Hawa Cissoko, droit au but

La défenseure, passée du PSG à l’OM cet été, honore sa première convocation en équipe de France A, après un parcours réussi dans les catégories de jeunes. Simple et souriante, Hawa Cissoko affiche un caractère et un charisme qui lui permettront peut-être de s’installer en club, et en équipe nationale. Nous l’avons rencontrée à Clairefontaine.

 

 

Pas de doute, à la voir se déplacer sur la pelouse du terrain d’entraînement de Clairefontaine, cette semaine, Hawa Cissoko est un roc difficilement délogeable. La défenseure de 20 ans est une guerrière, une battante. Une jeune femme qui a également la main sur le cœur. Car aussi dure soit-elle sur les rectangles verts, c’est une personne légère, détendue, aimable et enjouée que l’on découvre au bout de seulement quelques secondes d’entretien. « C’est une fille qui s’adapte rapidement dans les groupes. Elle est joyeuse, met de l’ambiance, elle est joviale et surtout, c’est quelqu’un qui ne fout pas la merde dans un groupe », explique – avec son franc parler – son ancien entraîneur au PSG Patrice Lair, qui en garde en très bon souvenir.

 

Une ancienne attaquante

Car Hawa Cissoko, la native de région parisienne, qui évoluait jusqu’en juin dans son club de cœur, a dû partir pour l’OM, afin de faire décoller sa carrière dont la progression avait été pourtant jusqu’ici fulgurante. Avide de taper dans la balle, cette fan de l’ancien Barcelonais Carles Puyol a en effet attendu longtemps avant d’enregistrer sa première licence en club.

 

Coureuse de semi-fond, également sprinteuse sur 50 mètres, elle quitte l’athlétisme pour le FC Solitaire Paris Est à 13 ans : « Avant d’entrer en club je jouais quand même déjà au foot, raconte la joueuse. J’étais à fond, dès qu’on pouvait jouer au foot, à l’école ou ailleurs, j’en profitais. Je faisais les tournois, j’aimais ça ». Dans ce club du 19ème arrondissement de la capitale, celle qui joue alors attaquante, décide de se positionner en tant que défenseure. La raison ? Elle ne joue qu’avec des garçons.

 

« Mon père s’est moqué de moi »

 

Des débuts compliqués, qu’elle fait un peu seule, sa famille ne la soutenant d’abord pas trop. Jusqu’à son arrivée à Paris en 2013. « Lors de ma dernière année avec les garçons, le président de mon club m’a demandé si ça me plairait de faire des essais à Lyon ou à Paris. Je lui ai donc directement dit Paris », explique Hawa Cissoko. « Quand j’en ai parlé à mon père, il s’est moqué de moi, il ne m’avait jamais vu jouer et pour lui les filles ne jouaient même pas au foot (sourire) », rembobine-t-elle ainsi.

 

Après un premier essai fructueux, elle est rappelée pour le test décisif. « On avait fait un match contre les U19 nationales de Paris. Et à partir de ce jour-là mon frère, qui m’avait emmenée, s’est vraiment impliqué ». Depuis, Bouba, qui joue et coach à l’Espérance sportive parisienne, joue le rôle de conseiller pour sa sœur. « Il m’appelle tout le temps au téléphone, il vient voir mes matches quand il peut. Si je ne suis pas bonne il me le dira. Il me donne des détails à régler et surtout, c’est une grande source de motivation ».

 

 

Progression rapide, et stagnation

Tout s’enchaîne très vite pour elle. Directement surclassée en équipe réserve des U19, elle arrive chez les U19 nationale six mois plus tard. « J’ai fait un match ou je suis entrée en tant que remplaçante au bout de 45 minutes. Apparemment j’ai fait un gros match, je suis restée et je suis devenue capitaine, pendant 1 an », rembobine-t-elle en toute simplicité. Son arrivée chez les pros, où elle signe un contrat en 2015, lui permet de réaliser un rêve d’enfance.

 

« Toujours disponible et positive »

 

Mais la concurrence est rude, et elle n’arrive pas à s’installer au sein de la défense à trois instaurée par Patrice Lair la saison dernière. « Elle était quand même très importante dans le groupe, par exemple en Ligue des Champions, la défend Lair. Elle était présente, toujours disponible et positive par rapport aux autres ! ». Une qualité qui lui a valu de partir à Marseille, alors que Lille était une autre option : « Avant de rechercher une joueuse, on recherchait une personne bienveillante, susceptible de venir étoffer notre aventure, pose ainsi Christophe Parra, son nouveau coach. Il nous fallait quelqu’un de rapide, qui soit très bon dans les tacles. Une jeune joueuse qui puisse être éduquée sur le plan sportif, à l’image de ce que nous essayons de développer au sein de la section. Hawa répondait à tous ces critères.

 

C’est quelqu’un qui a envie d’apprendre, pour moi c’est un leader « transformationnel ». Même si elle est très jeune, elle a énormément de caractère. Et elle est tellement respectueuse des personnes et du jeu, passionnée par le foot…», la complimente ainsi le tacticien olympien, qui tempère : « Après, elle doit se perfectionner dans sa prise d’information ».

 

 

La « Cissokance », surnom qui lui a été donné par Maeva Salomon, aujourd’hui à Brest, lors d’un tournoi de jeune, sait qu’elle a encore beaucoup de progrès à faire, et se félicite de son intégration dans un groupe à son image : « On est un bon groupe, on arrive à s’éclater et à travailler, et pour moi c’est la clé de la réussite ». Sa facette de footballeuse ne constitue toutefois qu’une part de sa personnalité, elle qui se passionne, en plus du sport (« Dès qu’il y a une compétition ou il y a des Français, je regarde »), pour le cinéma. Elle va voir « un film par semaine », sauf depuis son arrivée à Marseille – « le cinéma qui est à côté de chez moi, il est nul ».

 

Elle veut ouvrir un centre sportif pour personnes handicapées

Pas grave puisque, en plus du foot, celle-ci se consacre aussi à l’obtention de son diplôme de BPJEPS – qui devrait être complété par d’autres – lui permettant d’exercer en tant que formatrice et éducatrice plus tard. Un souhait qui lui est cher, tout comme son envie assumée d’ouvrir un centre sportif, qui mélangerait des personnes handicapées et des personnes valides : « Ma motivation vient du fait que j’ai un petit frère trisomique. Il a toujours voulu faire du sport, était fan de foot. Mais moi je savais comment ça se passait dans les clubs, qu’il allait être victime de harcèlement. En pensant juste à ça, je pleurais », explique-t-elle cette fois d’un air grave.

 

 

« L’idée ce serait d’organiser des journées à thème. Ils seront par équipe, avec 2 personnes valides et deux autres, handicapées physique ou mentale, pose-t-elle. Ils devront faire des activités ensemble, et gagner, par équipe. Le but serait de sensibiliser les enfants parce que souvent la discrimination vient d’eux. Ça leur prouverait que ce n’est pas parce qu’une personne est handicapée qu’elle est moins forte ». Elle se laisse du temps pour se lancer vraiment dans le projet (ses 25 ans), mais commence à se constituer un réseau, comme lorsqu’elle a participé aux Etoiles du sport cet été avec quelques joueuses U19, où elle a rencontré son idole, Marie-Josée Perec. Son plan semble parfaitement huilé et clair dans sa tête. Les pieds sur terre, elle explique toutes les étapes qui lui faudrait remplir pour mettre sur pied cette infrastructure.

 

 

Mais avant cela, il lui reste à faire ses grands débuts en équipe de France, face au Chili ce vendredi ou peut-être contre l’Espagne lundi. Celle qui fut championne d’Europe U19 à l’été 2016, et vice-championne du monde U20 il y a un an, tentera de grappiller du temps de jeu, toujours avec la même légèreté : « Je me dis que si je suis là c’est que j’ai des qualités, donc je vais les mettre en avant, et que si j’ai la pression je me raterai forcément. J’ai tout à gagner ! ». Des paroles signées Hawa Cissoko, ou (comme on la surnomme souvent) la « force tranquille ».

 

 

Propos recueillis par Vincent Roussel

Crédits photos : Vincent Roussel – Foot d’Elles / Om.net

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