Elodie Thomis : « J’ai trouvé ma voie »

Attaquante à l’Olympique Lyonnais et en équipe de France, Elodie Thomis est une femme de challenge. A 30 ans, elle suit une formation de camerawoman depuis 2015. Désireuse de mener à bien un projet auquel elle tient véritablement, cette native de Colombes nous explique la façon dont elle a décidé de préparer son « après-football ». Entretien.

 

 

A quel moment avez-vous commencé à penser à votre après-carrière ?

E.T : << Je dirais que c’est vers l’âge de 25 ans. Je me suis posée, j’ai réfléchi, et je me suis dit : « le foot, c’est cool, mais à un moment donné, il faudra se confronter à la dure réalité de la vie ». Je me suis posée des questions au sujet de ce que j’aurais voulu faire après. J’ai pris une année pour réfléchir et commencer à regarder ce qui pourrait me plaire, faire des tests également. J’ai pris rendez-vous avec David Huttin, qui s’occupe de l’espace « formation » à l’Olympique Lyonnais. J’ai pu discuter avec lui, et je lui ai dit que j’avais pour ambition de faire une formation dans les métiers de l’audiovisuel (tout ce qui concerne la caméra, précise-t-elle). Nous nous sommes tous deux penchés sur la question et, après réflexion, il n’était pas possible de concilier football professionnel et études. Il aurait fallu que j’aille dans une école à l’extérieur de Lyon, ce qui ne me permettait pas de pouvoir suivre le rythme des entraînements et des matches le week-end.

 

Que vous a-t-il proposé à ce moment-là ?

David Huttin s’est alors renseigné et m’a proposé une formation de camerawoman en interne, au sein du club. Je renouvelle ce « stage » de longue durée chaque année depuis 2015. J’ai trouvé que c’était une excellente idée, car cela me permet aujourd’hui de pouvoir concilier ces deux activités. Nous avons mis en place une convention, avec les personnes concernées. Aujourd’hui, j’ai un mentor, une personne qui s’occupe de moi individuellement et qui me coache sur un certain nombre d’éléments. Je touche un peu à tout, du film au montage, en passant par le son. Cela me plaît énormément ! J’essaie d’y aller autant de fois que possible dans la semaine, lorsque mon emploi du temps me le permet. Ce n’est pas facile, mais je pense que cela en vaut la peine. Je trouve ça génial, parce que la formation me plaît beaucoup et surtout que je peux la suivre à mon rythme. Cette activité me permet de couper un peu avec le football, qui reste ma passion bien sûr, mais cela fait voir d’autres choses. Dans une carrière de sportive professionnelle, il y a des hauts et des bas, et je trouve qu’avoir une activité annexe reste très important.

 

Vous préparez ainsi votre « après-foot ».

C’est en effet un moment important de ma vie. Je connais des personnes qui ont eu une très belle carrière mais, lorsque cette dernière s’est arrêtée, elles n’avaient pas pris assez de recul pour penser à leur avenir. On ne dirait pas comme ça (rires), mais j’ai entamé une réflexion depuis plusieurs années, car je ne veux pas me retrouver dans une situation similaire à l’avenir. Il est important d’anticiper les choses au maximum.

 

Ce n’est pas trop difficile d’être camerawoman ?

J’ignorais que les compétences requises pour ce métier étaient aussi développées. Lorsque je regardais, à l’époque, un match à la télé, je me disais : « c’est bon, il (le cameraman) est au bord du terrain, il tourne sa caméra en fonction de l’action et il filme ». Mais la réalité est bien différente. C’est une activité qui requiert des aspects techniques très importants ! Lorsque j’ai fais mes premiers pas à la caméra, j’ai trouvé cela un peu déstabilisant, mais les mécanismes se mettent assez rapidement en place finalement. Quand on pratique une activité de cameraman, on peut toucher un peu à tout. Demain, si on me demande d’aller filmer un match de football féminin, le fait d’avoir été joueuse constituera un avantage prépondérant. Cela va me permettre d’anticiper des phases de jeu et de déceler l’action qui pourrait être intéressante. Cependant, je ne veux pas me cantonner uniquement aux matches de foot ! J’ai envie d’apprendre un maximum d’éléments et de voir si je peux découvrir d’autres choses dans le milieu. Je suis axée sur ce métier de cameraman pour l’instant, mais je reste également concentrée sur le foot, c’est encombrant ! (Rires)

 

 

<< Un moment important dans ma vie >>

 

 

Concrètement, votre projet tourne autour des mondes de l’audiovisuel et de la communication…

Effectivement. Pour mener à bien ce projet, je suis partie sur une base. Aujourd’hui, j’apprends à tenir une caméra et à filmer. Cependant, je pourrai être amenée à aller interviewer des personnes. Il y aura alors toute une démarche de recherches d’informations, d’écriture et de réalisation qui sera intéressante pour moi. A ce propos, j’ai eu une petite formation sur deux jours l’année dernière. Une personne s’est déplacée de Paris pour me rencontrer et m’accorder de son temps. Il a été question de la réalisation d’interviews (ce qu’il faut faire et éviter), de l’écriture des questions (afin qu’elles soient pertinentes), etc. Il m’a appris énormément de petites techniques qui me permettent aujourd’hui d’être plus à l’aise dans ce que je fais.

 

 

L’idée, c’est que je puisse prendre une caméra, que j’aille filmer un événement sans être en difficulté dans l’interview et dans la manipulation technique, et puis que je sois aussi performante dans le montage. Je dois donc énormément à Stéphane Orezzioli, qui intervient dans plusieurs domaines (foot féminin, caméra, etc.). Par ailleurs, des journalistes d’OL TV me connaissent en tant que joueuse et, lorsqu’ils ont appris que je m’engageais dans un tel projet, ils sont venus me voir pour me livrer des conseils. Je connais un peu tout le monde au club, car j’y pratique le football depuis 2007. Dans tous les cas, j’essaie de me faire un maximum d’expériences, c’est toujours un plus !

 

 

 

Que faut-il pour être un(e) bon(ne) cameraman ?

Je suis très novice, j’ai encore beaucoup d’éléments à apprendre. Il y a des petites choses auxquelles il faut penser (lumière, zoom), et qui sont essentielles pour une bonne réalisation. Il faut répéter les actions au maximum, comme au foot d’ailleurs, afin que cela devienne des automatismes. Je pense qu’une formation sur le terrain est essentielle dans ce type de milieu. Il faut être assidu, à l’écoute, et surtout avoir une grande curiosité. Aujourd’hui, j’ai trouvé ma voie.

 

Vous attendiez-vous à trouver une telle opportunité de reconversion il y a quelques années ?

On me dit souvent que je suis quelqu’un qui « dort » dans la vie, qui est souvent détendue (rires). Mais je peux vous dire que je suis très réfléchie dans ce que j’entreprends. Comme je vous le disais, c’est à l’âge de 25 ans que je me suis mise en tête de penser à ma reconversion. J’avais le temps de me poser et de chercher ma voie. Ce n’est pas donné à tout le monde de bénéficier d’une année pour réfléchir. J’ai eu cette chance grâce à ma vie de footballeuse. C’est important, dans une carrière, de se poser les bonnes questions, et de ne pas se reposer sur ses acquis sportifs. Je le dis d’ailleurs aux jeunes qui feront du foot demain, il ne faut pas arrêter ses études car, même si vous allez bénéficier d’une belle vie durant plusieurs années, elle ne sera pas éternelle. Il faut essayer d’avoir ce recul et cette maturité pour penser à son avenir. Je ne sais pas si j’aurai eu l’énergie d’apprendre quelque chose après ma carrière, c’est pour cela que j’ai pris les devants. Demain, s’il m’arrive quoi que se soit, je sais que j’ai une solution et que je ne me retrouverai pas dans une situation difficile. J’aime bien être organisée.

 

Est-ce que d’autres filles de l’équipe s’intéresse également à leur « après-carrière » ?

Je sais qu’une dizaine de joueuses du groupe professionnel effectuent une formation en parallèle avec le club, ce qui va leur donner l’équivalent d’un Bac + 2. Elles prennent sur leurs temps de repos, je les vois travailler au quotidien, c’est une démarche que j’apprécie.

 

 

Que vous ont-elles dit lorsque vous leur avez appris que vous alliez effectuer une formation ?

Lorsque je suis arrivée au club en 2007, nous avons retrouvé une photo dans les archives, où je posais à l’époque avec la caméra d’Olivier Tolachidès (journaliste à OL TV). Nous étions dans un pays étranger afin de disputer les premiers tours de Ligue des Champions, alors que Farid Benstiti était encore entraîneur de Lyon (2001 à 2010). Je n’ai pas laissé fuiter d’informations durant l’année où je commençais à effectuer mes petites recherches. Au moment où mon projet s’est concrétisé, je l’ai avoué à toute l’équipe. Il y avait déjà des rumeurs à l’époque ! Dans le foot féminin, tout se sait. (Rires) Tout le monde était content pour moi, c’est toujours bien de voir une collègue exercer une autre activité en dehors du sport. Nous sommes toutes conscientes qu’il faudra faire quelque chose après notre carrière de footballeuse professionnelle. A ce moment-là, nous avons pu échanger. C’est très important.

 

Allez-vous terminer votre carrière à Lyon ?

Je pense plus que jamais à l’après-foot, même si j’ai encore de belles choses à vivre avec mon club. Je ne sais pas encore à quel moment je vais m’arrêter mais, malgré quelques blessures, je me sens bien physiquement. Je poursuis ce « double-projet » de footballeuse-cameraman, cela me plaît beaucoup. Vous savez, je n’aurais peut-être jamais réalisé cette formation si je n’avais pas eu cette carrière à l’OL. Je suis quelqu’un de fidèle, Lyon m’a toujours fait confiance et, malgré des propositions qui me sont parvenues, je n’arrive pas à me faire à l’idée de quitter ce club un jour.

 

A quoi rêvez-vous pour les années à venir ?

Je rêve de pouvoir me reposer et m’installer confortablement dans mon hamac, sur ma terrasse. (Rires) Plus sérieusement, je ne veux pas me précipiter, et je sais qu’il faudra prendre du recul pour envisager l’avenir. Certaines joueuses ont connu des fins de carrière et des reconversions compliquées, et je ne souhaite pas me retrouver dans une telle situation. J’essaye d’anticiper, je veux rester maître de mon destin. >>

 

Propos recueillis par Benjamin Roux

 

Crédit photos : olweb.

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