Françoise Vallet, 1e présidente d’un district de foot en France

Désignée en 2012 suite au départ de son président vers la Ligue, Françoise Vallet a été depuis réélue en 2013 et 2016. Elle se confie sur son parcours dans le foot, les évolutions des femmes dans le milieu et les difficultés qu’elle rencontre pour faire progresser le foot féminin dans son département rural de la Nièvre.

 

 

 

Vous n’avez jamais joué au foot, comment-être vous arrivée dans ce sport ?

Françoise Vallet : – « Mes deux fils jouaient à Coulanges-les-Nevers et mon mari était l’un des dirigeants du club… donc si je voulais les voir, il fallait que j’aille sur le terrain ! J’ai commencé à être accompagnatrice en 1989, mon fils avait 6 ans, puis on m’a demandé d’entrer dans la commission Jeunes du district en 1990. En 1998, je suis entrée au comité directeur à la commission futsal, puis suis devenue secrétaire générale en 2008 et vice-présidente en juin 2012.

 

Vous êtes ensuite devenue la première femme à la tête d’un district de foot en France…

– Le président du district a été élu à la Ligue en octobre 2012, donc j’ai été nommée présidente par intérim puisque j’étais vice-présidente. Et je me suis prise au jeu ; c’est une lourde tâche, mais c’est palpitant, et j’ai une très bonne équipe. Donc je me suis présentée et ai été élue en 2013, et de nouveau cette année, fin 2016.

 

Les femmes sont minoritaires dans le milieu du foot, comment vous êtes-vous fait un place, avez-vous dû vous « battre » ?

 – J’étais connue dans le milieu, donc c’est bien passé… il y en a toujours qui titillent, histoire de voir si les femmes connaissent le règlement, mais je ne me suis pas laissée faire. Je pense que les femmes ont une autre vision. Nous sommes plus à l’écoute, moins impulsives : on dit les choses de manière moins brutale et ça aide à se faire respecter. Je pense qu’il faut de la mixité à tous les niveaux, dans les clubs, les instances… Nous avons des approches différentes et ça permet d’apporter un autre regard sur les actions.

 

Avec Pierrette Barrot, l’autre femme présidente de district (Charente-Maritime), vous formez pourtant un club très fermé : deux femmes présidentes, c’est peu…

– Quand on a une réunion, on se retrouve et dès qu’on voit une femme qui pourrait nous rejoindre, on essaie de la motiver ! Mais il y en a peu. Dans mon comité directeur, on est trois femmes, sur 19 ; on n’en a pas trouvé plus ! A la Ligue Bourgogne-Franche-Comté, on a une femme vice-présidente par contre… Souvent les femmes sont déjà très prises dans les clubs, et avec la vie de famille et leur travail, donc ce n’est pas évident d’entrer au district : il y a beaucoup de réunions quand on est à la tête d’une instance. Je reconnais que quand je travaillais c’était lourd, c’est un choix qui se discute en couple, il faut que le conjoint l’accepte.

 

Vous êtes dans le milieu du foot depuis 30 ans, avez-vous constaté des évolutions quant à la place des femmes et comment faire pour accélérer les choses ?

– A partir du moment où l’on a commencé à demander à des femmes d’entrer dans les commissions, le regard a changé et on a pris en compte nos compétences. Il faut franchir les barrières, car même si au début on ne connaît pas tous les règlements, après on se prend au jeu. Dans de nombreux plateaux on essaie de mobiliser les mamans, les grandes soeurs, les mamies pour qu’elles s’investissent dans le foot. Il n’y a pas que les postes de secrétaires ou trésorières, rien que d’aider dans les vestiaires les petits à enfiler leurs chaussettes c’est utile, et ça peut leur donner envie après de s’investir plus dans le club ou au district.

On a d’ailleurs changé d’organisation au district : on n’a plus une commission féminine qui s’occupe du foot féminin, mais un membre dans chaque commission des compétitions seniors et jeunes qui suit particulièrement les filles, et une commission féminisation.

 

Comment voyez-vous le foot féminin ?

– Avant c’était un sport mineur, aujourd’hui, c’est un sport à part entière, en plein essor avec plus de 100 000 licenciées au niveau fédéral. La médiatisation est très importante : notre équipe de France montre du beau jeu, y compris les jeunes. J’aime beaucoup regarder les filles : le foot féminin est plus agréable à regarder, il n’y a pas de contestation, plus de respect…

 

Au niveau de la pratique, le départent de la Nièvre est à la traîne…

– Dans le district, c’est plus difficile, c’est vrai… Nous avons cette saison 407 licenciées féminines (191 joueuses et 216 dirigeantes). On n’arrive pas à fédérer. On a voulu commencer par les équipes seniors, c’était une mauvaise idée. Il faut commencer la pyramide par le bas, et c’est ce que nous faisons maintenant en développant les écoles de foot féminin (EFF). Nous en avons 6. il faut ensuite essayer de garder ces filles dans les clubs, mais nous avons un grand district d’un point de vue géographique et les filles sont éparpillées avec 2 ou 3 filles dans chaque club… donc on a du mal à créer des équipes féminines. Et quand elles grandissent, on n’a pas de grandes écoles dans le département donc elles rejoignent Dijon, Moulins ou Clermont-Ferrand et jouent là-bas…

 

Outre les EFF, encouragées au niveau national par la FFF, avez-vous mis des choses en place pour faire changer les choses ?

– On organise des portes-ouvertes pour inciter à la pratique dès le plus jeune âge. On participe aussi aux événements nationaux de la Fédération (Mon Euro 2016, le football des princesses…). Au niveau du district, nous n’avons pas d’équipe senior, et c’est un frein, car tant que nous n’avons pas de championnat ici, il n’y a pas d’émulation. On organise donc une finale féminine entre tous les clubs qui ont une équipe pour que les filles soient vues une fois, mais on manque de locomotive, d’équipe féminine qui donne envie aux plus jeunes.

 

La Coupe du monde 2019 aura lieu en France. Auxerre, dans le département voisin de l’Yonne s’est porté candidat pour accueillir des matchs, cela peut-il vous aider pour développer le foot féminin dans les territoires ?

– On y croit ! On va beaucoup parler de foot déjà, et c’est sûr que si Auxerre est ville-hôte on va emmener toutes nos filles voir un match, et les clubs vont jouer le jeu. Ce sont eux qui peuvent faire bouger les choses : je comprends les difficultés qu’ils rencontrent, les contraintes (un vestiaire spécifique pour les féminines…), mais avec les labels qui prennent le foot féminin en compte, ils ne vont plus avoir le choix, et c’est très bien, c’est dommage de passer par ces quotas, mais tant que ça avance…

 

Avec le recul, ne trouvez-vous pas que ça avance doucement…

– Quand mon fils jouait au foot, il n’y avait qu’une fille, une petite Mathilde, sur le terrain. Aujourd’hui, il y en a beaucoup plus et jouer au foot quand on est une fille ce n’est plus être jugée comme un garçon manqué, ce qu’on disait tout le temps à l’époque. Maintenant c’est un sport co comme les autres. »

 

Propos recueillis par Lucie Tanneau

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