Pas de football au féminin sans dissémination des bonnes pratiques

Lequel des douze clubs de l’élite remportera le titre 2017-2018 de D1 féminine ? Si l’on s’en réfère à la présence des clubs sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche, le classement est déjà établi : tout le monde perd, ou presque !

 

 

 

 

D1 : douze clubs en queue de classement

La couverture médiatique du football pratiqué par les femmes dans la presse écrite française ? Une analyse de 10 titres emblématiques en septembre 2017 met au jour les aberrations fréquentes voire quasi systématiques des journaux et des journalistes en France.

 

Le classement de la D1 féminine ? On le connaît depuis octobre 2017, du moins pour ce qui est du « classement web » des clubs. Tels sont les enseignements de deux études récentes qui pondèrent leurs constats en suggérant des pistes de réflexion et d’action.

 

Presse écrite : (m)aigreur journalistique

On notera d’emblée que dans la presse nationale spécialisée quotidienne sportive (L’Équipe) ou footballistique hebdomadaire (France Football) ou mensuelle (So Foot), la pagination dévolue à la discipline par rapport à l’ensemble des pages foot oscille entre le vide presque absolu (0,1 % dans So Foot) et le ridicule consommé (1,2 % dans L’Équipe). Même la presse nationale non spécialisée fait mieux. Tropisme local oblige, les quotidiens régionaux s’en sortent plutôt mieux (de 2,2 % à 6,9 % selon les titres).

 

Au quantitatif dérisoire s’ajoute un qualitatif désastreux. La D1 et l’équipe de France féminines ? Elles font rarement la une des journaux et presque jamais une pleine page à la une, alors que la presse sportive multiplie les unes pétantes dès que Mbappé se tord le ventre ou qu’un footballeur se la pète. Plus grave encore, le football au féminin est abonné aux petits encadrés, aux entrefilets, aux infos microscopiques et au vrac en bas de colonne. Qu’un article entier consente à en parler, ce sera le plus souvent avec un grand luxe de machisme, de lieux communs, d’incompétence ou de condescendance que n’importe quel sémiologue du texte ou de l’image détectera illico.

 

Les copains d’abord

Parler d’une équipe féminine revient souvent à ne parler que des hommes qui la composent. Non seulement les journaux recueillent pieusement la voix du président de club ou de l’entraîneur, mais ils poussent bien souvent l’idolâtrie jusqu’à illustrer leur papier sur l’équipe des filles avec une photo du mec. Quand les footballeuses apparaissent sur la photo, l’entraîneur apparaît face caméra et les filles sont vues de dos. Et si le papier condescend à évoquer l’équipe, le collectif, la combativité du groupe, c’est se dispenser de citer un seul nom de joueuse. Les Dégommeuses pointent aussi de nombreuses erreurs factuelles dans les articles de presse, synonymes au mieux d’étourderie, au pire d’incompétence ou de paresse intellectuelle.

 

Des pistes pour sortir du lot

Comment s’en sortir ? Les Dégommeuses proposent un certain nombre de solutions. La première consiste à ne pas réserver la parole ou le sujet footballistique aux seuls hommes. Quand on parle de statistiques, de records, de stades, mais aussi de Coupe du monde ou de Jeux olympiques, autant inclure les footballeuses dans la recension et dans les anecdotes.

 

Et quand on parle de football au féminin, il semble logique de n’oublier ni les footballeuses, ni les associations et les clubs amateurs qui forment les futures sociétaires de l’équipe de France. La presse locale est d’ailleurs plus friande que la presse nationale de reportages individualisés. Si telle joueuse est née ou réside à Chaume-sur-Foin, le journal régional gagnerait à lui consacrer une page entière. Ainsi assumerait-il au mieux sa double mission d’information et de proximité. L’étude des Dégommeuses a le mérite d’exister et de pointer certains errements de la presse écrite. Le résultat est certes édifiant, mais il laisse de côté les principales sources potentielles d’amélioration : les télévisions et les radios, les agences de presse écrite, les agences photo, sans oublier les blogs. Soit autant d’actions à mener auprès d’acteurs médiatiques dont le pouvoir de nuisance et l’effet d’entraînement peuvent être considérables.

 

Il y aurait tout lieu de féminiser un peu plus les chaînes de télévision. Quelques-unes d’entre elles ont un peu féminisé leur antenne, mais en n’offrant que très rarement des rôles de premier plan aux femmes. Le binôme commentateur-consultant se compose le plus souvent de deux hommes. Si les chaînes consentent à introduire une femme dans le binôme, c’est en général soit juste pour les matches féminins, soit juste pour le poste de consultant, soit juste pour une troisième personne intervenant depuis le bord du terrain. Autrement dit, le rôle de « chef d’orchestre » et commentateur attitré reste presque toujours masculin.

 

Et si l’on confiait des rôles majeurs à des femmes ? A-t-on déjà vu un binôme commentatrice-consultante ? Hormis une fois sur La Chaîne l’Équipe (avec Syanie Dalmat), cela n’a pas dû arriver souvent. Et si l’on confiait aussi ces rôles-là à des femmes pour des matches de football masculin ?

 

Agences tous risques

L’autre grand axe d’intervention et même de rectification doit se faire en direction des agences. Les dépêches d’une agence de presse écrite comme l’AFP – qui se targue de proposer un service sportif performant – sont souvent reprises plus ou moins textuellement par des journalistes et des médias qui n’ont pas le temps ou la compétence nécessaires pour faire du travail en profondeur. Pour coopérer mieux encore en amont avec les agences et les agenciers, il convient de ne pas négliger non plus les écoles de journalisme.

 

Ne pas oublier les blogs et les vlogs

Le travail en direction des blogs et des vlogs (blogs en vidéo) doit d’autant moins être sous-estimé que les blogs constituent à la fois une entité à part entière (une adresse web) et, bien souvent, un média à contenu plus pérenne (les articles de blog y sont plus souvent archivés que détruits).

 

Les blogs et les blogueurs sont friands d’informations et d’accès à l’information primaire, c’est-à-dire d’une information accessible avant même que les médias classiques ou les « grands » médias ne commencent à en parler. Cela présuppose de ne pas faire des blogs les éternels oubliés des relations-presse. Contrairement à une idée reçue et sauf cas particulier, une bonne communication médiatique ne doit jamais se limiter à balancer un communiqué à l’AFP et à deux ou trois médias archiconnus. Il faut apprendre à communiquer avec les médias moins connus ainsi qu’avec les blogs très spécialisés. Ce travail englobe non seulement les communiqués de presse, mais aussi les invitations aux conférences de presse et un vrai dossier de presse incluant des photos et des vidéos, avec téléchargement des photos par mot de passe et lien pointant vers les vidéos sur YouTube, Dailymotion ou Vimeo. Faute de quoi, on se trouvera avec tout un staff donnant une conférence de presse devant un seul journaliste (exemple vécu par Corinne Diacre).

 

Évangéliser le web

Enfin, les blogs ont un besoin crucial de matériel iconographique utilisable et réutilisable. Il serait de bonne politique d’évangéliser le web en offrant des paquets iconographiques spéciaux ou des dossiers de presse à contenu visuel très important. Cela coûte souvent cher à réaliser si l’on veut y mettre la qualité. Mais rien n’empêche les clubs de négocier des partenariats spécifiques en la matière avec, par exemple, une collectivité locale (les mairies et les départements peuvent « prêter » des photographes) ou un sponsor maillot (à condition de ne pas photographier ou filmer les joueuses uniquement de dos) ou un sponsor terrain (les pneus Continental font à la fois de la pub dans les stades de foot et mandatent des photographes pigistes pour photographier les actions de jeu… de telle manière qu’on voie leurs panneaux publicitaires aussi bien que l’action).

 

Le bras cassé du référencement

 

Les 12 clubs de la D1 féminine sont-ils bien référencés sur un moteur de recherche comme Google, bien présents sur des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou YouTube, bien outillés pour se faire connaître et attirer les internautes ? À cette question multiple, une réponse unique : non. L’étude de l’agence Khosi (lire méthodologie en fin d’article) visait à classer les 12 clubs. Puisqu’il faut un vainqueur, disons que c’est l’Olympique de Marseille qui devance les trois cadors (OL, Montpellier HSC et PSG, dans cet ordre) et que les clubs à petits budgets sont relégués en fin de classement. On résumera néanmoins la situation en constatant que les bonnes pratiques web sont assez rares et que le football féminin français, dès lors qu’il faut interagir avec les internautes, relève globalement de l’amateurisme et de la frilosité – du moins pour l’instant.

 

Notons d’emblée que tous les clubs ne pratiquent pas la même stratégie de mise en ligne, ce qui fausse un peu le classement. D’abord parce que la notoriété intrinsèque des clubs n’est pas identique, mais aussi parce que certains clubs utilisent une URL ou des profils sociaux communs aux équipes masculine et féminine (OL) alors que d’autres préfèrent utiliser des profils distincts (PSG).

 

Retravailler les fondamentaux

La visibilité des clubs sur les réseaux sociaux apparaît moins mauvaise que les performances des sites web, mais avec une présence plus ou moins lacunaire.

L’agence Khosi suggère de remédier à tous ces défauts handicapants grâce à un meilleur référencement sur Google. Sur le moteur de recherche proprement dit, mais aussi sur Google Actualités, qui ne référence que des sites d’informations et d’actualités. Il convient aussi de rectifier les erreurs techniques (balisage, indexation, vitesse de chargement) et de diversifier le contenu rédactionnel en parlant aussi de tout ce qui tourne autour du football en général, féminin en particulier.

 

Jouer la différence

L’une des suggestions implicites de l’agence Khosi consiste à se distinguer au maximum des onze clubs concurrents, donc de jouer la différence. Cette différence pourra être rédactionnelle (sujets, angles, etc.), mais aussi technique (habillage du site) et multimédia (interviews vidéo, diffusion de matches en live).

 

La première mesure à prendre consiste à faire réaliser un audit SEO complet en fonction des objectifs stratégiques et des moyens du club. Attention, ne jamais faire confiance à une agence SEO peu scrupuleuse qui promettrait le meilleur classement pour tel mot-clé sur Google dans tel délai. Il faut plusieurs mois et beaucoup d’efforts pour obtenir des résultats spectaculaires.

 

Savoir s’entourer

La deuxième chose à faire est bien évidemment de restructurer ce qui doit l’être. Pour cela, il est indispensable de se faire épauler par un community manager, c’est-à-dire une personne qui gère la présence d’un site sur les réseaux sociaux, sur les moteurs de recherche et qui n’hésitera pas s’il le faut à suer du pixel pour produire une photo ou un article.

Pour les clubs à tout petits budgets, par exemple les trois ou quatre plus petits budgets de D1, on peut suggérer un regroupement informel visant à s’offrir un audit SEO collectif ou un community manager en commun, avant de jouer en solo si le club se maintient dans l’élite la saison suivante.

 

Fédérer les bonnes volontés

Un autre levier qu’aucune des deux études ne mentionne, c’est l’UGC. Donc l’internaute et sa bonne volonté. Il suffit d’une simple opération de communication, d’un jeu-concours, etc., pour voir affluer les photos, vidéos, textes et autres contributions des internautes. Cela ne coûtera pas trop cher à un club d’offrir deux places pour le prochain match en tribune VIP aux internautes qui auront posté la meilleure photo ou vidéo de la ville, du stade, d’une joueuse…

 

Des footballeuses branchées

Enfin, les clubs auront tout intérêt à capitaliser médiatiquement sur leurs joueuses. Chacune doit bénéficier d’une ou plusieurs pages spécifiques, avec d’une part les éléments signalétiques et statistiques (titularisations, résultats, performances) et d’autre part des contenus personnels, par exemple des éléments de blog écrit ou la tenue d’un vblog. Ce blog vidéo peut d’ailleurs être hébergé en partie sur des réseaux sociaux comme Snapchat (très populaire chez les ados) ou YouTube.

 

L’idéal serait de multiplier les contenus réellement originaux. En voici encore un exemple, pour cet article par une suggestion qui implique toutefois d’ajouter au contrat des footballeuses un avenant sur droit à l’image et à l’utilisation des données personnelles. Tout le monde parle des fameux vêtements et accessoires connectés que des marques de sport ou de fitness commercialisent à grand renfort de buzz. Pourquoi ne pas nouer un partenariat avec une marque de ce genre (il en existe de très performantes en France) et publier les statistiques des joueuses après chaque entraînement ? Qui a couru le plus, le plus vite, le plus longtemps ? Qui a frappé le plus fort dans la balle du pied gauche, du pied droit, de la tête ? Qui saute le plus haut ? Qui jongle le plus longtemps immobile sur un seul pied ? Autant d’informations susceptibles de créer le buzz, d’attirer les internautes, les médias… et l’argent des sponsors.

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