Partie d’Afghanistan pour échapper aux talibans, Nadia Nadim est sur son nuage

Qualifiée en quart de finale de l’Euro, l’attaquante Danoise revient de loin. Née en Afghanistan, la joueuse qui a perdu son père à cause des talibans a réussi, notamment grâce au foot, son exil forcé. Elle est aujourd’hui l’une des figures de proue de sa sélection.

 

 

 

 

A la voir enchaîner les filtres Snapchat un grand sourire aux lèvres, poser toujours aussi joyeuse à côté d’une réplique en carton de l’acteur/catcheur Dwayne Johnson, « [s]on amour », ou se prendre en selfie en plein opération caritative, Nadia Nadim ressemble à une joueuse comme les autres. Sur les terrains, la virevoltante attaquante danoise, qui n’a pas encore été décisive pour son pays dans cet Euro (0 passe décisive, 0 but), n’a pas démérité depuis le début de la compétition.

Une attaquante réputée outre-Atlantique

Mais ces statistiques, si l’on rajoute celle (pas très flatteuse) du nombre de hors-jeux sifflés à son encontre (9, soit 5 de plus que toutes les joueuses les plus signalées après elle), ne reflètent pas pour l’instant la qualité de la femme de 29 ans. Auteure de 10 buts lors de sa première saison chez les Portland Thorns, où elle s’est engagée l’année dernière, Nadim avait déjà subjugué la NWSL lorsqu’elle évoluait du côté de New Jersey. Avec le Sky Blue FC, elle avait inscrit 5 buts et 1 passe décisive en 18 titularisations en 2015. Déjà prêtée au club de la côte est en 2014, elle avait tapé dans l’œil du staff en marquant sept buts en six matches. Rien d’étonnant donc, à la voir évoluer désormais chez le champion Américain 2013. Le nom du stade qui accueille l’équipe, le Providence Park, résonne peut-être différemment aux oreilles de Nadia Nadim, que rien ne prédestinait à vivre du ballon rond, si ce n’est un père fan de foot.

Née en janvier 1988 à Hérat, une ville située à l’ouest de l’Afghanistan, près de la frontière iranienne et turkmène, Nadim est la fille d’un général de l’armée nationale afghane, qui fut le premier à la faire entrer en contact avec un ballon, alors que celle-ci était encore jeune. « Il était fou de football, et il a essayé de transmettre sa passion du jeu à ses cinq filles », racontait-elle il y a peu à Fifa.com. Nadia Nadim se souvient encore de sa première balle, « celle des années 70, avec des points noirs », mais ne tombe pas tout de suite amoureuse du sport privilégié du paternel : « On ne connaissait pas vraiment le foot avec ma sœur, donc nous jouions plus au volley ou au catch », se remémore celle dont la vie paisible va être brutalement bousculée par l’arrivée au pouvoir des talibans en 1996. Le groupe terroriste s’empare alors de la capitale, Kaboul, et assassine l’ancien président de la république démocratique, Mohammad Najibullah. Quatre ans plus tard, c’est à son père que les nouveaux dirigeants s’en prennent. « Il a disparu. Nous savions que nous ne le reverrions pas, qu’il avait été tué », explique-t-elle encore aujourd’hui avec des trémolos dans la voix, forcément marquée.

Un long périple pour arriver au Danemark

Hamida, sa mère, prise de panique pour la vie de ses filles sous le joug de l’Emirat islamique d’Afghanistan, décide de quitter le pays. « Nous étions six femmes, seules. Nous n’avions aucun futur. Pas d’école, pas de travail. Nous ne pouvions même pas marcher dans la rue sans un homme. Ma mère voulait que nous ayons un futur, que nous soyons indépendantes », raconte la joueuse. « Je connaissais la différence entre le vrai et le faux, et ce qu’était la religion, c’est pourquoi je n’ai jamais imposé la religion à mes enfants », explique sa mère, des années après un périple qui devait les mener jusqu’en Angleterre mais les a finalement vu s’arrêter au Danemark. A son arrivée, elle se retrouve, comme des milliers d’hommes et de femmes aujourd’hui en Europe, dans un camp de réfugiés. A côté de celui-ci, un terrain de football, réservé à un club du coin, l’attire tout particulièrement. « C’était une période heureuse pour moi. Mon père me manquait mais le reste de ma famille était avec moi. Peu à peu, nous avons commencé à jouer au foot tout le temps. Mais nous ne connaissions pas vraiment le football ! Nous savions seulement qu’il fallait taper dans le ballon et marquer des buts », dixit Nadim, qui devient assez douée pour l’exercice.

 

Repérée par plusieurs clubs, elle démarre sa carrière professionnelle en 2006, au sein du IK Skovbakken. En 2012, alors transférée au Fortuna Hjorring, elle participe pour la première fois à la Ligue des champions féminines. En quatre ans, elle a inscrit 11 buts en 16 apparitions dans la compétition. Cette réussite sportive, soutenue par sa mère, doit aussi trouver son écho dans ses résultats scolaires. Pas un problème pour la joueuse, qui parle aujourd’hui cinq langues, dont l’Allemand, le Perse mais aussi un peu le Français, et effectue des études de médecine pour devenir chirurgienne esthétique.

Déjouer les pronostics, encore et toujours

Nadim reconnait toutefois avoir eu plus de difficulté à assumer sa passion, même loin de son pays d’origine où les droits des femmes sont alors inexistants : « Au Danemark, où les femmes font tout ce que font les hommes, lorsque je jouais au foot, j’avais l’impression de faire quelque chose de mal ». Un comble pour cette fan de « Ronaldo – le Brésilien – Figo et Zidane », qui a la défaite en horreur, mais qui « chante beaucoup, surtout si [elle] gagne ». En soulevant les foules depuis plusieurs années, d’un continent à l’autre, Nadia Nadim peut exulter et savourer tout le chemin parcouru depuis son départ de sa terre natale. Sous les couleurs de sa patrie d’adoption, elle tentera de faire vibrer sa nation samedi, en quart de finale, où son équipe pourrait réaliser l’exploit d’accéder à une deuxième demi-finale de suite, après celle acquise en 2013 contre la France. Une nouvelle occasion de faire entendre à son vestiaire, et au reste du monde, son timbre de voix, mais surtout de déjouer, encore et toujours, les pronostics.

 

Crédits photos : Getty Images/Instagram Nadia Nadim 

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