Le bilan de l’Euro : Que retenir de cette édition ?

 Alors que les Pays-Bas sont devenus, dimanche, la 4e nation de l’histoire à soulever la Coupe d’Europe, l’heure du bilan est venue. Ce qui a marché, ce qui a capoté, l’incapacité des Bleues à réagir… retour sur cette édition 2017 globalement réussie.

 

 

 

 

 

L’Euro des surprises

Est-ce l’air batave ou la concurrence renforcée qui leur a joué des tours ? On penche plus sincèrement pour la deuxième hypothèse. Mais un seul constat ressort de cet Euro : la fin de l’hégémonie des puissances dominantes d’autrefois sur le football féminin. Si le Danemark (désormais six fois demi-finaliste de la compétition) apparaît comme le seul rescapé de cette hécatombe, les favoris n’ont plus la cote dans cette Coupe d’Europe. Sortie pour la première fois depuis 20 ans dès les phases de poule, la Norvège d’Ada Hegerberg a été la première à en faire les frais. Puis il y a eu l’Allemagne et la Suède en quart de finale. L’Angleterre, grande favorite après un premier tour réussi, a montré des signes de faiblesses en quart de finale face à la France, sur qui l’on s’attardera plus tard (voir ci-dessous), avant de totalement céder face à une Hollande qui, pour sa part, aura tenu son rang, bien que plus considérée comme un outsider avant le début de la compétition.

Et alors qu’on attendait beaucoup de l’Espagne, vainqueure du tournoi de l’Algarve début mars, et qui aura séduit une large partie du public et des consultants de Foot d’Elles pendant cette quinzaine, c’est plus de l’Autriche que la surprise sera venue. En battant justement la Roja aux tirs au but en quart de finale, la formation emmenée par Dominik Thalhammer, qui compte un fort contingent de joueuses de Bundesliga (13 sur 22 sélectionnées), est devenue la première équipe depuis les Pays-Bas en 2009 à accéder au dernier carré dès sa première participation. Tout cela au nez et à la barbe de l’équipe de France, qu’elle a devancé dans le groupe C que tout le monde promettait aux Bleues et à la Suisse avant mi-juillet. Pas toujours les plus belles à voir évoluer, les Autrichiennes ont fait preuve de beaucoup de générosité et d’efforts, combinés à une solidité défensive et un jeu en contre-attaque séduisants. De nombreux éléments se sont révélés à l’Europe du football, comme la gardienne Zinsberger, la défenseure Carina Wenniger, ou encore les attaquantes comme Burger, Feiersinger ou Makas. D’autres formations comme la Belgique, le Portugal, la Russie ou l’Ecosse, pas passées loin d’une qualification en quart de finale, ont montré de belles choses et peuvent prétendre, à l’avenir, jouer un rôle plus sérieux sur la scène internationale. Malgré beaucoup de talents dans leurs rangs (Bonensea, Sabatino, Di Criscio pour la première, Bachmann, Dickenmann et Moser pour la seconde), l’Italie et la Suisse se sont montrées trop justes et pas assez tranchantes pour peser dans les débats, tandis que l’Islande, qui compte aussi quelques joueuses de ballon dans ses rangs, a parfois trop usé de sa puissance physique et a multiplié les erreurs, afin de bousculer ses concurrents.

Une seule nation aura fait l’unanimité tout au long de la compétition : les Pays-Bas. Joueuse, solide, imperturbable, aussi bien capable de faire craquer l’adversaire que de le rattraper, les Bataves ont timidement démarré au niveau des résultats, en affichant tout de même 3 victoire en 3 matches (la seule équipe dans ce cas avec l’Angleterre). Puis les joueuses de Sarina Wiegman, dont l’arrivée tardive, en janvier dernier, n’a pas contrarié la progression d’un groupe qui regorge de talents, au contraire, ont explosé. Sous ses ordres, Van de Sanden, Martens, Van de Donk, Groenen et Miedema ont livré la plus belle compétition de leurs carrières. Vainqueure avec la manière, cette équipe encore jeune à de l’avenir.

 

Les Bleues ne perdent pas leurs (mauvaises) habitudes

L’avenir, c’est justement ce qui inquiète le plus dans le cas des Bleues, que la majorité des fans et spécialistes (entraîneurs, joueuses ou ex-joueuses, journalistes) voyaient remporter cet été le premier trophée de l’histoire de leur sélection. Forcément marquée par ce nouveau revers des Bleues, la gardienne Laetitia Philippe, qui était du voyage en tant que remplaçante de Sarah Bouhaddi, et contactée par téléphone alors qu’elle profitait du repos qui lui a été accordé après une longue saison, explique son étonnement : «On sentait qu’on avait un groupe soudé, avec une très bonne ambiance, que tout le monde avait envie de faire quelque chose cette année ! Depuis le début de la préparation et même au cours de la saison, on sentait que tout le monde était concerné. Mais il manque toujours ce petit truc pour réussir à aller plus loin». Si elle affirme que les Bleues n’ont pas été surprises par le niveau de jeu affiché par ses adversaires, la portière du MHSC avance l’hypothèse de la fatigue, après une longue saison qui a vu deux clubs français s’affronter en finale de la Ligue des champions.

 

 

Et celle-ci de se rappeler les douloureuses dernières minutes de la compétition qu’elle a vécue sur le banc : «En étant sur le banc on se sent impuissante, on les voit et on a envie de rentrer sur le terrain pour aller les aider. On sentait cette envie d’y aller de notre part, mais est-ce que c’était un problème mental, physique ?», s’interroge-t-elle. Toujours est-il qu’à deux ans de la Coupe du monde en France, cette situation interpelle : «On a une équipe de grande qualité avec de jeunes joueuses très prometteuses qui arrivent comme Grace Geyoro. Mais qu’est-ce qui cloche ? Quand on a tout pour gagner et que ça ne passe pas…. Il faut se poser les bonnes questions», assène l’ancienne milieu de l’OL et du club pailladin, Melissa Plaza. Alors qu’on vantait, avant le début de la compétition, leurs nouvelles règles de vie et leur cohésion retrouvée, les Bleues n’ont pas su répondre sur le terrain. Il y a eu trop de déchet technique et pas assez de remontées de balles en bloc. Médaillé d’argent au Jeux Paralympiques de Londres en 2012, le joueur de Cécifoot Yvan Wouandji se désolait pendant la compétition : «En 2012, sous Bruno Bini, lors des JO, et un peu après, j’aimais bien notre style de jeu. Il y avait un côté espagnol, on montait beaucoup vers l’avant, les joueuses touchaient le ballon… Là elles jouaient un peu avec le frein à main, de manière timide».

 

Problème mental, et/ou physique ? 

 

 «Je sais que parfois c’est difficile de se remuer, de se dire : « Aller, il faut le chercher », et j’imagine bien que dans leurs têtes, elles s’arrachaient pour essayer de revenir, mais on ne le ressent pas. Alors est-ce que c’est parce qu’il manque quelque chose au niveau du collectif ? Est-ce qu’on se repose trop sur l’autre ?», se demandait notre consultante Sandrine Dusang à l’heure de dresser un bilan de ce parcours à nouveau décevant. Plus qu’une nouvelle élimination en quart de finale, cette sortie de route prématurée, qui a vu la fin de l’aventure de Camille Abily en équipe nationale, a aussi fissuré les rapports de cette équipe aves des supporters mécontents sur plusieurs points. Dont la communication d’Olivier Echouafni, parfois inattendue voire carrément incomprise, comme après le quart de finale perdu face à l’Angleterre (1-0), où l’ancien milieu niçois déclarait : «C’est difficile à accepter, on aurait mérité mieux (…). Je suis surtout déçu par la qualité de jeu de nos adversaires». Une réaction qui aura occasionnée de nombreux commentaires. Toujours est-il que la France manque encore d’adresse dans les deux surfaces. Elle n’a pas su proposer un jeu léché comme celui des Pays-Bas, n’a pas eu l’insolente réussite des Anglaises, et a montré de trop nombreux signes de fébrilité en défense pour être aussi solide que l’Autriche. En plus de tout ça, il a manqué de joueuses de caractère, capables de porter l’équipe comme l’ont fait par moments Abily, Henry et Renard. Bref, le chantier est immense et il faudra espérer que le soutien du public tricolore, que la Fédération va désormais s’atteler à faire prospérer, soit au rendez-vous pour transcender une équipe qui nous laisse jusqu’ici un sentiment de gâchis.

 

Des gardiennes en porte-à-faux…

Le grand point noir de cet Euro restera le débat sur le niveau des gardiennes, suite aux trop nombreuses boulettes des portières dans cet Euro. Un impact qui se traduit dans cette statistique : Sur les 68 buts inscrits aux Pays-Bas, 12 ont été directement concédé suite à une grosse erreur du dernier rempart. Mais il faut rappeler que nombre de ces erreurs ont été commises lors de la phase de poule, puisqu’à compter des quarts de finale, les portières ont été presque irréprochables. «Ce n’est pas nouveau que les gardiennes soient pointées du doigt, tempère Melissa Plaza. Mais il ne faut pas se leurrer ! Sur cette compétition, on a vu des erreurs inacceptables à ce niveau-là. Maintenant c’est le jeu aussi, une fois qu’on est médiatisées, on se doit d’être à la hauteur et sur cette compétition en tout cas, j’ai trouvé que les gardiennes ont été le talon d’Achille. C’est dommage, ça fait du mal aux filles dans cette pratique parce qu’on est décrédibilisées, alors que je pense que ce sont d’excellentes gardiennes», se désole l’ancienne Guingampaise.

 

«Les critiques étaient abusées»

 

 

De son côté, Laetitia Philippe tempère : «Dès qu’on fait une boulette ça se voit tout de suite parce que généralement dans la foulée il y a but. Le poste veut ça, c’est beaucoup plus exposé, on a beaucoup plus de responsabilités. Dès qu’on passe au travers ça se voit tout de suite par rapport à un milieu de terrain qui, s’il rate une passe, ne se verra pas directement puisque le ballon peut être récupérer derrière. Mais les critiques étaient abusées et je trouve que c’était un peu s’acharner sur les gardiennes de but». «Techniquement je pense que le niveau est bon, on voit qu’elles bossent bien, elles essayent de garder le plus possible le ballon et restent en majorité très concentrées, décrypte Dominique Deplagne, entraîneur des gardiennes à Montpellier. La difficulté vient de spécificités propres aux féminines. Elles n’ont pas la puissance, la détente ou l’explosivité qu’on peut voir chez les hommes. Je trouve qu’il y a eu beaucoup d’erreur sur les ballons aériens, hauts, pas forcément des centres mais des frappes aussi», remarque l’ancien entraîneur chez les hommes, qui fait remarquer que «la taille commence à devenir importante».

Philippe acquiesce : «Au poste de gardienne ça se ressent tout de suite, parce que le but fait la même taille que chez les hommes alors que les gardiennes sont plus petites». Une donnée essentielle puisque là où des goals comme Manuel Neuer, du haut de son mètre 93 et Thibault Courtois, qui atteint presque les 2 mètres (1m99), peuvent couvrir plus facilement la surface d’un but, la gardienne espagnole Sandra Panos (1m69) ou encore Sarah Bouhaddi (1m75) doivent se remuer d’avantage. «Dans le travail, on essaye de faire en sorte de compenser ce manque de puissance et d’explosivité par des exercices de placement et de déplacements, afin qu’elles soient à l’aise», explique Deplagne, alors que l’ensemble des observateurs sont d’accords pour dire qu’au final, le niveau général est sur une pente ascendante.

 

L’arbitrage aussi a fait parler

L’autre sujet de débat autour de la compétition a été, comme bien souvent, le niveau de l’arbitrage. Comme lors du premier match des Bleues où les décisions de l’arbitre italienne Carina Vitulano avaient fait parler. But refusé pour hors-jeu inexistant, sévérité par toujours bien dosée… Les arbitres de cet Euro ont parfois pêché mais le niveau global est, encore une fois, encourageant. «J’ai trouvé que c’était plutôt bien, raconte Melissa Plaza. De toute façon c’est toujours facile d’aller sur l’arbitre. Je pense qu’il faut avant tout se centrer sur soi et laisser l’arbitrage de côté ne pas compter la dessus et compter sur son équipe et sur soi-même». Pour notre consultante Sandrine Dusang, «on a vu du bien et du moins bien. Je ne sais pas si ce n’est qu’en France ou si les gens ont aussi eu cette impression à l’étranger, mais plus ça va moins on laisse passer de choses au niveau de l’arbitrage. On sait que ça peut avoir des conséquences énormes sur un match mais il faut aussi se dire que les arbitres ont le droit à l’erreur, à moins qu’on leur mette la vidéo. Nous nous sommes à la télé, on voit les ralentis, avec un point de vue différent… Il y a eu de grosses erreurs, c’est sûr, mais on a aussi eu un bon arbitrage». Surtout celui de la Française Stéphanie Frappart, au sifflet lors de la demi-finale entre les Pays-Bas et l’Angleterre. Une bonne nouvelle pour l’Hexagone.

 

Un bilan mitigé

La fin de la compétition et l’engouement extraordinaire qu’a suscité le premier titre européen des Pays-Bas, ne fera pas oublier un début de compétition légèrement plus morose. De nombreux fans et observateurs on fait remarquer à plusieurs reprises le manque de public lors des matches de poules, où l’affluence était évaluée à 6 000 spectateurs de moyennes. «Là où c’est compliqué dans ce genre de compétition c’est de ramener du monde dans les matches où l’équipe hôte n’est pas toujours concernée», observait pour Foot d’Elles Sandrine Dusang, tandis que la créatrice du FCF Juvisy, Annie Fortems, expliquait : «Attention à l’idéalisation du foot féminin qui devrait remplir les stades. On ne peut pas lui demander ça, on ne le demande à aucun autre sport. Il ne faut pas que le taux de remplissage devienne un objectif et qu’on mette ça sur le dos des filles».

 

 

Des supporters attendus

 

En 2019, la Coupe du monde devra tout de même poursuivre le développement de la discipline en parvenant à accueillir toujours plus de supporters, et de téléspectateurs. Pour Marie-Christine Terroni, ancienne présidente du club et désormais à la tête de la section féminine du Paris FC suite à la fusion entre la « Juv' » et le PFC, cet Euro pourrait jouer un rôle clé dans ce succès : «Les gens regardent et surtout apprécient ce football féminin. Ça leur donne envie de recevoir la Coupe du Monde ! Certains me disent qu’ils ont hâte suite à ce qu’ils ont vu à l’Euro», disait-elle au cours de la compétition. Au total, 240 045 spectateurs se sont massés tout au long de la compétition pour voir les match, contre 216 888 en 2013. Sur les réseaux, plus de vingt millions d’interactions sur les réseaux sociaux ont eu pour objet l’Euro, alors que de nombreux pays ont battu un record de téléspectateurs, avec des parts d’audience jusqu’ici jamais atteintes. Mais la percée n’a pas eu vraiment lieu en France où la finale n’a attiré que 1,2 million de personnes sur France 2, alors que les scores (d’audience) réalisés par l’équipe de France en début de compétition étaient encourageants.

 

Du beau jeu, mais aussi beaucoup de déchet

 

Sur le plan du jeu, hormis donc le débat suscité par le niveau des gardiennes, les bonnes surprises ont afflué. En plus de résultats surprenants, le niveau affiché par certaines nations a surpris, tandis que des équipes comme l’Angleterre ou l’Espagne ont confirmé leur maîtrise tactique et technique. Mais il ne faut pas nier que l’Euro a aussi connu beaucoup de déchet technique, comme s’en désole Melissa Plaza : «En termes de qualité de jeu, si je devais être objective, je dirai qu’on s’attendait à beaucoup mieux. Lors de la finale, les Hollandaises ont montré aux grosses nations qu’il fallait continuer de travailler parce qu’on pouvait vite se faire rattraper. Globalement je suis quand même déçue parce que c’est l’une des premières fois où le foot féminin est diffusé à une heure de grosse audience, sur de grandes chaînes, et donc on attendait d’elles qu’elles confirment et fassent mieux, que ce soit l’équipe de France ou les autres». Des chocs comme celui entre l’Allemagne et la Suède en phase de poule, diffusé à 21 heures sur France 3, n’ont donc pas forcément rehaussé l’image de la discipline. Mais le niveau de jeu affiché en demi-finale par les Pays-Bas et l’Angleterre, puis le Danemark au tour suivant, est surtout venu rappeler que les promesses étaient nombreuses et qu’on se languissait déjà de devoir attendre 2 ans pour revivre dans une atmosphère aussi grisante.

 

Credits photo : Getty Images

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