Mark Sampson, docteur Jekyll et Mister Hyde

Le sélectionneur anglais Mark Sampson a été viré de son poste mercredi 20 septembre, après de nombreuses semaines de polémique outre-Manche. Un scandale qui pourrait devenir majeur autour d’un entraîneur qui a connu beaucoup de succès sur le terrain. Alors que l’actuelle sélectionneur des U19 (Mo Marley) a été nommée « en intérim » il y a quelques jours, les anglaises préparent leur match face à l’équipe de France dans deux semaines.

 

 

Le passé vous rattrape toujours. De nombreux hommes politiques, ou même des footballeurs français (avec l’affaire de la sextape, par exemple), en ont eu la confirmation ces derniers mois. Mercredi 20 septembre, c’est le sélectionneur de l’équipe féminine d’Angleterre, Mark Samson, qui en a fait la douloureuse expérience. La Fédération anglaise (FA) a décidé, après avoir blanchi à deux reprises son entraîneur, de le renvoyer de ses fonctions. Cette fois, elle aurait obtenu « la preuve irréfutable d’un comportement inapproprié et inacceptable pour un coach », alors que celui-ci évoluait à Bristol. Une décision qui intervient après une longue polémique concernant des propos discriminatoires et racistes que celui-ci aurait tenu à l’encontre de deux joueuses britanniques : La milieu de terrain Drew Spence, qui évolue à Chelsea, et Eniola Aluko, une autre joueuse des Blues aux 102 capes en équipe d’Angleterre.

« Sois sûre qu’ils ne ramènent pas Ebola »

Celles-ci l’accusent de « harcèlement et discrimination ». Leurs témoignages sont accablants : Selon la première, Sampson lui aurait ouvertement demandé, devant plusieurs joueuses, « combien de fois t’es-tu fait arrêter avant ? Quatre fois n’est-ce pas ? ». A l’encontre de cette seconde, en novembre 2014 avant un match face à l’Allemagne, après avoir appris que sa famille venait assister à la rencontre depuis le Nigéria, celui-ci lui aurait demandé : « Sois sûre qu’ils ne ramènent pas Ebola ». « Je me rappelle de rires, mais nerveux. Quand je suis revenue dans ma chambre, j’étais énervée. J’ai appelé ma mère, elle était dégoutée », racontait fin août au Guardian l’attaquante, dont le rôle dans la disgrâce de Sampson est primordial.

Un manager victorieux

Le manager gallois était pourtant au faîte de sa gloire jusqu’alors, malgré quelques remous de l’affaire, alors que la FA se chargeait de cacher la poussière sous le tapis. C’est à la tête d’une équipe morose, qui sortait d’un Euro catastrophique, que Mark Sampson arrive en 2013 à la place de Hope Powell, qui dirigeait l’équipe depuis 1998. Un choix qui surprend outre-Manche, car ce fan de Puissance 4 n’affiche à l’époque qu’une courte carrière d’entraîneur, à 30 ans. Après avoir obtenu une licence en développement sportif, puis avoir endossé le rôle entraîneur des jeunes à Cardiff City, Sampson continue sa formation dans le centre d’excellence de Swansea de 2007 à 2009. Parallèlement, à partir de 2008, il devient pour la première fois entraîneur d’une équipe sénior à Taff’s Well, sur ses terres. Un poste qu’il quitte en 2010 pour Bristol City, qui évolue alors en première division dans le championnat anglais de foot féminin. Le début de la gloire pour celui qui réalise le meilleur parcours du club, en 2013 (2e), et lui fait atteindre à deux reprises la finale de la Coupe d’Angleterre (2011 et 2013). Le monde découvre alors un homme à la classe toujours intacte sur le bord des terrains, pantalon de tailleur et chemise blanche presque toujours sur les épaules- à l’image d’un Hervé Renard.

Un homme soigné et sûr de sa force

Son visage, à la coiffure aussi millimétrée que son management, donne une impression de dureté, même si celui-ci ne manque jamais de sourire. Ancien footballeur amateur, cet homme élancé ne doute de rien : « Je suis prêt à donner tout ce que j’ai pour construire une équipe d’Angleterre qui rendra fière tous ses supporters », annonce-t-il lors de son intronisation en tant que sélectionneur des Lionesses. Il y est arrivé, en donnant comme à son habitude un style batailleur, et joueur, à cette équipe qui l’emporte souvent de peu. Après une campagne de qualification réussie (10 victoires en autant de matches), il permet à l’Angleterre de participer à sa troisième coupe du monde de suite. Au Canada, dans le groupe de la France, il s’attache la sympathie de tout un groupe, en proposant un coaching détendu, comme le rapportent alors les médias britanniques.

S’il les fait travailler dur pendant les séances d’entraînement, il ne surcharge pas ses joueuses, à qui il laisse du temps libre entre chaque match. Il rappelle même des filles mises auparavant au placard, comme Katie Chapman. Les résultats tombent vite, malgré une 2e place initialement obtenue derrières les Bleues. Il réalise la meilleure prestation de l’histoire de sa sélection en Coupe du Monde, obtenant une troisième place suite notamment à des victoires sur le Canada, et l’Allemagne. Son style plaît, mais à l’époque, deux enquêtes, menées en interne et par une avocate indépendante, sont déjà diligentées. D’ailleurs, ses joueuses l’ont toujours en grande partie adoré, comme elles l’ont démontré jusqu’à la veille de sa destitution, en lui offrant une large accolade après un but lors de la large victoire face à la Russie en match de qualification pour la Coupe du Monde (6-0).

La FA dans la tourmente

Mark Sampson réitère les bonnes performances sportives au Pays-Bas cet été, où son équipe développe un football explosif, efficace, qui lui vaut entre autre de terrasser la France -une performance qu’elle n’avait pas réalisé depuis 1974- en quart, avant de tomber à nouveau en demies. Mais déjà, on sent qu’il ne faut pas venir chatouiller le Gallois. Olivier Echouafni en a fait les frais juste avant leur confrontation. De retour en Angleterre, la polémique prend de l’ampleur, et l’oblige à se défendre : « Je ne suis pas raciste », affirme-t-il au micro de BBC Sport au début du mois de septembre. Il n’est alors pas le seul à être pris dans la tornade, Martin Glenn, le directeur exécutif de la FA, étant toujours plus embarrassé à chaque révélation. D’abord, il y a cette clause de confidentialité signée dès 2016 par Eniola Aluko (de 80 000 Livres) avec la fédération. Puis cette mise en cause de l’organisation Women In Football [WiF], qui a déclaré que des réserves avaient déjà été émises quant au comportement de Sampson dès 2013.

Le Parlement britannique s’en mêle

Certes, à l’époque, c’était Greg Dyke et non Glenn qui dirigeait l’institution. Mais c’est d’un autre pan de l’affaire que lui viennent ces remontrances. Soupçonné d’entretenir des rapports jugés « inappropriés » avec certaines joueuses de Bristol en mars 2014, Sampson avait été blanchi au terme d’une enquête d’un an. Mis au courant de l’affaire en octobre 2015, soit 7 mois après sa nomination, Martin Glenn n’aurait plongé son nez dans le dossier… qu’il y a quelques semaines. Le fait que les accusations d’Aluko aient été formellement établies dès novembre 2016 n’arrange rien.

Un dilettantisme qui fait tâche dans un pays où le foot vient d’être touché par un vaste scandale de pédophilie, tandis que l’ex-manager de la sélection masculine, Sam Allardyce, avait dû lui aussi démissionner, cette fois en raison de preuves accablantes pour cause de corruption. L’affaire devient scandale d’Etat après que Damian Collins, président de la commission de la culture, des médias et du sport- sorte de ministère rattaché à la chambre basse du Parlement britannique –dresse ce constat sans appel : « Clairement, d’après la FA elle-même, après avoir vu le rapport complet sur les enquêtes précédentes, il n’était pas fait pour le job. C’était quelqu’un qui n’aurait jamais dû être nommé ». « WiF reçoit quotidiennement des plaintes pour discrimination et abus de femmes travaillant dans le football. Nous questionnons la capacité des autorités pour enquêter sur ce sujet de manière transparente et compétente », s’indigne pour sa part Women In Football. Le dossier Sampson, ou l’arbre qui cache la forêt ? Martin Glenn ainsi que d’autres dirigeants de la FA comparaîtront devant Collins et un comité d’enquête parlementaire, le 18 octobre prochain.

 

 

Crédits photos : BBC Sport, FA, TGSphoto, Getty Images, The Guardian

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