Meilleure Joueuse FIFA de l’année 2013 : un ballon de quel métal ?

Lundi 13 janvier sera révélé le nom de la Joueuse mondiale FIFA de l’année 2013. Si l’incertitude règne sur la lauréate — Nadine Angerer ? Marta ? Abby Wambach ? — les critiques pleuvent sur un procédé de désignation plus qu’imparfait et qui finit par confondre Meilleure joueuse dans l’absolu, Meilleure de l’année, Meilleure d’un tournoi… Et d’abord, pourquoi les joueuses n’ont-elle pas droit, elles aussi à un Ballon d’Or ? Question plus gênante au final : les récompenses individuelles ont-elles un sens au sein d’une discipline sportive collective ?

 

Pas d’or pour les filles

Tout apprenti footballeur est supposé être animé de deux rêves : gagner une Coupe du Monde (aventure collective) et remporter un Ballon d’Or (récompense individuelle). Quoi de plus beau, de plus fort ? Et les apprenties footballeuses ? Tout pareil, sauf que… les filles n’ont pas droit au Ballon d’Or. Décerné pour la première fois en 2001, le trophée se nomme « Joueuse mondiale de la FIFA ».Moins glamour. Les filles ne vaudraient-elles donc pas leur pesant d’or ? Alors que le B.O., historiquement lié à son créateur France-Football depuis 1956, a reçu l’estampillage FIFA en 2010 après sa fusion avec le trophée de Joueur de l’année de la fédération internationale, la récompense féminine est, elle, une création 100 % FIFA.

 

L’absence d’or pour les filles résulte-t-elle de ce « manque » historique ? Mais qu’est-ce qui empêchait d’en changer le nom et de remettre la balance en équilibre ? A moins que… Un autre signe têtu d’une inégalité de traitement dont les Footballeuses sont encore victimes en regard de leurs congénères masculins ? Le Ballon d’Or d’un Messi serait-il dévalué de partager le même nom que celui d’une Marta ? Peut-être devrait-on se contenter de la satisfaction que le trophée féminin ne soit pas à l’effigie d’une casserole…

En douze ans, cinq lauréates seulement, des questions et des polémiques

Guère de difficulté pour mémoriser les noms des récipiendaires passées du trophée, cinq seulement au palmarès. Après la joueuse des États-Unis Mia Hamm à deux reprises (2001, 2002), l’Allemande Birgit Prinz s’impose trois fois (2003, 04, 05), avant que la Brésilienne Marta ne monopolise le titre de 2006 à 2010, soit cinq victoires consécutives. La Japonaise Homare Sawa met fin à la série en 2011, puis Abby Wambach (États-Unis) s’impose l’an passé.

 

Si les nominations de joueuses, aussi bien que les podiums, ne prêtaient guère à contestation jusqu’ici, l’année 2013 fait grincer des dents et soulève pas mal d’interrogations. Foot d’Elles s’en était d’ailleurs fait l’écho. L’absence de Nadine Keßler, capitaine de Wolfsburg, parmi les dix joueuses de l’année reste toujours incompréhensible.

 

Question : mais qui choisit donc les 10 finalistes ? Réponse : la Commission de Football Féminin et de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, et un panel d’experts nommés par le Groupe Amaury… Ah, un panel d’experts. Quels experts ? Vu la couverture médiatique actuelle du football féminin, on peut douter de l’étendue des connaissances de ces experts, dont on n’est même pas sûr de l’adéquation du domaine d’expertise avec le sujet concerné…

 

 

 

 

Le choix des trois finalistes, s’il ne fait pas l’unanimité, n’est cependant pas scandaleux vu la stature des joueuses :
La capitaine de la Mannschaft, Nadine Angerer, exceptionnelle à l’Euro avec deux pénalties arrêtés en finale face à la Norvège, sans oublier une demi-finale de haute volée contre la Suède. Le reste de la saison n’a certes pas été aussi flamboyant avec le FFC Francfort, mais l’Euro était le rendez-vous à ne pas manquer et elle a su répondre présente. La marque des championnes. Après une pige à Canberra (Australie), elle est en partance pour les USA et la NWSL.

 

La tenante du titre, Abby Wambach (3e podium consécutif assuré) doit certainement sa présence à son record historique de buts en sélection, jusque-là détenu par Mia Hamm et battu en 2013, aboutissement de toute une carrière. Sa bonne saison en NWSL y aura aussi contribué.

 

Et puis, bien sûr, l’éternelle Marta, qui montera sur le podium pour la dixième fois d’affilée. Beaucoup critiquent sa présence jugée trop « systématique », mais Marta reste Marta. Même en-deçà de ses années les plus flamboyantes, son génie la maintient toujours dans les meilleures…

 

On regrettera cependant qu’une joueuse se retrouve inexplicablement écartée : Lena Goeßling. Après avoir vu, contre toute attente, le titre de Joueuse UEFA de l’année lui filer sous le nez au profit d’Angerer, voici la joueuse de Wolfsburg absente du podium malgré ses remarquables performances et victoires en club (Championnat, Coupe, Ligue des Championnes) et en sélection (Euro).

 

La visibilité du football féminin en question

Le déficit médiatique des filles n’est sans doute pas étranger aux anomalies de la sélection, additionné d’une certaine paresse intellectuelle. En d’autres termes, plus facile de choisir celle dont le nom figure déjà à la une (Marta, Wambach) ou que l’on a pu voir se mettre en évidence à l’occasion du tournoi majeur de l’année (Angerer), que de suivre la discipline dans toute sa composante mondiale, du 1er janvier au 31 décembre. Pourtant, Internet permet aujourd’hui d’embrasser le football féminin mieux que jamais, certes de manière ô combien incomplète, mais infiniment supérieure à il y a encore trois ans. Alors, pourquoi un tel recul en 2013 ? Le vieux dicton « On ne change pas une équipe qui gagne » semble s’être transformé en « On ne change pas une équipe qui fait vendre »…

La récompense individuelle a-t-elle un sens en football ?

Les amateurs de football féminin qui suivent de près la discipline observent ce raout annuel, partagés entre agacement, sarcasme et cynisme. A quoi cela rime-t-il, lorsque les dés sont pipés d’avance ? Ils commencent aussi à s’interroger : un sport collectif comme le football doit-il favoriser la mise en avant d’un individu, au risque de fouler aux pieds le principe même d’équipe, à savoir un effort collectif ? Et si, finalement, donner un titre pailleté de Joueuse mondiale de la FIFA cousu de fil blanc revenait à réactualiser la célèbre formule de George Orwell : « Toutes les joueuses sont égales, mais certaines le sont plus que d’autres »…

 

Crédit photo : telediario.mx

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