Iran : premières supportrices dans des stades depuis 37 ans

La question féminine à travers le monde est complexe. Si le sport est une plateforme importante dans l’avancée des représentations et des droits, on le perçoit souvent à travers les athlètes. Mais peu se penchent sur le cas des fans, alors que l’Iran permet, pour la première fois en 37 ans, aux femmes de pouvoir assister à un match de football. C’est historique mais c’est aussi une nouvelle démonstration que la route est encore longue.

37 ans d’absence des stades d’Iran.

En mars dernier, trouble à la FIFA : sous les yeux du président Gianni Infantino, venu assister au débit téhéranais, des femmes sont arrêtées par la police. Leur crime ? Vouloir assister au match. C’est d’autant plus scandaleux que, quelques heures plus tôt, Infantino tenait un discours sur la nécessité de ne pas instrumentaliser le football à des fins politiques. Or, quoi de plus politique, social et culturel, que d’empêcher des femmes d’assister à un match basé sur une discrimination de genre ? Ces différends entre la position de la FIFA et le régime iranien ne datent évidemment pas d’hier, avec déjà des observations formulées à l’égard des autorités iraniennes, de la part de l’ancien président de la FIFA, le suisse Sepp Blatter.

Sous le tollé venu tout droit des internets, Infantino, de retour en Suisse pour la conférence sur l’égalité annuelle de la FIFA, se fend d’une lettre, promettant que les choses vont bouger. Il l’affirme à nouveau dans son discours d’ouverture, avec, entre les lignes, la promesse que les choses évolueraient. En effet, aux yeux d’Infantino comme de beaucoup de monde, ce problème n’est qu’une goutte dans l’océan du traitement des femmes à travers le monde. Et dans des pays où, culturellement, cette discrimination est profondément ancrée et dictée par les plus hautes instances, le changement ne se fait pas du jour au lendemain. Infantino rappelle qu’il s’est entretenu avec le président Iranien pour que les femmes puissent enfin accéder au stade et apprécier les matches comme n’importe quelle personne. Evidemment, les promesses n’engagent que ceux qui y croient et il était facile de se dire que c’était encore un coup de com de l’italien Infantino.

Levée des interdits.

Mais finalement, ce 20 juin 2018, l’interdiction est levée et les iraniens, hommes et femmes, ont pu assister au match de leur équipe nationale contre l’Espagne pour la Coupe du Monde – enfin, assister virtuellement, puisqu’il s’agissait d’une diffusion dans un stade iranien -. Ca ne s’est pas passé tout à fait calmement, puisque des policiers ont d’abord repoussé les supportrices, jusqu’à ce que le ministre de l’intérieur iranien, Abdolreza Rahmani, intervienne en personne pour autoriser les supportrices à poursuivre leur chemin vers le stade.

Le capitaine espagnol, Sergio Ramos, ambassadeur de l’UNICEF, s’est fendu d’un tweet : “Les vraies gagnants du match, ce sont elles. En espérant que cela soit le début d’une longue série.” Il est rejoint par le capitaine iranien lui-même, même si l’on sent des brides assez tendues, puisque c’est le seul joueur de l’équipe à avoir fait part de son soutien. S’il soutient le changement, il a par la suite confié à la presse qu’il “est irrespectueux de parler de cela pendant ce tournoi. Je préfère régler cela en famille. Si par la suite nous avons l’occasion d’en reparler, nous le ferons.” En Iran, on lave son linge sale en famille.

Pourtant, bien avant le mouvement mondial du #MeToo et des scandales qui ont mis le feu aux poudres, l’exclusion des femmes est devenu un sujet de préoccupation de la société iranienne majeur. Les réseaux sociaux ont par la suite nourri les discussions. Certaines sont devenues des activistes. D’autres se sont travesties en hommes afin de pouvoir passer les barrières. Toutes font de leurs venues au stade un acte politique.

Plus étonnamment, les pays voisins, comme la Syrie ou l’Arabie Saoudite, pourtant peu réputés pour leurs préoccupations féministes, ont ouverts leurs stades aux femmes. C’est peut-être aussi un point de bascule : la candidature de l’Iran pour l’organisation de la Coupe d’Asie, qui se tient tous les quatre ans, a été écartée au profit du rival des Emirats Arabes Unis. Et, aussi mesquin que cela puisse paraître, cet objectif pourrait “motiver” l’ouverture de certains esprits.

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