Gaëtane Thiney et Marinette Pichon, deux meneuses made in Brienne

Le Stade briennois, anciennement ASS Brienne, a formé pendant dix ans Marinette Pichon, puis Gaëtane Thiney, au milieu des garçons. Portrait d’un club rural fier de ses championnes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mercredi après-midi au Stade briennois, c’est jour d’entrainement pour les enfants. Jean-Manuel Petisco, le président du club a ouvert les grilles et les petits gars arrivent les uns après les autres, sac sur l’épaule. Un club comme il en existe des milliers en France, à Brienne-le-Château (Aube), petite ville plus connue pour son « château » devenu hôpital psychiatrique que pour son club de foot. Et pourtant, les entraineurs d’ici ont vu passer deux des plus grandes joueuses du football français. Marinette Pichon et Gaëtane Thiney. Jean-Manuel Petisco en parle avec des étoiles dans les yeux, dans son bureau au-dessus duquel il a accroché un poster de l’équipe de France féminine dédicacé.

 

« Marinette Pichon a joué ici de 1981 à 1991, entre 5-6 ans et 16 ans« , raconte Jean-Claude Rychel, qui était alors responsable des jeunes de l’ASS Brienne. Polo du Barça sur les épaules, il se remémore ses premiers entrainements. « Elle est arrivée pas hasard sur le terrain: c’était jour de visite médicale au club et le médecin lui a dit « t’as qu’à y aller toi aussi taper le ballon » et hop, elle a plongé dedans« . Pour celle qui était alors « toujours fourrée avec les garçons » cet entrainement, seule au milieu d’une bande de gars, ne sera pas le dernier.

« Les garçons se sont vite habitués, déjà c’était une meneuse, et elle n’était pas mauvaise donc forcément ils l’ont vite acceptée, ce sont plus les équipes d’en face qui chambraient au début ». Jean-Claude Rychel se souvient d’une anecdote savoureuse sur Marinette: « un jour, alors qu’ils avaient pas mal taquiné, Marinette dribble un adversaire, il l’a mal pris et l’a taclé pour la calmer: il l’a blessé! » Elle reste au repos quelques semaines puis revient toujours aussi motivée. Vient ensuite l’année de ses 15 ans où elle doit partir jouer avec des filles. Elle veut rester, le club demande une dérogation et l’obtient. Ce n’est qu’à 16 ans que Marinette Pichon rejoint donc Saint-Memmie (Marne). « La filière là-bas était déjà structurée alors qu’à l’Estac il n’y avait rien« , justifient les dirigeants.

 

« Dans dix ans je t’en renvoie une bonne ! »

Quelques mois après le transfert, Jean-Claude Rychel se souvient avoir revu un des entraineurs de Saint-Memmie. « Il m’a dit, « dis donc, elle est vraiment bien la fille que tu nous a envoyée là, t’en aurais pas une autre? » Je lui ai répondu, dans dix ans je t’en renvoie une bonne! » Le responsable des jeunes ne le sait pas encore, mais il est visionnaire.

 

L’année d’après, en 1992, une nouvelle recrue arrive. « Le père de Gaëtane jouait à Brienne et était investi dans le club, donc elle était tout le temps fourrée sur le bord des terrains » se remémore Jean-Manuel Petisco, qui habite la même rue que la famille Thiney dans le village de Brienne. « Un jour elle a voulu jouer, on lui a dit « viens!« , on n’a jamais eu de problème à accueillir les filles sur le terrain ici, on ne fait pas de différence : elles sont bonnes : elles jouent ; elles ne se donnent pas : elles restent sur le banc. » Mais autant avec Gaëtane qu’avec Marinette, le problème ne se pose pas : « elles avaient leur place ! » raconte leur premier entraineur.

Gaëtane joue donc elle aussi au milieu de l’équipe de garçons et devient même leur capitaine. « C’était une meneuse« . Elle l’est restée. Vient le moment pour elle aussi de quitter l’ASS Brienne. Elle est alors repérée pour rejoindre Clairefontaine. Elle refuse. Gaëtane a dit à ses parents, « si vous m’emmenez là-bas, j’arrête le foot« , se souvient Jean-Claude Rychel. « Elle était attachée à sa vie, à sa famille, ses amis, au club… » coupe Jean-Manuel Petisco. La filière est tracée, elle rejoint donc elle aussi le club de Saint-Memmie. Dix ans après Marinette. Mais, elle est inscrite à Bar-sur-Aube à une vingtaine de kilomètres de là pour passer son Bac, et s’entraîne donc encore pendant une année sur le terrain à deux pas des halles du village, avec l’équipe seniors de Brienne.

 

 

« On ne peut pas leur trouver de défaut, ce sont nos gamines » 

La suite est connue. Gaëtane rejoint vite l’équipe de France dont elle devient un pillier. Jamais deux sans trois ? « On en avait une », coupe malicieusement Jean-Claude Rychel. « Mais maintenant la filière est plus organisée et les filles sont repérées plus tôt… » La troisième est donc déjà partie à l’Estac.

Une bonne chose ? Pas forcément. « Je suis persuadé que la progression des filles qui jouent avec les garçons se fait plus vite car le jeu est plus dur, et seule au milieu d’une équipe elles doivent faire leur preuves » assurent les dirigeants. « Marinette et Gaëtane en sont les preuves : elles étaient un joueur au milieu des onze, pas la fille de l’équipe, et je pense que ça les a aidées… et puis elles avaient les qualités ! » reconnaissent-ils volontiers, tellement fiers de « leurs » filles. On n’arrivera pas à leur faire reconnaitre de défaut : « on ne peut pas, c’est nos gamines« . Ils ont en revanche un reproche aux instances. S’ils restent modestes et attribuent avant tout les qualités à leurs joueuses, ils regrettent qu’on ne prenne en compte les clubs de formation qu’à partir du moment où elles ont joué au niveau national. « C’est ici qu’elles ont été formées : ce n’est pas courant quand même un petit club qui forme deux Internationales !« 

Ils en sont fiers. Le village de Brienne-le-Château aussi. Les lendemains de match de l’équipe de France féminine, souvent, on refait le match au PMU de la rue de l’école militaire.

 

 

 

Leurs souvenirs de leurs années à Brienne…

Marinette Pichon: « Des bons, que des merveilleux souvenirs, des découvertes footbalistiques et humaines formidables. Quand on commence le foot à 5 ans et qu’on est la seule fille à jouer au milieu des garçons, forcément on attire les regards, mais les dirigeants étaient formidables, j’avais mon petit vestiaire et ces années m’ont amené une forme d’équilibre. A 5, 10 ou 15 ans, on ne se projette pas dans une éventuelle carrière, on vient pour l’ambiance ! Avec le recul, il est évident que quand on pratique avec les garçons on va plus vite : le jeu est plus dur, plus rapide, on est obligé d’aprendre l’engagement physique et une certaine technicité : on repère tout de suite les filles qui ont évolué dans un environnement masculin. En tout cas « Tane » (Gaëtane Thiney) et moi ça se voit… Et même si on n’a pas eu des entrainements spécifiques avec des filles, ça ne nous a pas empêchées de percer. On ne peut pas oublier Brienne, pour elle comme pour moi c’est une étape de notre carrière, qui compte… »

 

Gaëtane Thiney: « C’est ma ville natale et je suis très attachée à mes racines. J’ai à Brienne ma famille, mes amis… et le club qui m’a permis de découvrir ma discipline, de prendre du plaisir, de progresser… Quand je jouais à Brienne ce qui comptait c’était de gagner avec mes copains, pas une seule fois j’ai pensé à l’équipe de France : je jouais c’est tout. Je n’ai pas « suivi » Marinette, mais elle avait changé les mentalités avant que j’arrive donc tout le monde m’a encouragé, simplement. Ce n’est qu’à 14 ans que je suis allée à Saint-Memmie, mais les dirigeants briennois ont accepté que je continue à m’entrainer avec les seniors. J’y ai passé des années géniales. Je ne me suis pas dévelopée comme j’aurais pu le faire dans d’autres clubs sur certains points, mais au niveau technique et en rapidité, si ! Et ces années m’ont forgée, c’est ce qui fait ma force. Dans ma construction personnelle ça a joué un rôle et même si aujourd’hui les clubs ruraux perdent des adhérents parce que beaucoup plus de sports sont accessibles et que le foot perd un peu d’attrait, je leur souhaite de continuer avec les valeurs de convivialité et les liens sociaux forts qui s’y créent. Bien sûr j’espère qu’ils auront d’autres filles ! » 

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