Eugénie, le sommet

Devenue depuis peu la meilleure buteuse de l’histoire de l’OL, Eugénie Le Sommer a confirmé son statut d’attaquante hors pair. Son sens du but, qu’elle a développé au contact des meilleures joueuses, reste une référence mondiale, qu’elle doit désormais afficher également en équipe de France, avec en ligne de mire la Coupe du Monde 2019, son Saint Graal.

« Aujourd’hui, c’est la meilleure attaquante française ». Le constat dressé par Patrice Lair à propos d’Eugénie Le Sommer est loin d’être incongru, et ce n’est pas Erin Nayler, qui gardait les cages de Bordeaux ce week-end lors de la défaite 4-0 de son équipe face à Lyon, qui dira le contraire. Car la portière néo-zélandaise a encaissé deux buts d’Eugénie Le Sommer, d’une belle reprise de volée sur coup franc et d’une subtile déviation dans la surface, qui disent tout du style et du talent de cette joueuse. Deux nouveaux pions qui ont permis à la Lyonnaise de prendre un peu plus d’avance en tête du classement des meilleures buteuses de l’OL, avec 228 buts, une semaine tout pile après avoir dépassé le record de la légende, Lotta Schelin, 225 unités au compteur, grâce à un triplé face à Toulouse en Coupe de France (9-0).

 « Quand elle est arrivée, elle était très timide »

« J’étais heureuse, forcément ! J’ai ressenti beaucoup de fierté, et j’ai repensé à tout le chemin parcouru toutes ces années, et tous ces buts marqués », racontait la joueuse quelques jours après être définitivement entrée dans l’histoire du plus grand club français de la discipline, en avouant ne pas avoir pensé avec obsession à ce record. Dans son périple, tout a paru logique chez cette fille obsédée par le but, qui a gravi les échelons les uns après les autres, sans vraiment rencontrer d’accrocs. A Saint-Brieuc, dès son arrivée en D1 en 2007, la native de Grasse s’impose, et devient en deux saisons seulement la meilleure buteuse du championnat de D1, avec 19 réalisations. Des performances remarquées, qui lui permettent d’arriver à Lyon à l’été 2010, où tout de suite, l’aventure prend des allures de conte de fée. Un but lors de sa première apparition, contre Toulouse justement, et un titre de championne d’Europe décroché dès la première saison. « Quand elle est arrivée, elle était très timide », se souvient Patrice Lair, qui était lui aussi devenu Lyonnais lors de la saison 2010-2011. « Après, elle s’est imposée, elle a pris un peu plus de personnalité. Les titres lui ont amené une certaine notoriété », rapporte l’actuel coach du PSG, qui rappelle les performances déjà excellentes de son ancienne protégée, dont notamment un doublé en demi-finale retour de Ligue des champions contre Arsenal (3-2), au milieu de buteuses de premier rang, parmi lesquelles Sandrine Bretigny, Isabell Hervolsen et, évidemment, Lotta Schelin.

« C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup et qui compte beaucoup pour moi ! », avoue la joueuse, qui a bien sûr reçu un message de félicitations de la Suèdoise, qu’elle considère un peu comme sa « grande sœur ». « On a passé 6 ans ensemble, donc j’ai appris beaucoup de choses, déjà par rapport à la finition. Je regardais les gestes qu’elle pouvait réaliser quand elle arrivait devant la gardienne, et je m’en inspirais dans mon jeu, en ajoutant quelques choses en plus ! Après je pense aussi à sa mentalité. J’ai appris beaucoup de la culture et de la manière de penser des Suédois. Malgré le fait qu’on a toujours été toujours en concurrence, ça c’est très bien passé entre nous deux, elle a toujours été là pour me conseiller et m’aider ! », raconte la canonnière tricolore. « Tu joues de façon différente et tu apprends aussi de tes différents entraîneurs, dixit Lair. Moi j’étais plus sur le jeu en rupture, dans la profondeur, la verticalité… Avec Gérard [Prêcheur] elles étaient plus dans la possession, et aujourd’hui avec Reynald [Pedros], c’est un peu un mélange des deux ! Forcément ça va lui apporter », énonce le tacticien, qui admet que la joueuse l’a marquée, tout autant que la femme, attachante. Affable, la Bretonne a la voix douce et un sourire d’ange, qui cachent un caractère de battante sur les terrains. Mais aussi en dehors, dixit Amandine Henry : « On l’appelle « La Syndicaliste » en fait (rires) ! C’est quelqu’un qui aime bien qu’il y ait une bonne organisation, que ce soit calé… Et du coup c’est surtout elle qui fait attention à tout ça dans le groupe ».

 En progrès constant 

« Eugénie c’est l’attaquante complète ! Elle sait dribbler, elle court vite, elle se met vite en position de frappe, elle est rapide… », raconte aussi sa partenaire et amie. « Elle a un profil d’attaquante intéressant au niveau de la vitesse, de l’explosivité », explique de son côté Patrice Lair quand l’ancienne attaquante Marinette Pichon raconte : « Moi ce qui me plaît, c’est qu’elle est capable de jouer dos au but, de décrocher, d’être dans la zone de finition, de distribuer… C’est marrant parce qu’elle a des attitudes qui me ressemblent par moment dans la gestuelle, dans la vitesse d’exécution, dans la capacité à se positionner, à se tourner très rapidement vers le but, à sortir de petits espaces et à enchaîner très rapidement ».

Si Eugénie ne rime pas forcément avec « Eugénisme », toujours est-il que son profil lui permet d’évoluer avec autant d’efficacité à n’importe quel poste de l’attaque. Ce qui ne l’a pas empêché de peaufiner sa technique face au but. Ainsi, quand on lui demande ce qui a le plus progressé dans son jeu, l’attaquante répond : « Dans la prise de décision, et sa pertinence : vais-je frapper du gauche ? du droit ? Est-ce que je frappe en force, est ce que je fais un ballon piqué… ? Le plus dur c’est de faire le bon choix au bon moment, et c’est ce que j’ai appris à Lyon en m’entraînant tous les jours avec les meilleures défenseures et attaquantes », estime la joueuse de 28 ans, en route vers son 8e titre de championne de France.

 A 17 buts de Marinette Pichon en équipe de France

« Elle a travaillé et encore travaillé pour en arriver là », résume Patrice Lair, qui nuance : « Maintenant je pense qu’il lui faut encore un peu plus de constance. Parfois elle a des coups de moins bien ». Notamment en équipe de France, où ses prestations à l’Euro l’été dernier ont encore attisé les critiques. Son penalty victorieux face à l’Islande (1-0) n’a en effet été suivi d’aucune autre réalisation, et elle n’a pu empêcher l’élimination des siennes en quart. Mais elle est bien la première à reconnaitre qu’il lui faut être plus décisive en Bleue. « J’ai aussi pris du recul par rapport à ça, j’ai fait mon analyse personnelle. Je n’ai pas loupée d’occasion immanquable, et je pense que ma frustration vient plus du fait que je ne me suis pas créé tant d’occasions que ça ».

« Il faut vraiment des conditions particulières pour marquer. Il faut du soutien, des appuis, et aujourd’hui, je pense qu’en équipe de France il manque d’une numéro 10 », la défend Patrice Lair, soutenue par Amandine Henry : « Il n’y a pas qu’Eugénie qu’il faut pointer du doigt, mais tout le monde ! Il faut qu’on soit plus tranchantes dans les derniers mètres ». « Les grandes joueuses c’est aussi ça, la capacité à pouvoir se surpasser, explique Marinette Pichon. Il y a une année et demie pour préparer la Coupe du Monde, moi j’ai toute confiance dans ce groupe, et en Eugénie », annonce celle qui la devance de 17 buts au classement des meilleures buteuses de l’histoire de l’équipe de France : « C’est jouable [le record], ça donne envie ! Ca voudra dire que j’ai marqué beaucoup de buts et, j’espère, que l’équipe a gagné beaucoup de matches », répond la joueuse, calme, bonne vivante, mais qui n’aime rien tant que les moments en famille, « pas si nombreux ». Titulaire indiscutable aux yeux de Corinne Diacre, Le Sommer sera dans l’obligation de peser lors de la campagne de 2019, elle qui suivra auparavant avec attention celle de ses cadettes, les U20, sur ses terres cet été. De quoi inspirer cette fan de foot, et de sport en général, qui nous avouait regarder, tant que faire se peut, les J.O de Pyongchang lorsqu’on l’a eu par téléphone.

 « Elle a un belle marge de progression ! »

Preuve de sa longévité dans le Rhône, depuis quelques saisons, c’est elle qui joue les grandes sœurs pour une nouvelle buteuse venue du Nord : Ada Hegerberg, de 6 ans sa cadette. Avec 38 buts cette saison, toutes compétitions confondues, la Norvégienne compte déjà 153 réalisations en seulement 4 saisons. « Je lui ai dit que peut-être un jour elle battra ce record, et donc je l’ai prévenue qu’elle n’avait pas intérêt (rires) ! Maintenant je regarde dans le rétroviseur, mais c’est sûr qu’Ada a les qualités pour battre ce record. Elle est encore jeune, elle est très tournée vers le but, elle ne lâche rien. Même si elle loupe deux trois occasions elle va finir par marquer son but ! C’est une force de caractère très importante. Je ne sais pas si elle restera aussi longtemps à l’OL mais c’est forcément quelqu’un qui peut marquer beaucoup de buts », reconnaît Eugénie Le Sommer, qui partage également un lien très fort avec celle qui est déjà considérée comme la plus grande buteuse du monde.

L’après-foot, Eugénie Le Sommer, qui a obtenu un diplôme en management ces derniers mois, n’y pense pas encore. « Elle n’est pas vieille, elle a un belle marge de progression ! », rappelle Patrice Lair, alors que la joueuse de 28 ans souhaite, de son côté, apprendre l’anglais. Pour prendre son envol loin de l’OL ? « Pour l’instant Lyon me plaît, je suis dans un club où toutes les conditions sont réunies pour qu’on soit au mieux. J’ai toujours dit que j’aimerais bien vivre une expérience à l’étranger, mais je ne sais pas quand ça se fera », tempère l’attaquante. Il lui reste encore de beaux mois pour marquer un peu plus l’histoire de son sport, et continuer d’être la chouchoute des Français. « Promis, si elle gagne la Coupe du Monde, je lui laisse le titre de meilleure buteuse française de l’histoire », en rigole Marinette Pichon.

Tous propos recueillis par Vincent Roussel

Crédits photos : FRANCK FIFE – AFP / Vincent Roussel pour Foot d’Elles / NatiSythen. 

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