La Tunisie cherche son modèle

Répertoriée comme « inactive » par la Fifa depuis deux ans, la Tunisie n’existe pas vraiment sur la scène internationale du football féminin. Mais depuis quelques années, la Fédération tunisienne met en place un projet structurel à long terme. Plus récemment, le virage a été pris de construire une grande équipe nationale qui servirait de modèle.

 

 

 

 

Au classement Fifa, la Tunisie est déclarée « inactive depuis plus de dix-huit mois, et pour cette raison non classée ». La sélection ne figure donc pas parmi les 140 premières nations mondiales de football féminin. Mais cette situation pourrait rapidement évoluer.

Avoir une belle locomotive

De l’autre côté de la mer Méditerranée, le football féminin connaît ses débuts en 2004 avec la création de six à huit équipes seniors. Face aux difficultés culturelles, et pour faire naître des vocations et développer une base solide par la suite, la Fédération tunisienne de football (FTF) a donc fait le choix de la pyramide inversée. L’équipe nationale doit désormais être performante et décrocher dans un avenir plus ou moins proche des trophées ou tout du moins s’illustrer pour la première fois dans une Coupe d’Afrique des Nations. Pour atteindre ces objectifs, au-delà du vivier local, les responsables tunisiens décident en 2015 d’aller chercher des joueuses bi-nationales évoluant à l’étranger et notamment en France. 80 à 90 éléments auraient été prospectés un peu partout. « On a eu parfois des refus car certaines joueuses n’étaient pas prêtes, d’autres voulaient s’imposer dans leurs clubs, mais la plupart nous ont dit oui », confie Sofiane Soltani, agent missioné par la FTF. Dans cette démarche, seules les joueuses disposant d’une double nationalité, et n’ayant pas encore joué avec l’équipe nationale senior du pays où elles vivent, peuvent être sélectionnables.

 

Ambassadrices de leur pays

En France, le vivier au haut niveau n’est pas impressionnant en nombre. Clubs de D1 et de D2 cumulés, six joueuses possédant la bi-nationalité ont été repérées, ont déjà joué ou ont été convoquées récemment pour des stages avec la sélection*. Lors du dernier stage en décembre, trois joueuses bi-nationales étaient présentes. Dont la Marseillaise Islem Ben Chaabane (ndlr : déjà convoquée en mai 2015 où la sélection avait battu l’Egypte 2-0 en match amical)  : « J’ai été étonnamment surprise des structures mises en place autour de la sélection. Nous avions un préparateur physique, un docteur, et le sélectionneur. Il y a du potentiel dans cette sélection. Il y a des joueuses qui transpirent le foot, qui donneront chair et sang pour défendre les couleurs de leur patrie ».

Pour sa coéquipière à l’OM, Hadia Ben Abdelghani, la découverte a été exceptionnelle : « Cela m’a en quelques sortes redonner goût au foot. Ce n’est pas que j’avais perdu la passion mais l’expérience humaine est énorme. Chanter l’hymne pour la première fois avec le maillot national a été un moment très émouvant. Désormais, je tente de promouvoir le football féminin en Tunisie. »

 

Le chemin est encore long

Au début des années 2000, c’était encore très compliqué de jouer au football en Tunisie pour une femme. Manel Fayouka, ancienne joueuse tunisienne se souvient que « c’était un combat de tous les jours pour jouer au foot ». « Il n’y avait pas d’importance donnée au football féminin, pourtant on a des talents dans notre pays ». Pour elle, depuis, « la mentalité n’a pas évolué ». A la Fédération, on en est convaincu : « La Tunisie est le pays arabe le plus apte à développer le football féminin ». Pourtant dans un pays où des championnes de boxe ou des équipes de basket se sont déjà illustrées, le football féminin a pris du retard. « Les filles commencent tard à jouer ici au foot. Ce n »est pas encore bien ancré dans la culture. Mais il suffit d’un bon résultat pour attirer les regards », concède Kamel Kolsi, directeur technique national. La Fédération impose désormais aux clubs une formation pour les entraîneurs en collaboration avec la Fifa. Elle les encourage à embaucher des entraîneurs diplômés et prend en charge le salaire d’un coach par structure. Le budget alloué à chaque club a été multiplié par quatre pour atteindre aujourd’hui 12 000 dinars (environ 5400 euros).

 

Aujourd’hui, il existe deux divisions de dix équipes mais « c’est trop peu » selon le DTN qui rêve d’un championnat de première division sponsorisé. Il faudra d’abord rattraper le retard sur les autres nations africaines notamment le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou encore le Nigeria. Pour l’instant, la Tunisie compte 1 200 licenciées., malgré les six centres de formation qui se sont créés, il y a donc des déserts footballistiques, des régions sans club. Et même Hadia Ben Abdelghani ne connaissait pas l’existence d’une équipe nationale malgré ses nombreux retours dans sa ville natale de Sousse chaque été. Pour attirer les médias, la Fédération offre gratuitement la diffusion des matches comme la finale de la Coupe nationale. Ce qui ne séduit pas toujours. Pourtant les filles jouent dans les mêmes stades que les garçons, le problème logistique de la production ne se pose pas.

Pour enclencher un cycle « foot féminin » dans le pays, un élément, de taille, aidera : gagner un titre. En attendant, chaque jour qui passe est une pierre de plus à l’édifice. Mais la prochaine marche décisive pour l’avenir du football féminin tunisien sera très certainement le match de qualification pour la Coupe d’Afrique des Nations en mars face au Burkina-Faso. Si les Aigles de Carthage parviennent à se qualifier ce sera une première historique.

 

 

 

*A l’heure actuelle seules Ella Kabaachi (Rodez), Monia Neffati (FF Issy), Leïla Maknoun (FF Issy), Meryem Derkaoui (FAMF), Hadia Ben Abdelghani (OM) et Islem Ben Chaabane ont été repérées au sein des équipes de D1 et D2.

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