Janine Van Wyk, héroïne africaine

Elle est la première sud-africaine à évoluer au sein de la NWSL, avec le Houston Dash. Mais bien plus que son brassard de capitaine ou de cette particularité, Janine Van Wyk est une légende et une figure engagée dans le football en Afrique du Sud. Portrait !

Pionnière

C’est une pionnière. Lorsque Janine Van Wyk commence à jouer, il n’existe pas d’équipes féminines à proprement parler. Même à Johannesbourg. Pourtant, regarder son oncle évoluer au niveau professionnel inspire Van Wyk à se mettre à jouer, à 6 ans. Il faut donc composer. Jusqu’à ses 14 ans, elle joue uniquement avec des garçons et s’incruste dans des matches avec son cousin. Elle doit par la suite trouver une équipe féminine pour pouvoir continuer. Mordue par le football, elle ne lâche rien.

A Johannesbourg, aucune équipe. Van Wyk s’obstine et trouve des équipes dans des régions plus rurales. Ce qui ne signifie de nouveaux obstacles pour la jeune fille.

L’Afrique du Sud sort à peine de l’Apartheid et Van Wyk est issue de la communauté blanche. Le football est un sport populaire chez la population noire. Forger un lien entre ses coéquipières et elle est compliqué. “Elles ne m’ont pas acceptée jusqu’à ce que je prouve que je venais juste pour jouer au football.” Aujourd’hui capitaine avec plus de 130 apparences pour les Banyana Banyana, elle fait de la diversité des cultures la force de l’équipe nationale sud-africaine, après l’avoir menée par deux fois aux Jeux Olympiques.

Janine Van Wyk ne s’arrête pas là : elle est aussi ouvertement homosexuelle, et ce depuis ses 15 ans. Son coming out est loin de faire l’unanimité dans sa famille, mais elle finit par l’accepter et devenir un soutien pour Van Wyk. Et même si l’Afrique du Sud légalise le mariage homosexuel une décennie avant les US, elle qui enchaîne sa seconde saison avec le Houston Dash souligne que le pays est encore loin d’accepter toutes ses différences : “une de mes équipières a été assassinée par ses amis, parce qu’elle était gay. C’est toujours difficile de marcher main dans la main avec sa compagne ou son compagnon. Mais les choses changent à travers le monde.” Les nombreux drapeaux LGBTQA+ qui peuplent les tribunes des stades américains sont là pour en témoigner.

Guerrière

Ferme militante pour l’égalité, combattive et combattante, Van Wyk a tout pour devenir une figure de proue dans le football pratiqué par les femmes en Afrique du Sud. A 18 ans, elle intègre l’équipe senior de l’Afrique du Sud et y fait ses armes. Si l’équipe des Banyana Banyana ne dépasse jamais les phases de poule aux JO et ne s’est jamais qualifiée pour la Coupe du Monde, c’est sous le leadership de Van Wyk qu’elle sécurise ses deux tickets pour les JO. En 2012, elle transforme un coup franc et marque le seul but d’une rencontre Afrique du Sud – Nigeria, où les Banyana Banyana remportent pour la première fois de leur histoire un match contre les Super Falcons.

En 2017, Van Wyk quitte son Afrique du Sud natale pour se diriger vers les US, dans l’équipe alors coachée par Randy Waldrum. Une surprise pour elle, qui s’était un peu résignée à ne jamais jouer à l’international : “vous savez, après 27 ans, les chances de voir ce genre de rêve se réaliser”. Elle mène les Banyana Banyana contre les USA dans un match amical juste avant Rio 2016 et c’est à ce moment qu’elle est repérée. Si elle ne parvient pas à faire basculer le match, sa vaillance sur la ligne de défense tape dans l’oeil des recruteurs du Houston Dash.

En passant la frontière continentale, Van Wyk découvre aussi une culture soccer totalement différente. Une folie sportive qui soulève les foules aux US. Elle se souvient par exemple d’une confrontation contre les Portland Thorns et ses 22 000 supporters dans le stade de Providence Park. Mais aussi des défis auxquels elle se retrouve à nouveau confrontée dans ce pays inconnu : “Personne n’est venu me chercher quand je suis arrivée à Houston pour mon premier jour d’entraînement. J’imagine que mes équipières n’avaient aucune idée de qui j’étais. Peut-être qu’elles s’en fichaient, au fond. Aux US, vous devez gagner le respect de vos pairs.” Et le respect, elle le gagne. Avec une éthique irréprochable, de la confiance et beaucoup de travail. “Aux USA, tout va très vite, j’ai dû mettre l’accent sur mon physique et ma fitness.” C’est ce qui lui vaut de se retrouver à cirer le banc un moment, la saison passée. Van Wyk s’est battue pour retrouver une place dans le XI de départ.

Elle n’oublie pas non plus sa chance : “Sans l’exposition dont j’ai bénéficié en jouant contre l’équipe nationale à domicile, je n’aurais jamais été recrutée”, souligne Van Wyk. Elle travaille donc avec un analyste vidéo pour pouvoir montrer aux US et à la NWSL le potentiel des jeunes joueuses de l’Afrique du Sud, pour augmenter leur exposition, absolument nulle aux USA. Ce travail a porté ses fruits, puisque non seulement Randy Waldrum a été remplacée par la néerlandaise Vera Pauw, ancienne coach de l’équipe des Oranje et de l’Afrique du Sud, mais que le recrutement s’est étendu à d’autres joueuses sud-africaines.

Inspiration

Mais si son travail commence à être visible aux USA, peu sont ceux qui, à l’international, connaissent l’importance de Janine Van Wyk dans son pays natal. Extrêmement impliquée, elle se fiche des récompenses : seul le futur lui importe. Elle le montre avec un programme qu’elle a elle-même fondé, qui comporte une ligue au niveau scolaire et une équipe pro, qui évolue dans la Sasol League, la première division féminine d’Afrique du Sud.

Son programme permet d’ouvrir le football au plus grand nombre, dès l’âge de 9 ans. La ligue écolière, la JvW school League, permet de repérer les talents, mais aussi promouvoir un mode de vie sain et sportif auprès de toutes, sans faire de différence culturelle ou éthnique. A travers ce programme, Van Wyk cherche à offrir une plate-forme professionnelle aux jeunes filles, avec des partenariats avec des instances éducatives, comme le Varsity College qui dispose de 8 campus répartis à travers le pays, permettant ainsi aux joueuses l’accès à une éducation de qualité. La ligue comprend une douzaine d’équipes, jusqu’à 140 filles de la province de Gauteng. Elle a également ouvert la porte des sélections nationales à certaines jeunes qui ont joué dans la Ligue.

Le JvW Football Club, créé en 2013, est l’équipe officielle du programme. Van Wyk fait l’acquisition de Mondeor et le renomme, après avoir quitté le club de Palace Super Falcons – alors champions en titre de la Sasol – pour poursuivre son rêve et sa vision du football pratiqué par les femmes. “J’ai souhaité acheter Mondeor à cause des structures qui sont déjà en place. J’ai une vraie passion pour le développement et c’est l’occasion d’offrir aux jeunes des opportunités de travailler pour pleinement réaliser leur potentiel en tant que joueuses.” Et ce sont les meilleures joueuses de la JvW League qui endossent le maillot, en toute logique.

A 31 ans, Janine Van Wyk a encore de beaux jours devant elle dans le milieu du football, même si son temps est compté sous l’uniforme national. Et encore un exemple, s’il y en avait besoin, que le plus difficile pour une personne qui aime la dure labeur et l’adversité, est de s’arrêter.

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Crédits images : Houston Dash, soccerladuma, Bedfordviewedenvalnews, sport24seven

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