à la Fédération française de football (FFF)… Soit même pas 5% des 380 agents reconnus.

 

« Je suppose que vous êtes la mère ? -Non, l’agent ! »
Parmi elles, Adeline Rabaud, licenciée depuis 2011. « Le neveu de mon conjoint était en centre de formation à l’époque, et on le suivait avec mon mari, pour l’aider », raconte la jeune femme. Pas très satisfaits de son agent de l’époque, ils décident de passer professionnels pour l’accompagner. Adeline devient agent, et commence à suivre d’autres jeunes, arrivés la plupart par des connaissances du neveu. Elle a aujourd’hui trois joueurs sous mandat, dont Kévin Fortuné, en National à Béziers cette année, qu’elle espère faire signer en Ligue 2 ou Ligue 1 au prochain mercato… et une douzaine dans l’objectif. La difficulté d’être une femme dans le métier ? Elle ne l’a jamais trop ressentie, et pour cause. « On travaille en binôme avec mon conjoint : je gère les contrats et les négociations, il gère le suivi technique des joueurs », raconte-t-elle. « Souvent, quand on arrive, les gens sont surpris que ce soit moi l’agent, j’ai droit à quelques blagues, mais jamais méchantes, en tous cas je ne les prends pas comme ça ! » Il lui arrive même de bien rigoler, comme ce jour où elle accompagne un de ses joueurs, et où les responsables du club la prennent… pour sa petite amie ! « Pour eux, une femme qui accompagne un joueur ne peut qu’être que sa copine, surtout pas son agent ! », en rit-elle encore.

Sandra Roby a connu quasiment la même situation, sauf qu’elle a été prise pour « la mère d’un joueur ». « J’étais avec le joueur, son père et mon collaborateur… Forcément, je ne pouvais pas être l’agent ! », raconte Sandra, qui à presque 50 ans, a un parcours atypique dans le milieu. « Je suis rentrée à l’AS Cannes comme secrétaire alors que mon oncle était l’un des dirigeants ». Elle y passe dix ans, puis rejoint un ancien de l’OGC Nice pour monter une boîte de coaching sportif. Pendant quatorze ans, elle se fait un réseau de joueurs, d’entraîneurs et de clubs en accompagnant les joueurs dans leur progression. « Puis à 45 ans, je me suis lancée un nouveau défi : devenir agent. J’ai toujours eu des bons contacts avec les joueurs donc pourquoi pas ? ».

 

Un travail de binôme

Elle aussi travaille en binôme avec un homme pour le côté sportif et technique. « J’ai toujours baigné dans le milieu du foot, mais je ne me sens pas assez calée pour parler technique donc je laisse ce côté-là et me consacre aux contrats et négociations ». Un choix, mais aussi une obligation… « Honnêtement, je connaîs le foot, sans mon collaborateur je n’aurais eu aucun mandat : les joueurs ne font pas confiance à une femme pour parler technique ». Mais, pour elle, être une femme a aussi ses avantages. « Les hommes en face sont plus courtois avec moi, j’avais assisté à des négociations avant, c’était autre chose », se souvient-elle. « Et je pense qu’être une femme apporte aussi une sécurité aux parents des jeunes joueurs que je suis : je pourrais être leur mère ! »

Dans le monde des agents, réputé difficile, les femmes doivent jouer des coudes pour se faire une place. « C’est vrai certains de mes joueurs pourtant sous contrat ont été démarchés par des hommes qui leur ont dit qu’ils feraient mieux de les rejoindre, qu’une femme ne pouvait pas gérer correctement leur business », raconte une agent. Adeline Rabaud a plutôt, elle, comme plusieurs autres agents femmes la réputation de ne pas se laisser marcher sur le pieds. « On m’a souvent dit que j’étais opiniâtre et déterminée ». Négociatrice à fond, « c’est le métier », elle « ne laisse rien passer ». « En même temps si certains tentent de me rouler, ils ne vont pas me le dire », admet la jeune femme. Pour elle, l’important tient surtout de la relation de confiance nouée avec ses joueurs. « C’est une question de relations », avance-t-elle.

 

Le foot féminin : «  un marché avec un fort potentiel »

Sandra Roby aussi mise sur son réseau. « Erick Mombaerts était un ami, c’est comme ça que je suis devenue son agent, et que j’ai pu le faire signer, lui et son adjoint Marc Lévy à Yokohama, au Japon », cite-t-elle en exemple. Quand au foot féminin, les femmes agents y sont peut-être encore plus rares. « Les agents prennent des commissions, et on a beaucoup de frais », justifie Sandra Roby, « il faut de l’argent pour qu’on puisse se payer », explique-t-elle.
Pour Anthony Zouzout, agent de l’École des agents de joueurs (EAJF), le foot féminin est au contraire « un marché avec un fort potentiel ». L’école fait donc intervenir des conférenciers spécialisés dans le foot féminin pour former les élèves à ce nouveau terrain de jeu. Et si Jennifer Mendelewitsch, une des agents-femmes les plus connus, a déclaré a So Foot s’endormir « devant le foot féminin », beaucoup de ses confrères, hommes ou femmes perçoivent au contraire l’intérêt de se rapprocher des joueuses et des équipes féminines dès maintenant. Adeline Rabaud serait notamment intéressée. « Mais, je travaille déjà sur les championnats belge et français, ce ne serait pas réaliste de tout faire en même temps ». Plus tard, elle aimerait cependant  « participer à l’essor de ce football ».
Le mercato féminin reste encore timide, mais les agents travaillent pour l’avenir. Cette année, une seule femme est devenue agent en France. Un chiffre qui pourrait rester stable : les écoles d’agents ne forment en effet que très très peu de femmes. « Au début nos formations étaient 100% masculines », reconnaît Anthony Zouzout, de l’EAJF. Une dizaine de femmes sont désormais inscrites chaque année parmi les 200 élèves. Mais la première diplômée arrivera sur le marché dans un mois. Toutes les autres avant elle ont échoué à l’examen final.

 

 

Crédit photo : olweb.fr

 

blender bitcoin bitcoin mixer bitcoin blender blender io cryptomixer