La chasse au Fafa est ouverte !

La Fédération Française de Football prévoit de distribuer 15 millions d’euros aux clubs, districts et ligues du football amateur, à travers son Fonds d’aide au football amateur, ou FAFA pour les intimes. Rien à voir avec Fafa l’Écureuil (Laurent Fabius dans le Bébête show), sauf qu’il s’agit ici de noisettes. Mais pour parvenir à faire tomber les noisettes du noisetier, les clubs amateurs doivent faire preuve d’un minimum de professionnalisme. Voici pourquoi.

 

 

Depuis 2002, la Fédération Française de Football aura distribué plus de 250 millions d’euros au football amateur dans son ensemble, y compris en direction des clubs amateurs de D1 et D2 féminine. La somme, pour énorme qu’elle apparaisse, mérite d’être relativisée. Notons d’emblée que l’enveloppe 2017-2018 de 15 millions concerne potentiellement 17 000 clubs amateurs, 90 districts et 22 ligues métropolitaines et ultramarines. En divisant la subvention par le nombre de clubs amateurs, cela donne huit cent quatre-vingt-deux euros et trente-cinq centimes par club. Oui, le Fafa distribue en moyenne 882 € par club si l’on ne s’embarrasse pas de décimales.

 

Des clubs amateurs de Volkswagen

Que subventionne le Fafa ? Des infrastructures et équipements sportifs ou extrasportifs, des moyens de transport et des emplois. Pour les équipements, le Fafa donne dans le classique et plus volontiers dans le moderne en finançant des terrains pour les nouvelles pratiques footballistiques, par exemple le foot5, le foot8, le futsal. L’éclairage des installations n’est pas oublié (projecteurs à LED), non plus que certains locaux associatifs de type club-house. Pour les transports, un aperçu des véhicules subventionnés semble accorder une préférence aux minibus de marque Volkswagen. Comme cela, les footballeuses qui passent professionnelles et orientent leur carrière vers l’Allemagne ne seront pas dépaysées.

 

Et puis il y a aussi – et surtout ? – les aides à l’emploi. On ne parle pas ici d’aide à l’emploi des footballeuses ou footballeurs qui voudraient conjuguer une pratique sportive intensive et un emploi rémunéré. C’est strictement interdit par le cahier des charges : le Fafa n’a pas vocation à rémunérer des personnes qui pratiquent le football à temps complet. Il s’agit en fait de soutenir la création de postes de responsable administratif ou sportif assortis d’un contrat à durée indéterminée (vacataires et stagiaires s’abstenir) et à temps plein. En revanche, l’aide du Fafa à la création et à la pérennisation de ces emplois peut être octroyée, pour un même poste, à hauteur de 10 000 euros la première année et jusqu’à quatre années consécutives, quoique d’une manière dégressive.

 

Moyenne, médiane et clopinettes

Comment expliquer que les noisettes peuvent atteindre 10 000 euros pour un club amateur alors que la moyenne des subventions aux clubs plafonne à 882 euros par club amateur ? C’est toute la différence entre une moyenne et une médiane. La médiane est ici très largement inférieure à la moyenne, ce qui réduit d’autant la signification du chiffre moyen. Si vous distribuez à cinq bénéficiaires un total de 100 noisettes à raison de 1 + 2 + 3 + 4 + 91, la moyenne sera de 20 (100 noisettes divisées par 5 parts) alors que la médiane sera de 3 (une moitié du nombre de parts est supérieure et l’autre moitié est inférieure). Autrement dit, pour un club amateur qui touche 10 000 euros dans l’année, il y a des dizaines de clubs qui ne touchent rien ou presque.

 

Si tous les clubs amateurs susceptibles de recevoir une subvention en obtenaient le montant maximum, nul doute que le noisetier en perdrait toutes ses noisettes. Heureusement pour l’équilibre psychologique (et comptable) du noisetier, le Fafa a trouvé la martingale qui lui évite toute distribution excessive de noisettes ! Une martingale qui ne coûte pas plus cher qu’un dictionnaire : il suffit au Fafa d’employer un vocabulaire adapté, et le – mauvais – tour est joué. Prenons le document du Fafa sur le « Fonds d’aide au football amateur, chapitre “Emploi”, soutien aux clubs amateurs créateurs d’emplois, période 2017-2021 ». C’est un intitulé très long, donc très difficile à mémoriser. Avant même que l’on parvienne à suggérer au président du club une demande de subvention au titre de… on a oublié de quoi il s’agit et sur quoi porte la subvention.

 

Comminatoire, mon cher Watson

Les obstinés qui voudraient lire ce même document jusqu’à la fin se heurtent à une formulation comminatoire visant à effrayer le commun des mortels. Le verbe « devoir » et ses dérivés y sont employés dans chaque phrase paire (ou impaire, selon qu’on lit le document du début jusqu’à la fin ou en commençant par la fin). En partant du début, on lira ainsi successivement « doit répondre », « doit présenter », « doit rendre », « doivent obligatoirement », « doivent nécessairement », « doit être obligatoirement », et ainsi de suite. Quand le devoir s’absente pendant quelques phrases, il est aussitôt remplacé par une volée d’adjectifs et d’adverbes tous plus intimidants les uns que les autres.

 

 

La liste des formalités inclut l’obligation d’apposer des signatures manuscrites, les impétrants prouvant ainsi les aptitudes fonctionnelles de leur bras (être capable de signer) et de leur cerveau (comprendre la nécessité d’une signature manuscrite). Nul ne serait mieux à même de rédiger et compléter une demande de noisettes au Fafa que la personne dont la création de poste sera subventionnée. Mais comme le poste n’est pas créé puisqu’il n’a pas encore de subvention garantie…

 

C’est ainsi que l’on obtient une moyenne pas du tout médiane de 882 euros. Et l’on comprend, par la même occasion, à quoi correspondent 15 millions d’euros pour un océan de 17 000 clubs amateurs.

 

Grands noisetiers, petites noisettes

Ce ne sont pourtant pas les noisetiers qui manquent. Le Fafa est en effet alimenté par les noisettes de la FFF, mais aussi par celles de la Ligue de football professionnel (LFP) et même par le programme Hat Trick de l’UEFA. L’honnêteté oblige à dire que les subventions du Fafa servent souvent de complément à d’autres subsides municipaux, départementaux, régionaux, etc.

 

Il n’empêche. Quand la documentation officielle du Fafa affirme que la LFP fournit des noisettes « par solidarité avec le football amateur », on suppute soit une erreur sémantique, soit un déni de noisettes. Car des noisettes, il y en a, comme l’atteste l’indice des prix. Si l’on se réfère à l’indice mbappé-transaction (montant payé pour la location d’un joueur hors bonus), le Fafa 2017-2018 dépasse à peine les 10 % du mbappé-transaction. Et si l’on se réfère au mbappé-location (prix de 600 mètres carrés dans un quartier où vivent peu d’inconnus), le Fafa n’est vraiment pas surcoté.

 

La « solidarité » de la LFP plafonne sa cargaison de noisettes à 10 % du mbappé-transaction. Si la LFP remplaçait sa « solidarité » par de la « générosité », pourrait-on imaginer une avalanche de noisettes jusqu’à 3à % ou 50 % du mbappé-transaction ?

 

Faut-il encore faire la distinction entre Fafa et Fafa. Car dans le Fafa foot amateur 2017-2018, il y a aussi le Fafa foot amateur féminin. C’est marqué dans le document officiel. « Une attention toute particulière sera portée aux dossiers s’inscrivant dans le plan de féminisation initié par la Fédération », par exemple pour la création d’un poste de responsable sportif et les « actions de féminisation » que cela implique.

 

Quel pourcentage de noisettes le Fafa alloue-t-il au football féminin ? Faute de données plus précises, on ignore si les clubs amateurs de D1 et D2 féminine reçoivent plus de 882 euros ou moins, et si leurs comptables jonglent – balle au pied – avec une moyenne ou une médiane.

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