Le débrief’ des consultants après France-Suisse : « On espère qu’elles monteront en puissance ! »

L’équipe de France s’est qualifiée de justesse en quart de finale de l’Euro mercredi soir, grâce à son nul (1-1) obtenu contre la Suisse. Joueuse de foot fauteuil à Grenoble, Virginie Colas, accompagnée de la présidente du FF Issy Christine Aubère, également ancienne joueuse du PSG, nous livre leurs impressions sur la rencontre.

 

 

Nos Consultantes

Elles ont, chacune à leur manière, la volonté de promouvoir le sport au féminin. Christine Aubere, ancienne joueuse du PSG, où elle joue jusqu’en 2002, multiplie depuis les projets. Fondatrice, en 1997 du FC Paris Arc en Ciel, cette éducatrice bien connue des milieux associatifs est également, depuis 2013, présidente du club d’Issy. Créatrice du premier tournoi inter-entreprises féminin en France en 2010, l’ancienne numéro 10 est aussi animatrice de la commission de féminisation District 92 et en charge de l’opération « Mesdames, Franchissez la barrière ».

 

Virginie Colas donne aussi de sa personne au quotidien pour faire vivre le Grenoble Foot Fauteuil Electrique (GFFE), qu’elle a rejoint en 2014 lors de sa création, après s’être lancée dans la discipline en 2008 du côté de Marseille. Rare fille à évoluer à son niveau, en D3, celle qui, dans la vie, occupe les fonctions d’assistante aux Ressources Humaines, consacre aussi de son temps comme trésorière du GFFE. Foot d’Elles vous avait fait découvrir Virginie Colas le mois dernier, celle-ci nous livrera son analyse suite au match de l’équipe de France contre la Suisse.

 

La France était en position délicate à l’approche de ce troisième match de poules. Avez-vous aimé la façon dont les Bleues ont abordé la rencontre ?

 

Christine Aubère : Oui j’ai apprécié les premières minutes de nos Bleues. Il fallait être présentes tout de suite pour montrer qu’elles étaient là et qu’elles avaient envie de prendre le dessus dans cette rencontre. Elles ont maîtrisé au départ, avec pas mal de progressions sur les côtés, ce que j’ai apprécié, maintenant elles se retrouvaient de nouveau face à une défense compacte, et puis on a un manqué de percussion, de mouvement vers l’avant qui, conjugués à la réussite de la gardienne suisse empêchent les Bleues de prendre les devants. Si elle n’avait pas été là pour sauver les quelques occasions franches des Bleues en début de match…

 

Virginie Colas : Moi aussi leur approche m’a plu ! Elles ont démarré avec la même envie, le même mental que lors des matches précédents, elles ont donné le rythme et réalisé une belle entame. Leur état d’esprit a fait qu’elles ont pris l’ascendant dès le début de la rencontre.

 

Qu’est-ce qui vous a plu et déplu au cours de ce match, des deux côtés ?

 

C.A : Ce qui m’a plu en premier lieu c’est qu’il y avait du mouvement sur les côtés, une base qu’on n’avait pas forcément lors des autres matches, et qui n’est pas simple à avoir face à des défenses regroupées. Là c’était bien fait. Et on sentait qu’il y avait un collectif qui voulait aller au bout. En revanche j’ai observé une distance entre les lignes et les joueuses parfois trop grande, qui fait qu’on a parfois du mal à se trouver. Après c’est sûr qu’être à dix contre onze n’a rien arrangé. J’ai trouvé une équipe Suisse qui, pour son premier Euro, était à la hauteur, à la fois en pleine évolution mais qui a montré ce dont elle était capable. Ça n’a pas été simple des deux côtés jusqu’à la dernière seconde. Et on a eu une Camille Abily qui a été discrète pendant tout le match mais qui s’est révélée au bon moment, comme la grande joueuse qu’elle est. Elle met sa frappe sur coup de pied arrêté et c’est ce qu’on attend d’elle. D’ailleurs les deux équipes ont marqué sur coup de pied arrêté, ça montre qu’il y avait très peu d’espaces pour passer la défense et marquer.

 

V.C : En ce qui concerne l’équipe de France, on peut dire qu’elles ont fait de belles percées dans la défense adverse, et puis qu’elles se sont toujours accrochées, ce qui était leur point fort. Ce que j’ai aimé chez les Suisses c’est qu’elles étaient peut-être moins présentes dans la possession de balle et le rythme, mais dès qu’elles avaient le ballon, les Helvètes savaient se montrer plus précises et plus patientes dans l’aboutissement de leurs actions. Ensuite ce qui m’a moins plu, c’est le manque de précision des Françaises dans leurs passes, les Bleues se précipitaient un peu par moment. Et puis il y a eu ces nombreuses fautes, avec un carton rouge qui nous a bien déstabilisé…

 

Justement, l’arbitrage a eu un gros impact sur la rencontre, qu’avez-vous pensé du match de Madame Kulcsár ?

 

C.A : A un moment donné le tout féminisé ne doit pas prendre le pas sur la compétence. C’est important d’avoir des femmes arbitre mais il faut privilégier la compétence et laisser le temps aux femmes de se former au haut niveau, et je pense que dans la rencontre on a pu voir que c’était assez léger. Je ne veux pas mettre l’arbitre en porte à faux mais on ne peut pas nier qu’il y a eu des erreurs. Je trouve le carton rouge adressé à Perisset très sévère. Elle impose son corps mais ne fait pas de geste dangereux. On a vu des actions beaucoup plus réprimandables par ailleurs dans cet Euro. Le tout féminin n’est donc pas forcément la meilleure solution, parce que ce que l’on souhaite dans une compétition de ce niveau ce sont des arbitres à la hauteur de l’évènement.

 

V.C : Il y a quand même faute d’Eve Perisset, après c’est très sévère. Je trouve que dans le match, d’autres faits d’arbitrage ont pu être plus litigieux. Mais c’est vrai qu’en général, l’arbitrage n’était pas au top, et je l’ai trouvé sévère ! On peut dire qu’on n’avait pas toutes les chances de notre côté. Je suis d’accord pour dire qu’il faut un arbitrage à la hauteur du jeu proposé, et c’est vrai qu’il y a encore des progrès à faire de ce côté-là.

 

Est-ce qu’après des phases de poules aussi compliquées, vous vous dîtes que la France peut accrocher son premier podium voire son premier titre d’envergure ?

 

C.A : Bien sûr qu’on espère qu’elles monteront en puissance ! Et puis on a aussi envie de se dire qu’elles peuvent le faire, il le faut même ! On est la troisième nation au classement FIFA, on a démontré certaines qualités et des compétences dans la pratique. On a une formation qui est en pleine mutation, avec des jeunes qui intègrent le groupe et des automatismes qui fonctionnent différemment. Il va falloir continuer de travailler pour les trouver, revenir aussi peut-être à des fondamentaux, en alignant plus de joueuses d’expérience ensemble pour pouvoir casser les lignes. On remarque qu’elles sont tout de même un peu déstabilisées. Quand on a cultivé des automatismes aussi longtemps ce n’est pas forcément simple d’accueillir ces changements, et de trouver son jeu quand on attend des résultats tout de suite.

 

V.C : On peut espérer, puisqu’elles s’accrochent, elles se battent jusqu’au bout et ont un mental de fer. On n’a pas forcément besoin de faire des gros scores pour arriver jusqu’au bout, maintenant ça ne va pas être facile, ce n’est pas fait, et il y a d’autres équipes qui vont pouvoir avoir des facilités pour concrétiser davantage leurs occasions. Il va falloir être plus précises, avoir des actions plus concrètes et améliorer notre précision, évidemment. Et puis il faudra un brin de chance, comme toujours !

 

Malgré un parcours compliqué en phase de groupe, la France passe en quart de finale. Peut-on dire que le plus dur est fait ?

 

C.A : Oui, parce qu’on attendait qu’elles passent cette étape. Ça aurait été dramatique pour le football français et féminin si elles n’étaient pas passées. Maintenant elles vont se frotter à des équipes au profil différent. L’Islande ou encore la Suisse, pour qui c’était la première compétition, se sont révélées comme des équipes athlétiques, difficile à jouer. A partir des quarts on aura des équipes robustes aussi mais qu’on connaît mieux, déjà, et qui vont aussi produire du jeu. A ce moment-là, ça correspondra un peu plus à notre philosophie à nous. On sera peut-être en place différemment. Il va falloir être beaucoup plus précises dans nos gestes, dans nos appels de balle, et il va falloir être plus mobiles dans le jeu pour trouver les espaces afin de passer les zones beaucoup plus facilement qu’on ne l’a vu jusqu’ici.

 

V.C : Non, je ne dirais pas que le plus dur est fait. On voit qu’il reste beaucoup de grosses équipes comme l’Allemagne, et puis nous allons sûrement affronter l’Angleterre en quart de finale donc je pense que dès ce tour là, ça va devenir compliqué. Mais c’est normal, plus on avance et plus les grosses équipes restent, mais bon on ne sait jamais, parfois plus le challenge est grand plus on arrive à se mobiliser donc pourquoi pas !

 

Quelles sont les 3 joueuses françaises qui ont brillé ? Quelles joueuses Suisses se sont distinguées ?

 

C.A : Du côté de l’équipe de France, je retiendrai surtout le match de Kadidiatou Diani, qui a été essentielle. Dès le départ, mais surtout après l’expulsion de Perisset, elle s’est montrée très présente. Sur les contre-attaques suisses elle a su prendre le dessus, aux côtés de Wendie Renard, et pour une jeune joueuse comme elle, c’est prometteur. Ce n’est pas la seule jeune puisque Karchaoui, hormis son erreur sur l’action du but, a eu une activité remarquable. Il leurs reste des choses à apprendre, notamment sur cette volonté de jouer le ballon dans l’axe sans forcément prendre l’information avant, ce qui peut être dangereux. Et puis je rajouterai M’Bock, qui a fait un bon match. Ces trois-là ont été présentes dans l’intensité, dans l’envie, dans le mouvement. Elles faisaient les efforts. Concernant la Suisse, on a encore vu tout ce qui faisait de Ramona Bachmann une joueuse aussi redoutable. Puis la gardienne Gaëlle Thalmann a été très bonne, malgré cette faute sur le coup franc d’Abily, où sa main n’est pas assez ferme. C’était dommage mais elle a fait un bon match au-delà de ça. Sans ses arrêts, la rencontre aurait été différente pour les Suissesses. Et puis j’ai tout de même ce petit clin d’œil pour Camille Abily, qui met un but important et qui mérite d’aller plus loin dans la compétition, vu le travail qu’elle fournit depuis des années avec l’équipe. Elle n’est pas la seule et c’était une récompense pour toutes ces filles qui se battent depuis longtemps.

 

V.C : Côté Français je retiendrai Amandine Henry, qui a réalisé une belle partie à nouveau, Sakina Karchaoui également, malgré son erreur sur l’action qui mène au carton rouge de Perisset, et puis Claire Lavogez. Je trouvais que notre collectif était bon dans l’ensemble, présent même à dix, puisqu’elles ont maintenu la pression. Mais ces trois joueuses se sont un peu plus démarquées que les autres. Au niveau de la Suisse, je citerai Ramona Bachmann, forcément. On a eu du mal à l’empêcher d’approcher les buts, elle a brillé.

 

Quel a été le tournant de la rencontre ?

 

C.A : A mon sens, c’est l’arrêt de Thalmann sur Lavogez en début de match. Si elle ne réalise pas ce geste, la partie peut tourner totalement différemment. Et puis c’était juste avant l’expulsion de Perisset, qui est évidemment l’autre gros fait du match puisqu’à dix contre onze, ça a compliqué la tâche des Bleues. Je trouve que cet Euro est une illustration d’un jeu qui se durcit beaucoup.

 

V.C : Je pense également que le carton rouge fait basculer la rencontre dans une autre direction, ça a corsé l’objectif. L’autre tournant sinon ce serait le but qu’on marque, par Abily, et puis il y a aussi le bel arrêt de Bouhaddi dans les dernières secondes, qui montre qu’on ne lâche rien même dans les derniers instants de la rencontre.

 

La troisième journée des phases de poule est presque terminée, quelles autres formations vous impressionnent depuis l’entame de l’Euro ?

 

C.A : J’espère vraiment que la sélection espagnole va passer parce que je trouve que le jeu qu’elle produit, techniquement, est beau à voir. L’éclosion du foot féminin en Espagne est récent et je trouve que ce qu’elles ont montré est une belle image du football, avec beaucoup de mobilité. En tant qu’ancienne numéro 10 j’aime bien leur utilisation du ballon et le déplacement de leurs joueuses. Sinon j’ai aussi été marquée par l’Angleterre, qui a un bon jeu, mais surtout par les Pays-Bas. Je pense que cette équipe peut faire quelque chose. Une des Néerlandaises qui m’a impressionnée c’est Lieke Martens, qui apporte beaucoup sur son côté et brille au sein de son équipe. N’oublions pas la Suède, qui fait partie des favoris même si elles ont galéré. Je pense que ça montre que le football féminin international est en train de franchir un palier, et que tout le monde monte en puissance, même les petites nations. Ça ne va être simple pour personne mais tant mieux parce que ça montre que lorsqu’on donne les moyens de réussir à une sélection, elle progresse et les résultats sont là. Les nations que l’on attendait avant le début de la compétition ne sont pas forcément les plus à l’aise.

 

V.C : Je ne suis pas subjuguée par l’Autriche, qui joue bien mais qui ne m’a pas plus impressionnée que ça. L’Angleterre m’a fait forte impression en revanche, et puis il y a aussi l’Espagne, dont on parle beaucoup. Il ne faut pas oublier l’Allemagne mais j’ai vu des joueuses là encore en difficulté. Cala n’empêche qu’elles font toujours partie des favorites.

 

Avez-vous eu l’occasion de discuter de l’Euro avec votre entourage ? Quelles sont les réactions qui vous reviennent le plus souvent ?

 

C.A : Pour les habituées, elles avaient peur de ce que la France produisait, surtout aujourd’hui, pendant ses rencontres. On en attendait beaucoup plus mais maintenant les nations montent en puissance, et cette équipe de France qui est en transition, avec des anciennes sur le départ et des jeunes qui bousculent l’ordre établi, font que ce n’est pas la meilleure période. De la part de personnes qui regardent plus les matches masculins, toutes se montraient agréablement surprises de la qualité du jeu proposé, ils étaient contents et ravis de cet Euro qui les intéressent et qu’ils regardent. Après ce qui ressort beaucoup c’est cet arbitrage qu’il faut sans doute améliorer un peu. Le manque d’ambiance ? Non ce n’est pas revenu dans les discussions, mais on est déjà contents de voir du foot féminin à la télé, donc on se concentre plus sur le terrain que sur les à-côtés. Le fait que ce soit diffusé sur France télé est une vraie évolution. Avant, lorsque la diffusion intervenait sur Eurosport, une chaîne payante, c’était restreint. Là le fait que ce soit diffusé sur une chaîne publique, ça nous permet de communiquer et c’est important. Il faut continuer et encourager la diffusion du sport féminin.

 

V.C : C’est vrai que nous sommes bien contents de pouvoir regarder l’Euro sur des chaînes grand public. On s’aperçoit que les gens se réjouissent de pouvoir suivre ces matches-là, qu’ils s’y intéressent. C’est différent du foot masculin et ce n’est pas pour déplaire. On peut dire qu’on joue sans avoir parfois ce jeu parallèle d’acteur qu’on voit un petit peu trop dans le foot masculin. Et puis je vois le soutien à cette équipe de France, qui même si elle a du mal dans le dernier geste, fait plaisir par son état d’esprit. C’est agréable à regarder. Concernant les tribunes vides, c’est vrai que c’est dommage. Ça ne renvoie pas une mauvaise image, mais on voit que le foot féminin n’est pas aussi suivi que d’autres sports, le foot masculin pour le reprendre en exemple. Peut-être est-ce dû à un problème de communication et de médiatisation ? Je pense que petit à petit ça s’améliore et que recevoir la Coupe du Monde en France va aider au développement et à la popularité de la discipline.

 

 

Le résumé du match

Voir le résumé de la rencontre par ici

 

Les compositions d’équipe :
France : Bouhaddi – Karchaoui, Perisset, Renard, M’Bock – Henry, Geyoro, Abily (Thiney, 87′) – Diani (Houara d’Hommeaux, 82′), Lavogez (Delie, 70′), Le Sommer.

Suisse : Thalmann, Maritz, Wälti, Crnogorčević, Kiwic – Zehnder (Reuteler, 79′), Bernauer, Moser (Calligaris, 64′), Dickenmann – Bachmann, Aigbogun (Terchoun, 78′).

Buts : Crnogorčević (18′) pour la Suisse ; Abily (76′) pour la France

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