Entretien avec A. Genovese à propos du football féminin italien

Antonio Genovese évolue dans le football italien depuis de nombreuses années. Il nous parle de la situation actuelle du football féminin en Italie de son oeil expert (actuellement à la Res Roma), et des avancées et progrès à venir pour une discipline qui peine à se développer de l’autre côté des Alpes.

 

 

 

Quelle est la situation actuelle du foot féminin italien ?

A.G :  » Il a actuellement plusieurs années de retard sur l’Allemagne, la France, l’Angleterre… pour ne citer que quelques nations européennes. En Italie, les équipes sont amatrices, et seules quatre appartiennent à des clubs masculins professionnels et peuvent profiter d’installations de premier plan (Fiorentina, Lazio, Empoli, Vicenza). Mais il y a trop peu de visibilité à la télévision dans les journaux, et trop peu de sponsors. Avec des investissements et une meilleure visibilité on pourra grandir, mais pour le moment…

 

Est-ce qu’il y a eu des avancées ces derniers temps ? Est-ce que la Fédération semble vouloir développer le football féminin, y a-t-il un vrai plan pour le futur ? 

– Grâce aux initiatives personnelles des joueuses les plus connues sur les médias sociaux et sites dédiés, il existe plus de visibilité par rapport au passé mais trop peu encore pour faire décoller le mouvement. Pour le moment, il n’y a pas de véritable plan de la part de la Fédération, le but est d’insérer et de développer petit à petit la section féminine de clubs pro masculins.

 

De quelle façon la Fédération veut-elle développer les sections féminines des clubs pro masculins ?

– Grâce à la Fédération, les équipes professionnelles de Série A et B investissent. Cette saison, par exemple, les équipes de Série A devaient avoir deux équipes, U10 et U12, avant de devoir créer une catégorie « Jeunesse » pour la saison qui arrive. Le but est de créer un secteur jeunes au fil des années. Le problème c’est que pour l’instant, les équipes féminines, même si elles appartiennent à des clubs pro, ont le statut amateur. Aujourd’hui, les clubs masculins qui ont un secteur jeunes mais pas d’équipe première sont forcés de les voir partir, ou de les prêter parce qu’elles sont trop vieilles pour évoluer en U19. En général, cela se passe avec des clubs voisins, cela créé des rapports et des liens entre les clubs.

 

Les joueuses sont amatrices. Au niveau des entrainements, comment cela se passe ?

– L’entrainement dépend des terrains qui peuvent être utilisés. En général, on cherche à faire jouer les jeunes (deux à trois entrainements par semaine) l’après-midi, mais on n’y arrive pas tout le temps. Il faut savoir que même si tu as payé un terrain, tu es « invité » par une équipe masculine qui donne la priorité à son équipe, et malgré des accords en début de championnat, si une équipe masculine veut faire un match amical par exemple, on ne regarde pas si le terrain est occupé par des féminines, et on joue. Cela oblige les jeunes filles à trouver des solutions autour de cette problématique, avec les désagréments que cela occasionne pour les parents et les gens qui les accompagnent. 

Les équipes premières s’entrainent elles trois à quatre fois par semaine en Série A et B, à partir de 19h au plus tôt ou bien plus tard selon la disponibilité des terrains et des joueuses qui ont travaillé la journée.

 

 

 

 » Il n’y a pas de véritable plan de la part de la Fédération, le but est d’insérer et de développer petit à petit la section féminine de clubs pro masculins « 

 

 

 

Où en est l’équipe nationale ?

– A la tête de l’équipe nationale, il y a Antonio Cabrini, ancien champion du monde en 1982. Il obtient de bons résultats mais l’équipe pourrait faire mieux si elle pouvait disposer de meilleures installations et conditions pour les stages, comme c’est le cas pour l’équipe masculine.  

Selon moi, la différence entre avant et maintenant est que maintenant, on se fie plus au nom des joueuses qu’aux connaissances spécifiques du football féminin. Il faudrait au contraire désigner quelqu’un qui connait le football féminin, qui sait qu’entrainer des footballeurs ou des footballeuses est différent. Elles sont plus dynamiques. Il faudrait également voir toutes les équipes jouer et être en contact constant avec les clubs, assister aux entrainements aussi… il y a moins de personnes qui s’en occupe que pour la sélection masculine, et cela explique la convocation de joueuses, certes premières de leur championnat en Série B ou à l’étranger, pendant que des bonnes joueuses de Série A, qui auraient mérité au moins un stage, n’ont pas été prises en considération. On préfère appeler une grande joueuse même si elle n’est pas en forme en club plutôt qu’une autre dans la forme de sa vie, mais dans le ventre mou. 

 

Y a-t-il une star comme Vero Boquete en Espagne qui pourrait porter le pays vers le haut ?

– Pour le moment, je n’en vois pas. Mais je crois beaucoup plus au jeu d’équipe qu’aux individualités. Nous avons beaucoup de joueuses très fortes.

 

L’Italie a terminé troisième de la dernière Coupe du Monde U17, où en sont-elles ? Est-ce qu’il y a de gros espoirs parmi cette équipe ou les jeunes joueuses qui arrivent ?

– Les joueuses qui ont terminé à la troisième place de la dernière Coupe du Monde U17 jouent quasiment toutes en équipe prémière avec leur équipe. Quelques unes jouent dans des grands clubs et sont appelées en équipe d’Italie, comme Manuela Giuliano (en photo avec Antonio) et Aurora Galli. Il y a des joueuses très talentueuses qui arrivent, de cette équipe U17 ou non.

 

Vous avez entrainé des équipes masculines et féminines, qu’en retirez-vous ? 

– Mon expérience personnelle et mon ressenti, confirmé par des collègues, est qu’il est plus gratifiant d’entrainer les féminines. J’ai entrainé les deux, d’abord chez les jeunes, puis uniquement les équipes premières, et dans toutes les catégories, je me suis rendue compte d’une chose importante et gratifiante chez les féminines. Elles sont plus disciplinées, mais surtout, elles ne suivent pas les exercices demandés comme des robots comme chez les hommes. Si elles ne comprennent pas, elles te demandent à quoi sert l’exercice. Pour nous entraineurs, expliquer ce qui nous est naturel, cela ajoute à la fonction, on se retrouve également enseignant, éducateur. C’est enrichissant ».

 


Merci à Antonio Genovese de nous avoir accordé du temps, en espérant qu’il réalisera ses rêves d’entrainer en France et de contribuer au développement du football féminin en Italie. 

 

Crédit photos : Antonio Genovese, FIGC

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