Ouleye Sarr, à en perdre le souffle

Aussi rapide sur les terrains que dans sa progression, Ouleymata Sarr, arrivée du PSG au LOSC cette saison, vit cette semaine, à 22 ans, son deuxième rassemblement en équipe de France A. Celle qui a un temps remisé les crampons au placard enchaîne les buts depuis le début de saison. Et compte bien s’imposer sous l’égide de Corinne Diacre.

 

 

Si vous comptez voir un match du LOSC en D1 cette saison ou que c’est déjà fait, vous avez de grande chance d’avoir le regard attiré par Ouleymata Sarr, l’attaquante du LOSC. Au-delà du jeu, c’est surtout parce qu’elle a le don d’élever rapidement la voix, et d’adresser, souvent à l’arbitre, un regard noir aussi glaçant que la fille est, au fond, chaleureuse. « Je m’énerve vite », reconnaît d’emblée la joueuse de 22 ans, quand on lui demande ses faiblesses.

Mais ce côté bougon n’a pas empêché « Ouleye » d’empiler les bonnes prestations et les buts depuis quelques semaines avec Lille, elle qui en comptabilise déjà 6 en D1 et n’est pas étrangère au bon début de saison du promu, 7e du championnat avec 8 points après six matches. D’ailleurs, ce trait de caractère n’a jamais perturbé la progression expresse de la Francilienne, enfin presque. Attirée par le ballon depuis le plus jeune âge, Sarr fait parler son talent dans les rues avant d’intégrer le club de sa ville, l’Évreux Football Club 27 à l’âge de 8 ans.

 

Une coupure de 2 ans

 

Avec les garçons, cette fan de Ronaldinho, Ronaldo (le Brésilien) et Henry bien sûr, régale ses équipes de ses frappes puissantes et d’une vitesse déjà au-dessus du lot. Mais lorsque la limite d’âge pour évoluer en mixte arrive, celle-ci refuse de continuer sur les rectangle verts. Par dégoût de jouer en catégorie féminine ? Pas vraiment : « Comme j’ai commencé le foot avec les garçons, de 8 à 14 ans, l’équipe avec qui j’étais c’était des amis avec lesquels ça se passait super bien ! Du coup je ne voulais pas les quitter », explique la joueuse aujourd’hui.

S’ensuit une pause de deux ans, dont elle va être tirée au cours d’une rencontre dans les rues ébroïciennes. Celle de Mathieu Bodmer, passé par l’OL, le PSG, Nice mais aussi… le LOSC. « En fait il était président du club (de 2009 à 2013, NDLR). Un jour en rentrant de chez moi, dans la rue, il m’a vu passé alors qu’il discutait avec des amis et il m’a appelé, en me demandant si je voulais reprendre le foot. Au début je ne voulais pas trop mais j’en ai parlé avec ma famille et ils m’ont persuadé de reprendre », rembobine Ouleymata Sarr.

 

« Pour moi, Ouleye était la meilleure joueuse d’Evreux »

 

 

Le défenseur, aujourd’hui à Amiens (et qui réintégrera le Conseil d’Administration de l’EFC 27 sous peu) s’explique : « J’ai connu Ouleye à la Madeleine (un quartier de la ville, NDLR), je la croisais régulièrement avec ses frères, ils allaient jouer sur les terrains du club donc ça m’a interpellé. Je me suis renseigné un peu plus sur elle quand j’ai repris le club d’Evreux et notamment la section féminine. Vu que je recherchais des filles pour remonter le niveau des équipes et que pour moi, Ouleye était la meilleure joueuse d’Evreux, on en a parlé et elle revenu », raconte Bodmer, qui a suivi sa carrière depuis. « C’est une personne très posée et humble, issue d’une famille très respectueuse avec beaucoup de valeurs », ajoute-t-il.

Un an après son retour en club, elle est retenue, au terme d’une journée de détection, pour intégrer le PSG. C’est là qu’elle rencontre Hawa Cissoko, avec qui elle est très proche aujourd’hui : « Ce jour-là je l’ai observé, et j’ai vu qu’elle ne parlait pas, je me suis dit que c’était bizarre, en rigole aujourd’hui la défenseure de l’OM. Du coup je suis allée tâter le terrain, j’ai commencé à la titiller ! On se complète, parce qu’elle va être la posée et moi… », « elle c’est la folle ! », ajoute Ouleye Sarr, avant que son ancienne partenaire, avec qui elle partage la passion du cinéma- mais aussi du shopping – intercale : « Une fois qu’on la connait on ne peut que bien l’aimer ».

 

Une accession directe à la D1

 

 

Pas de quoi redouter ses coups de sang donc. Surtout que la taiseuse Sarr va grimper les échelons à vitesse grand V. Convoquée à l’entraînement des U19 du club, elle tape dans l’œil de Farid Benstiti, alors entraîneur de l’équipe première, qui la convoque dans la foulée dans le groupe pro. « Ca m’a changé d’un coup !, se souvient Sarr. En plus à Evreux on était en DH, donc le niveau était totalement différent. Il fallait suivre ! En plus s’entraîner tous les jours… c’était nouveau pour moi ! ». Si elle « dépanne » parfois le week-end en U19, c’est un grand bond en avant pour la joueuse de 17 ans.

Appelée en équipe de France U19 dans la foulée, elle passe alors en parallèle son diplôme du BAPAAT (brevet d’aptitude professionnelle d’assistant animateur technicien de la Jeunesse et des Sports), selon le vœu de son entraîneur, qui souhaite qu’elle ne se consacre pas seulement au foot. Mais Sarr va finir par stagner lors de la saison 2016-2017, où la concurrence lui laisse peu de place dans le club de la capitale. D’où son choix de s’exiler, comme sa grande pote Hawa, hors de l’Île-de-France.

 

Des débuts remarqués avec le LOSC

 

 

« C’est une qualité que j’avais aimé chez certains de mes joueurs à Clermont, et je trouve que ça traduit un certain état d’esprit. Cette joueuse, comme d’autres, a faim. Et quand on arrive en équipe de France on doit avoir très très faim. C’est quelque chose que je recherche, et ça se voit sur le terrain », avouait Corinne Diacre après le rassemblement des Bleues en septembre où, surprise, elle avait décidé d’appeler Ouleymata Sarr, auteure d’un début de saison canon avec Lille, en témoigne son triplé face à Bordeaux dès la première journée (3-0).

« Mes débuts à Lille ? Non ça ne m’a pas surpris, parce que déjà l’année dernière avec le PSG j’avais fait une très bonne préparation, un bon début de saison. Je sais qu’il me faut du temps de jeu et de la confiance. C’est ce que j’ai eu à Lille et ça s’est donc passé directement », témoigne l’attaquante, qui ne pensait toutefois pas, de son propre aveu, passer aussi vite en équipe de France A. Plus rapide que la musique, elle en profite pour inscrire son premier but en sélection pour sa première titularisation, face à l’Espagne.

 

« C’est une fille déterminée »

 

 

« Elle n’a pas eu sa chance au PSG et je pense que c’est une erreur du club, regrette l’ancien de la maison, Mathieu Bodmer. Aujourd’hui elle montre toutes ses qualités. Son accession à l’équipe de France est une fierté pour nous à Evreux. Elle a une bonne vitesse de course mais surtout de grosses qualités devant le but et dans le dribble. Pour moi Ouleye n’avait rien à envier à énormément de joueurs de notre club qui jouaient pourtant dans les meilleurs catégories de jeunes », assure-t-il.

« C’est une fille gentille, sérieuse, rigoureuse aux entraînements, qui se donne à fond, et qui est déterminée, analyse de son côté sa partenaire, Elisa Launay, qui subit quotidiennement ses frappes à l’entraînement. Sur le terrain elle râle quand elle rate un truc, comme tout le monde, mais elle se remet vite dedans et persévère ». A l’heure où l’efficacité de l’équipe de France est constamment critiquée, l’arrivée de cette buteuse aussi intrépide dans les airs qu’équilibrée dans ses frappes est un gage d’espoir. L’Angleterre, ce vendredi soir, et le Ghana, lundi, n’ont qu’à bien se tenir.

 

 

Tous propos recueillis par Vincent Roussel

 

Crédits photos : Vincent Roussel pour Foot d’Elles / LOSC

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