Etat des lieux du football féminin camerounais

Séduisant huitième de finaliste lors du mondial canadien, le Cameroun a enchanté de nombreux observateurs pour sa 1ere participation à la compétition. Mais derrière les bons résultats, tout n’est pas rose au pays des Lionnes indomptables… et la pratique du football féminin rencontre de nombreux obstacles. Focus.

 

 

Les quatre dernières années ont vu le Cameroun progresser de manière très sensible, l’équipe nationale s’imposant comme la deuxième nation du continent derrière l’intouchable -pour l’instant ?- Nigeria. Sous la houlette de Enow Ngachu, un passionné qui a obtenu son diplôme d’entraîneur en Allemagne, les Lionnes indomptables ont remporté leur première médaille d’or aux Jeux Africains en 2011, avant de participer pour la première fois de leur histoire aux Jeux olympiques en 2012 (trois défaites en trois matches). En 2014, sa place de finaliste du Championnat d’Afrique de football féminin lui ouvre les portes de la Coupe du Monde grâce à l’élargissement du nombre d’équipes participantes de 16 à 24.

Au Canada, le Cameroun a frappé fort d’entrée de jeu, avec une large victoire (6-0) pour son tout premier match dans un Mondial. Une belle performance confirmée ensuite contre le Japon (défaite 1-2), et surtout face à la Suisse, renversée après avoir mené (2-1). Le Cameroun a donc atteint les huitièmes de finale de la Coupe du Monde dès sa première participation à l’épreuve, devenant le premier pays africain à réussir cette performance. Malgré la défaite face à la Chine, c’est ensuite en héroïnes que les Lionnes indomptables ont ensuite regagné le Cameroun. Avec comme objectifs à court terme la conservation de leur titre aux Jeux Africains, la qualification pour les Jeux olympiques et l’accueil du prochain championnat d’Afrique (2016), tout semble aller pour le mieux pour le Cameroun…

 

Un peu d’histoire…

Avant d’évoquer la situation actuelle, attardons nous un instant sur les débuts de la discipline au Cameroun. Tout commence il y a un peu plus de quarante ans, lorsque Atangana Louis de Gonzague, arbitre international passionné de football féminin qu’il veut développer, entraîne des jeunes filles dont la passion est le football. Pris pour un fou, « le football n’est pas pour les filles » etc, il persévère et profite de ses voyages à l’étranger pour améliorer ses méthodes d’entraînement. D’autres le suivront, et c’est en 1989 que sera créée la Commission nationale du football féminin, avec l’intention de vulgariser la pratique du football aux jeunes filles dans tout le pays.

 

En 1990, de nombreuses équipes, tournois et championnats sont créés, ainsi que l’équipe nationale, et le football féminin prend son envol malgré les nombreux préjugés et obstacles rencontrés par les joueuses. Cet envol sera malheureusement de courte durée, car le football féminin ne reçoit aucune aide de la Fécafoot (la Fédération), et manque de moyens, malgré quelques passionnés qui dilapideront leurs économies, Atangana Louis de Gonzague en tête. Le découragement s’installe et le football féminin connaît un gros passage à vide dans les dernières années du 20e siècle. Ce n’est qu’au début du 21e siècle que la discipline refait vraiment surface, petit à petit, et l’arrivée d’Enow Ngachu à la tête de la sélection nationale en 2004 va permettre au Cameroun de s’imposer peu à peu parmi les meilleures équipes du continent.

 

Une situation intérieure compliquée

Les bons résultats de l’équipe nationale au Cameroun ne doivent pas faire oublier dans quelles conditions les Lionnes indomptables se sont préparées. Pour les joueuses évoluant au pays, c’est-à-dire la majorité de l’équipe, elles n’ont pas eu de match de championnat à se mettre sous la dent depuis début 2014. Deux journées ont été disputées que certaines équipes, dont des historiques, prenaient la décision de boycotter le championnat tant que l’argent promis par la Fécafoot ne serait pas versé. En conséquence, le championnat fut arrêté après quatre journées, et huit clubs grévistes rétrogadés de deux divisions avec une suspension de cinq ans.

 

Alors que pour offrir plus de compétitivité aux joueuses, le championnat était passé de huit à 10 équipes en 2011, puis à 14 en 2013, c’est avec 10 équipes (puis neuf, huit, sept…), sans certains clubs de premier plan accueillant un certain nombre d’internationales que le championnat 2015 fait ses débuts en mai, deux mois après la date prévue. Un début sous forme de rencontre de gala pour un championnat qui n’en est pas vraiment un. La bonne nouvelle, c’est que des discussions sont en cours pour réintégrer les huit clubs suspendus, une idée qui a pris du poids depuis le Mondial. Et bien que cela ne soit certainement pas assez, les clubs de D1 vont recevoir 10 500 000 Francs CFA (moins de 16 000 euros) suite aux retombées financières de la Coupe du Monde 2014.

 

L’équipe nationale, un chantier sans fin

Figure actuelle du football féminin au Cameroun, pour lequel il n’a pas ménagé ses efforts, Enow Ngachu avait proposé tout un programme de préparation pour la Coupe du Monde, avec des matches prévus contre le Nigeria, l’Afrique du Sud ou encore l’Australie, entre autres. Finalement, les Lionnes indomptables n’auront affronté que des équipes locales, puis la Côte d’Ivoire, autre novice en Coupe du Monde, lors d’un match annoncé par la Fédération trois jours à peine avant sa tenue. La préparation pour le Mondial s’est véritablement faite au Canada, que le Cameroun a été le premier des mondialistes à rejoindre, dès le 14 mai, et après que le spectre d’une grève pour cause d’interrogation sur le montant des primes a pointé le bout de son nez, un an après celle des Lions indomptables.

 

La suite, on la connait, des débuts réussis et prometteurs en Coupe du Monde. Les Lionnes ont fait du chemin en 25 ans ! L’équipe est désormais tournée vers l’avenir : conserver son titre lors des Jeux Africains (3-18 septembre), obtenir la qualification pour les Jeux Olympiques, une qualification qui passe par l’élimination du Ghana (match aller aujourd’hui), adversaire coriace que les Camerounaises connaissent bien. L’année prochaine, le Cameroun doit accueillir le championnat d’Afrique de football féminin, une première. Mais le pays accuse un gros déficit au niveau des infrastructures, et si la Fécafoot a réussi à obtenir un report de plusieurs semaines (début le 19 novembre au lieu du 8 octobre), officiellement à cause des pluies, elle aurait préféré repousser la compétition de six mois. Il n’est pas exclu que l’organisation du championnat soit confiée à un autre pays.

 

Les rumeurs d’une démission d’Enow Ngachu commençaient à prendre de l’ampleur ces derniers jours, le sélectionneur en ayant assez des obstacles rencontrés dans l’exercice de ses fonctions. S’il a démenti les rumeurs pour le moment en s’adressant au quotidien Mutations ce jeudi, les propos tenus la veille n’incitent pas à l’optimisme pour une équipe pourtant si séduisante et pétrie de talents : « Il faut avouer que la situation des filles est critique. Ce n’est que demain que nous allons rentrer en stage. C’est pathétique pour une équipe qui doit disputer une rencontre internationale (ndlr : deux jours après le début du stage). Mais je crois qu’après 2016, je dois tirer ma révérence ». Quel avenir pour des Lionnes indomptables en pleine progression malgré les obstacles quotidiens à l’exercice de leur passion ?

 

Crédit photos : worldrefereee.com, camfoot.com

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