Méline Gérard : “Tendre vers le modèle américain pour développer notre championnat”

Méline Gérard va quitter l’Olympique Lyonnais très prochainement. Alors qu’elle aura 27 ans dans trois jours, la native de Massy part vers de nouveaux défis. Son parcours, son évolution, ses challenges, son avis sur la discipline et son développement… Entretien.

 

 

 

 

Que pensez-vous du championnat français et de son évolution ?

M.G : << Depuis quelques années, le niveau s’améliore. Chaque saison, on note l’apparition de clubs rattachés à de fortes entités du football masculin (Bordeaux, Marseille), qui contribuent à élever le niveau de cette D1 féminine. Si le championnat n’a pas encore atteint le niveau d’homogénéité escompté, il tend à se développer. Nous voyons que l’OM fait par exemple une excellente saison cette année, et nous espérons que d’autres clubs en feront de même pour les saisons à venir. Nous espérons voir un championnat nettement plus homogène et qu’il y aura moins d’écart entre le premier et le dernier. L’idéal serait que nous arrivions à une professionnalisation totale du championnat de France, notamment parce que le professionnalisme aide les clubs à se développer. La performance est influencée par la préparation que nous avons. On ne peut pas jouer à niveau égal si une équipe est composée de joueuses qui travaillent en dehors du football, et si l’autre est professionnelle.

 

Quelles seraient les solutions à adopter afin de tendre vers un développement encore plus important ?

L’aspect financier doit être développé davantage. Dans le foot féminin, il ne faut pas énormément d’argent pour qu’une structure se mette en place et se développe. Si chaque club pouvait faire un effort un peu plus important en investissant dans sa structure féminine, nous en verrions les effets immédiatement. Dernière preuve en date, l’Olympique de Marseille qui, après avoir investi, performe au plus haut niveau avec des joueuses de qualité. Je trouve cela fabuleux. On en revient toujours à la même équation : si les clubs investissent, les sponsors vont davantage s’intéresser à la discipline, ce qui permettra à ce sport d’être mieux reconnu et médiatisé.

 

Faut-il tendre vers ce qui se fait actuellement aux Etats-Unis ?

Le modèle américain est en tous cas très intéressant. Aux Etats-Unis, les instances dirigeantes contraignent les clubs à avoir un quota de joueuses internationales. Ils ont la chance que toutes les équipes soient professionnelles. De plus, la fédération aide les clubs à financer les salaires des joueuses. Le championnat est de ce fait plus intéressant et le niveau est homogène. Si nous revenons au cas français, on s’aperçoit que toutes les joueuses internationales sont concentrées dans quatre clubs. On s’entasse finalement au sein de ces grandes entités, et il n’y a pas de répartition comme aux Etats-Unis. Dit comme cela, c’est plutôt facile, mais je pense qu’il faudrait s’intéresser au modèle américain.

 

Médiatiquement et sur un plan de développement général, trouvez-vous que les disciplines sportives pratiquées par les femmes soient reconnues à leur juste valeur ?

Je dirai qu’elles sont reconnues, car il y a de plus en plus de médias qui s’intéressent aux sports féminins. Nous arrivons à voir du rugby féminin sur nos écrans aujourd’hui, et ce n’est qu’un exemple. Plus il y aura de moyens investis dans les sports féminins, plus ils vont être reconnus et médiatisés. C’est encore et toujours une question financière. Si on revient sur l’exemple du football, j’entends souvent la chose suivante : les sommes que vous percevez par rapport à vos homologues masculins ne sont pas justes. Oui, je suis d’accord que l’écart est conséquent. Cependant, les garçons arrivent aujourd’hui à faire dégager des sommes conséquentes relatives à leurs salaires. Si nous parvenons un jour à nous développer autant que chez les garçons, nous aurons le salaire qui ira avec, tout comme la médiatisation. On peut encore faire plus !

 

 

<< Plus il y aura de moyens investis dans les sports féminins, plus ils vont être reconnus et médiatisés >>

 

 

A l’heure d’entamer un nouveau challenge la saison prochaine, quel regard portez-vous sur une carrière qui vous a emmenée de Paris à Lyon, en passant par Montigny, Saint-Etienne, et l’équipe de France ?

Je dirai que ma carrière a été ponctuée de hauts et de bas qui m’ont permis d’avancer. Je me suis toujours servie de mes échecs pour avancer, je pense avoir fait les bons choix aux moments opportuns, et j’espère que celui que j’ai fait pour la saison prochaine en sera également un.

Aviez-vous réfléchi initialement à un plan de carrière ?

Au départ, je ne pensais pas du tout devenir footballeuse professionnelle. Les opportunités se sont présentées à moi au fur et à mesure, et j’ai su les saisir. Concernant mon parcours scolaire, je me suis engagée dans une filière STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) que j’ai poursuivie jusqu’à son terme. Après cette licence, je me suis lancée dans une formation de préparation mentale pour les sportifs durant une année, avant d’en effectuer une dernière en PNL (programmation neuro-linguistique).

A quel moment avez-vous eu l’opportunité de pouvoir faire du foot à plein temps ?

Lors de ma dernière année à Saint-Etienne, j’ai été contactée par l’Olympique Lyonnais. Les dirigeants m’ont offert la possibilité d’en faire mon métier, et de me consacrer uniquement au football. J’ai saisi cette opportunité, je pense que c’était le bon moment dans ma carrière. Durant mes deux premières saisons à l’ASSE, je poursuivais mes études en parallèle du foot, et je n’avais alors qu’un demi-contrat fédéral. Je pense que Saint-Etienne aurait pu me proposer un contrat à plein temps à l’issue de ces quatre ans, mais le challenge proposé par l’OL (notamment parce qu’il m’offrait une ouverture sur l’équipe de France) était intéressant pour moi.

Que pensez-vous de votre évolution depuis vos débuts en région parisienne ?

Je suis assez fière de ma progression. Comme je le disais, je ne pensais pas pouvoir vivre de ma passion un jour. De plus, porter le maillot de mon équipe nationale n’était qu’un rêve, qui est devenu réalité quelques années plus tard. J’espère avoir encore de belles années devant moi et n’être qu’à la moitié de ma carrière.

Que retiendrez-vous de votre expérience à l’Olympique Lyonnais ?

Elle a été extrêmement enrichissante. J’ai énormément appris à Lyon. J’ai notamment découvert une entité totalement professionnelle, en partageant le quotidien de joueuses exceptionnelles. Je garderai beaucoup de souvenirs de mes années passées à l’OL, j’ai fait de magnifiques rencontres. Je suis convaincue d’avoir fait le bon choix en quittant Saint-Etienne pour rejoindre Lyon il y a trois ans maintenant. Je ne retiens que du positif d’avoir eu la chance d’évoluer dans un des meilleurs clubs du monde.

Vous aurez 27 ans dans quelques jours… Qu’avez-vous envie de faire et quels défis vous êtes-vous lancés ?

J’ai pour ambition d’avoir du temps de jeu et d’être numéro dans un club. Cela me permettra d’avoir des arguments afin de concurrencer Sarah Bouhaddi, actuelle numéro un en équipe de France. Je le dis ouvertement, je le répète et je ne m’en suis jamais cachée : mon objectif est tourné vers l’équipe de France. Il en sera toujours ainsi et, si je peux m’installer en tant que titulaire dans cette équipe nationale, cela sera la réussite d’un challenge que je me suis lancé. Je sais que cela ne sera pas simple, mais j’ai surtout envie de voir si j’en suis capable. >>

 

Propos recueillis par Benjamin Roux

 

 

Crédits photos : capture France TV Sports / Olweb.

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