Gérard Prêcheur : “Je ne pouvais pas rêver mieux”

Sous contrat jusqu’au 30 juin prochain, l’entraîneur lyonnais s’apprête à quitter Lyon. Après 3 saisons passées sur le banc de l’OL, Gérard Prêcheur analyse son parcours et apporte son sentiment sur le développement de la discipline. Entretien.

 

 

 

 

 

Etait-il important de terminer sur un triplé avec l’Olympique Lyonnais ?

G.P : << Si je devais retenir une chose, c’est que j’ai fait ce pour quoi j’ai été embauché. S’il y avait un verbe qui devait résumer l’activité de Lyon en ce qui concerne la section féminine, c’est “GAGNER”. Lorsque l’OL recrute un entraîneur et des joueuses, c’est pour continuer le parcours magnifique que réalise le club depuis de nombreuses années. Je l’ai dit d’entrée et, malgré quelques moment compliqués à gérer cette saison, les joueuses ont eu la bonne réaction, et nous sommes parvenus à tout remporter. Le bilan est très positif sur ces trois années. Je suis satisfait de terminer sur cette bonne note. 

Vous êtes donc allé au bout de ce que vous vouliez…

– Absolument ! Il faut être très pragmatique. Je le répète, sur 66 rencontres de championnat, l’Olympique Lyonnais n’a perdu qu’une seule fois. Lors de ma première saison au club, nous avons battu le record du nombre de buts inscrits, avec un jeu offensif de qualité. Nous avons également remporté trois Coupes de France, ce qui représente une série de dix-huit matches sans défaite. Je suis vraiment satisfait du parcours réalisé, notamment la deuxième saison où nous sommes restés invincibles. Enfin, la capacité à refaire le triplé en gagnant une coupe d’Europe est exceptionnelle. Je ne pouvais pas rêver mieux pour mettre un terme à mon contrat.

Si vous deviez retenir un événement au cours de vos trois saisons passées à Lyon, quel serait-il ?

– C’est une question compliquée, car nous avons connu énormément de bonnes choses. Je parlerai des finales de Ligue des Champions, que je ne peux pas dissocier. La première, malgré un très beau parcours en D1 et en Coupe de France, nous avons échoué en coupe d’Europe. J’avais pris l’élimination face au PSG comme une véritable sanction. L’année suivante, il était important de renouer avec le succès dans cette compétition, et nous l’avons fait. Vous savez, dans le football, il faut avoir confiance en sa vision du jeu et en sa façon de manager. Cependant, à chaque match, il faut analyser ce qui a marché, mais aussi les points qui restent à améliorer. Je retiendrai aussi que nous sommes parvenus à réaliser deux triplés consécutifs, performance que personne n’avait réussi à faire jusqu’à présent.

Aujourd’hui, vous vous êtes entouré de Sonia Souid, votre agent, et vous avez obtenu le BEF (Brevet d’Entraîneur de Football). Qu’avez-vous envie de faire à présent ?

– Je suis très satisfait d’avoir obtenu ce diplôme. Malgré un rythme intense cette saison, j’ai monté des dossiers avec le soutien d’une petite équipe (ma femme, qui est professeur à la Faculté de Lyon, mais aussi Sonia). J’ai su répondre aux huit problématiques posées par la fédération et, à la suite d’un entretien, j’ai obtenu cette VAE (validation des acquis de l’expérience). 2017 est une année où la famille Prêcheur est contente des résultats obtenus par le père.

Prendrez-vous la décision d’une nouvelle orientation de carrière cet été ?

– Très honnêtement, je voulais prendre le temps. Je m’étais réfusé de penser à mon avenir avant de disputer les trois matches décisifs face au Paris Saint-Germain. Je voulais rester concentré, tous les détails sont importants à ce niveau, et je ne regrette pas de l’avoir fait. Il y a des opportunités qui sont passées, et j’ai eu des propositions de la part de présidents de clubs. Il fallait aller vite, j’ai alors dit à mon agent que je voulais prendre mon temps. J’ai bientôt 58 ans et, avant de repartir dans un nouveau challenge, il faut que j’ai le temps de bien analyser les plus et les moins. Cependant, de nouvelles et récentes propositions m’obligent à réfléchir rapidement. Je suis très bien entouré.

Que pensez-vous de l’évolution du championnat de France féminin ? Fonctionne-t-il toujours à plusieurs vitesses ?

– Je suis plus nuancé que lorsque j’étais en poste à la fédération. j’ai même trouvé une évolution entre ma première année à Lyon, et aujourd’hui. Il y a un groupe de tête (Lyon, Paris, Montpellier) qui fait que la différence entre les équipes reste importante. Cependant, l’écart se réduit. L’an passé, Rodez avait performé. Cette saison, Marseille (pourtant promu) a impressionné. L’arrivée des clubs professionnels a fait beaucoup de bien à la division. Il y a une volonté des clubs professionnels de s’investir dans la discipline. Quand j’étais à la fédération, nous réfléchissions à la manière de pouvoir remanier le championnat de façon à le rendre plus homogène. Nous sommes actuellement dans une phase de transition, et les décisions ne doivent pas être faciles à prendre. 

L’homogénéisation du championnat français passe-t-elle par la professionnalisation de tous les clubs ?

– Elle passe surtout par la formation des joueuses. Vous pourrez avoir l’arrivée de Marseille, Lille, ou encore Bordeaux dans l’élite, avec des investissements faits en matière de communication et de retransmission télé, il y aura forcément un manque de joueuses de haut niveau à un moment. Aujourd’hui, il y a environ un cinquantaine de joueuses de niveau international. Toutes ces sportives ne vont pas pouvoir alimenter douze clubs de D1. Il est temps que la France mette l’accent sur la formation, mais également sur la pré-formation. Il faut absolument élever le niveau de jeu des jeunes joueuses, dès l’âge de 15 ans. Cela passe par ce qu’à fait la fédération avec les garçons, c’est-à-dire confier la formation des joueuses de football aux clubs. Il faut donner les moyens à ces entités de se structurer et d’installer les sportives dans des conditions optimales.

Devrait-on tendre vers le modèle américain (répartir les joueuses professionnelles dans tous les clubs du championnat) ?

– Je ne sais pas, mais cela doit avoir un coût très important. Est-ce que la fédération peut le faire ? Est-ce que le championnat américain marche aussi bien que cela ? On voit les meilleures joueuses qui ont envie de le quitter (Alex Morgan à Lyon, Carli Lloys à Manchester City)… Je ne me suis pas posé la question sur cette formule.

 

 

<< Les joueuses sont les actrices principales, mais il faut créer le contexte afin qu’elles puissent performer >>

Le football féminin paye-t-il le manque d’investissement de ses dirigeants (on voit Saint-Etienne descendre en D2 cette année) malgré d’indéniables progrès ?

– Ce n’est pas uniquement financier. C’est un investissement et une implication. Soit le club a envie de donner les moyens à sa section féminine de se développer, soit il ne l’a pas. L’aspect logistique est important. Lorsque je discutais avec Hervé Didier (désormais ex-coach de l’ASSE, remplacé par Jérôme Bonnet pour la saison à venir), il me disait qu’il n’avait pas de terrain d’entraînement. Je me souviens d’avoir évolué au sein de quatre stades différents en trois ans là-bas. Quand un club professionnel ne permet pas à sa section féminine d’avoir un bon terrain d’entraînement et une structure pour les matches, cela pose des problèmes. Les joueuses sont les actrices principales, mais il faut créer le contexte afin qu’elles puissent performer.

L’équipe de France doit-elle enfin s’imposer dans une grande compétition pour que les choses évoluent ?

– C’est très complexe… Une chose est sûre, il faut que l’équipe de France performe cette année. Au cours de la saison, nous avons eu deux clubs français en finale de Ligue des Champions. Le football féminin français a donc une belle reconnaissance. C’est un point positif. Au niveau de la sélection, il faut confirmer “l’essai” au niveau national. Si l’équipe de France atteint au moins la finale de l’Euro cet été, cela va aller dans la continuité et susciter davantage d’intérêt auprès du public. On a l’occasion de franchir un nouveau pallier et d’avoir un vrai engouement autour de la discipline. L’équipe de France a donc une pression, car elle doit confirmer la bonne évolution du football féminin. Par contre, une question mérite d’être posée. Dans deux ans, une Coupe du Monde va se tenir en France. Le sélectionneur doit-il tout donner pour performer cet été ? Ou doit-il préparer l’effectif pour être prêt dans deux ans ? Certaines joueuses sont à la limite… Plusieurs d’entre elles peuvent avoir une valeur ajoutée cette année, mais elles ne l’auront peut-être plus dans deux ans. C’est une véritable problématique. >>

 

Propos recueillis par Benjamin Roux

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