Hoda Lattaf : « C’est une année de transition pour Montpellier »

Charismatique, talentueuse et buteuse hors pair, Hoda Lattaf est sans aucun doute l’une des meilleures attaquantes qu’ait connu le football féminin français. Un talent immense, dont l’Équipe de France emmenée par Bruno Bini s’est curieusement passée au fil des années. Pour Foot d’Elles, Hoda Lattaf revient sur ce sombre épisode ainsi que sur son passé en Équipe de France, son attachement à Philippe Begerôo, sa vie en club et son avenir. Interview.

 

 

Vous avez été cinq fois championne de France, trois fois avec Lyon, deux fois avec Montpellier. Vous avez également remporté deux Coupes de France en 2006 et 2008. Quel est le titre qui vous a le plus marqué ?

Mon premier titre de championne de France avec Montpellier en 2004. Cette année-là, personne ne nous attendait, nous n’étions pas une équipe qui jouait le haut de tableau. Nous avions un excellent collectif composé de joueuses qui s’entendaient très bien entre elles, ce qui nous permit d’apporter le titre à Montpellier et au président Louis Nicollin qui avait monté un très beau projet avec cette équipe du MHSC.

Au cours de votre carrière, que ce soit en club ou avec l’Équipe de France, vous avez inscrit plus de 200 buts. Si vous deviez en ressortir un seul parmi ceux-là, lequel choisiriez-vous ?

(Hésitation) C’est difficile… Si je devais choisir mon plus beau but, je garderais peut-être celui face à La Roche-sur-Yon en quart de finale du Challenge de France au stade de la Mosson (Le Challenge de France est l’ancienne appellation de la Coupe de France NDLR). J’étais sur le banc au début du match avec Sonia Bompastor puisque nous revenions tout juste d’un rassemblement avec l’Équipe de France. A la pause, nous étions plutôt mal embarquées dans cette rencontre. Le coach montpelliérain de l’époque a décidé de nous faire entrer toutes les deux à la mi-temps. Nous avons fait la différence en seconde période et j’ai notamment inscrit un but en retourné acrobatique. Celui-ci était vraiment pas mal. A la Mosson en plus… J’en garde un très bon souvenir.

 

 

Vous avez évoqué l’Équipe de France précédemment. Vous comptabilisez 112 sélections en 10 ans de carrière. Pourriez-vous nous faire votre Équipe de France type toutes époques ?

Dans les cages, je mettrai Sarah Bouhaddi. En défense, Sonia Bompastor à gauche, Corinne Diacre et Wendie Renard en charnière centrale avec Emmanuelle Sykora sur l’aile droite. Milieux défensives, Amandine Henry et Camille Abily. Louisa Necib dans l’axe, épaulée par Eugénie Le Sommer à gauche et Élodie Thomis à droite. Enfin seule en pointe, je choisirai Anne Zenoni.

Vous avez fêté votre première sélection avec les Bleues le 22 novembre 1997 contre l’Italie, puis votre carrière internationale a pris fin brutalement en 2007 lorsque vous avez été mystérieusement écartée de l’Équipe de France par Bruno Bini. Que pouvez-vous nous dire sur cette exclusion ?

Je ne suis toujours pas certaine de connaître la raison de mon exclusion de l’Équipe de France. Les gens qui me connaissent savent comment je suis, je n’ai jamais offensé personne, que ce soit une joueuse ou un membre du staff. Ma non-sélection par Bruno Bini reste toujours plus ou moins un mystère, d’autant plus qu’entre son arrivée à la tête de la sélection en février 2007 et mon exclusion avant la rencontre face aux Pays-Bas en octobre, il m’avait titularisée à plusieurs reprises pour jouer d’autres matches. Il m’avait même nommée vice-capitaine de l’Équipe de France ; cela témoigne bien de la confiance qu’il avait placée en moi. Concernant la raison de mon exclusion, il est certainement question de ramadan dans l’histoire mais je ne peux pas l’affirmer à 100 %. Mes convictions religieuses n’avaient jamais posé problème à aucun de mes entraîneurs et sélectionneurs avant ça. Une chose est sûre, je n’ai jamais manqué de respect à Bruno Bini.

C’est quelque chose dont vous avez très peu parlé au cours de votre carrière. Pour quelle raison avez-vous choisi de rester silencieuse sur le sujet ?

Je suis quelqu’un de plutôt discrète, je ne fais pas de bruit. J’ai vu ça comme une épreuve à franchir dans ma vie, pour ma carrière. Une épreuve que j’ai d’ailleurs réussi à surmonter. Ça ne m’a pas empêché de briller en club par la suite. Pour moi c’est de l’histoire ancienne, même s’il est vrai qu’au final, Bruno Bini a brisé ma carrière internationale. Au-delà de mon cas personnel, c’est simplement dommage pour l’Équipe de France et son sélectionneur, qui avait toutes les cartes en main pour réussir. Ce qu’il n’a pas su faire, malgré le groupe exceptionnel qu’il avait en sa possession.

 

 

Pour terminer sur le sujet, pensez-vous que si un autre sélectionneur avait été à la tête de l’Équipe de France à la place de Bruno Bini, votre carrière internationale aurait continué ? Vous aviez le niveau pour en tout cas ?

Oui, assurément. D’autant plus que je faisais de bonnes saisons et que les personnes chargées de donner des noms à Bruno Bini pour qu’il puisse sélectionner des joueuses me citaient régulièrement. Je le sais puisque ces personnes, chargées de venir voir les matches, me le disaient après les rencontres. Mon nom était cité dans les rapports envoyés à Bruno Bini à l’époque, mais il faisait la sourde oreille…

Que pensez-vous de l’Équipe de France actuelle sous l’ère Philippe Bergeroo ?

C’est une très belle Équipe de France, qui a une génération formidable. Pour moi, cette équipe a le potentiel pour ramener un titre. J’aime beaucoup la philosophie de Philippe Bergerôo qui appelle régulièrement des jeunes pour leur donner goût à l’Équipe de France et au plus haut niveau. Même s’il appelle parfois des jeunes qu’il ne reprend pas forcément après, c’est une bonne chose car la joueuse va se fixer de nouveaux objectifs. Elle va se dire qu’elle y est arrivée une fois, mais que le plus dur désormais est de recommencer pour intégrer le groupe à nouveau. A côté de ça, il garde le noyau dur de l’équipe, qui apporte une stabilité au groupe. Je trouve ça très intelligent de sa part. J’apprécie beaucoup Philippe Bergerôo. Il a les qualités nécessaires pour mener l’équipe à un titre. J’ai connu Philippe il y bien vingt ans de cela lorsque j’étais à Bordeaux. Il avait décelé en moi un potentiel et c’est lui qui m’avait recommandée à Bruno Bini pour qu’il m’intègre à l’Équipe de France cadette puisqu’il en était le sélectionneur. Vous voyez à quel point le monde est petit ! A la suite de ça, Bruno Bini m’a appelée et m’a fait intégrer l’Équipe de France cadette. Certains pensent que Philippe Bergerôo est arrivé de nulle part à la tête des Bleues mais en fait ce n’est pas du tout le cas, il est depuis très longtemps dans le milieu du football féminin.

 

 

Un petit mot sur la D1 à présent. Montpellier vit une saison difficile avec notamment 5 défaites face aux autres cadors du championnat. Que manque-t-il à Montpellier depuis 2 saisons pour accrocher une place sur le podium ?

Il y a eu beaucoup de changements à Montpellier, avec l’arrivée d’un nouveau coach pour trois saisons notamment (Jean-Louis Saez NDLR). Quand l’effectif et l’entraîneur changent, c’est délicat à gérer. Jean-Louis Saez est arrivé avec une nouvelle philosophie de jeu et il faut du temps pour que ça prenne. Il faut voir aussi qu’il a récupéré une équipe touchée psychologiquement par la saison précédente, où il y avait eu des soucis au sein du groupe avec certaines joueuses et notre ancienne coach, Sarah M’Barek. Lui découvrait plus ou moins le football féminin, il arrivait dans une équipe meurtrie et surtout très jeune, donc c’était doublement compliqué pour lui. Lorsqu’il est arrivé en début de saison, Jean-Louis Saez a repris un chantier. Même si depuis le début de la saison, il faut bien avouer que nous avons retrouvé une très bonne ambiance dans l’équipe, qui nous manquait l’année dernière. Nous travaillons tactiquement et collectivement, mais ça prend du temps tout simplement. Le coach prépare une équipe pour qu’elle soit compétitive la saison prochaine, de façon à ce qu’elle puisse rivaliser avec Lyon, Paris et Juvisy. Cela passe par le fait d’intégrer certaines jeunes joueuses comme Sandie Toletti par exemple. Il faut bien voir que c’est une année de transition pour Montpellier. C’est davantage la saison prochaine qu’il faudra nous juger par rapport à nos résultats.

 

 

A titre personnel, vous avez pris part à 17 matches de D1 cette saison pour « seulement » 3 buts inscrits. Êtes-vous déçue de votre saison en cours ?

(Hésitation) Oui… Parce que je suis une compétitrice dans l’âme. Mais, comme je l’ai évoqué précédemment, il y a eu pas mal de changements au sein de l’équipe ; j’ai un rôle différent sur le terrain, chose que je n’avais pas l’année dernière, donc ça demande un certain temps d’adaptation. Nous devons mettre l’accent sur le collectif avant tout et c’est ce qui nous a manqué l’an passé. Si nous avions eu de bons résultats cette année, mes statistiques individuelles n’auraient aucune importance. Tant que je prends du plaisir sur le terrain, c’est l’essentiel. Ça ne m’affecte pas plus que ça mentalement de ne pas marquer beaucoup de buts.

Vous essayerez de faire mieux la saison prochaine je présume, du moins si vous décidez de prolonger avec Montpellier…

Je ferai un point avec mes présidents et le coach à la fin de la saison. Nous allons déjà terminer l’exercice en cours et nous aurons tout le temps d’en discuter par la suite.

Montpellier sera votre dernier club quoi qu’il arrive ?

Oui, c’est une certitude. Je suis une fidèle, je l’aime mon club !

 

 

Crédits photos: FFF / Giovani Pablo

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