Des journées de 24h, entre foot et études supérieures

Peu professionnalisées, on évoque souvent les joueuses de foot de D1 ou D2 obligées de travailler entre les séances d’entraînement et leurs matches. Elles sont aussi nombreuses à étudier. Un rythme de vie tout aussi difficile, entre les cours, les révisions et les examens à ne pas rater, mais un bagage pour l’ « après carrière ».

 

 

 

Dans le minibus qui les emmène au match ce samedi après-midi, elles sont plusieurs à sortir les cahiers, les fiches de révision ou les livres à lire. Les footballeuses des équipes de D1 ou D2 sont nombreuses à mener de front leur carrière sportive, et des études. C’est le cas bien sûr, de toutes les joueuses sélectionnées en équipe de France universitaire, mais c’est aussi la double vie de nombreuses autres. Plusieurs nous ont confié « une organisation stricte » pour arriver à être « à fond » sur le terrain, et réussir en même temps des études « indispensables » pour la suite. 

 

Des emplois du temps qui se superposent

Maéva Clemaron reconnaît que ses journées sont « un peu serrées ». La milieu défensive de Saint-Etienne court entre son école d’architecture, en master 1 et ses cinq entraînements hebdomadaires. « Les semaines de rendu de projet à l’école, souvent je rate l’entraînement du lundi soir, la semaine dernière, c’était le rendu du trimestre, j’ai loupé l’entraînement du mardi aussi», reconnaît la joueuse, qui a toujours privilégié les études, mais sans jamais arrêter le foot. Pour arriver à tout cumuler, elle a passé sa licence en quatre ans au lieu de trois, « histoire de ne pas redoubler, et d’assumer sur les deux fronts ». 

Le secret : avoir de bonnes relations avec le coach, le club, et à l’école. « Quand je suis débordée, je préviens Hervé (Hervé Didier, l’entraîneur des féminines, ndlr) que je ne serai pas là, et quand les cours finissent à 19h, les profs me laissent partir à 17h30 parce qu’ils savent que j’ai entraînement, et je rattrape le lendemain ». Désormais, tout se passe bien, avec beaucoup de compréhension des deux côtés, mais Maéva reconnaît que les premières années de licence étaient plus difficiles. « J’étais moins bien organisée, je prévenais tard, et ça passait moins bien ».

Aujourd’hui, elle sait qu’elle « dort peut être moins que les autres », mais avec du café pendant les examens, un peu de vitamine D l’hiver et des nuits plus longues pendant les vacances, la joueuse parvient à réussir ses études et être à fond sur le terrain. « Des fois il y a un peu de frustration c’est vrai, les semaines où on est crevée, on est moins au top en match ». L’an dernier, elle a mis cinq mois à soigner « une petite entorse ». « Je ne trouvais pas le temps d’aller chez le kiné ».

 

 

 

 

Des examens décalés pour les sportives de haut-niveau

Solène Barbance est aussi un exemple de cette « double excellence » vantée par les responsables des équipes universitaires. Championne de France et Championne d’Europe universitaire avec l’Université Paul Sabatier de Toulouse et médaillée d’or aux Universiades l’été dernier en Corée du Sud, la joueuse de 24 ans est également titulaire d’un Master 2 en Ingénierie et Management des Organisations Sportives à l’IAE, obtenu à Toulouse en septembre dernier. « J’ai fait exactement les études que je souhaitais, donc ma vie de footballeuse de haut niveau n’a jamais été un frein pour mes études, l’inverse non plus. Néanmoins, je ne dis pas que cela a toujours été facile, il est clair que quand mes amis sortaient le week-end, je restais chez moi pour réviser et avancer sur mes cours. J’ai toujours essayé de jongler entre le football, les études, la famille et les amis, même si à l’approche des partiels, les études étaient prioritaires », raconte l’attaquante qui remercie ses professeurs d’avoir toujours été compréhensifs.

« J’ai rarement eu des périodes d’examens en même temps que les sélections, mais quand cela se produisait, avec mon statut de sportive de haut-niveau, ils étaient décalés ». Pour Laura Agard, en master 2 Sport et Territoires Option Aménagement des Equipements Sportifs et de Loisirs, à l’Université Paul Sabatier à Toulouse, « les règlements des écoles ne sont pas toujours adaptés aux sportifs de haut niveau, mais avec de la communication je n’ai jamais eu de problèmes », explique celle qui évolue en D1 à Montpellier et rajoute donc au sport et aux études de longues heures de route, particulièrement pénibles les dimanches soirs de match.

 

« Le risque pour les filles qui arrêtent les études est de se retrouver sans aucun bagage à la fin de leur carrière sportive »

Comme dans tous les sports, les footballeuses-étudiantes peuvent obtenir le statut de sportif de haut-niveau en montant un dossier auprès de leur école ou de leur ligue pour bénéficier d’aménagements. « L’organisation se discute entre le club, la fille et sa structure universitaire », détaille Philippe Rebot, directeur régional du sport universitaire de l’académie Orléans-Tours et manager de l’équipe de France universitaire de foot féminin. « Le but est vraiment de permettre à ces filles de mener les deux de front, mais les filles doivent de toute façon savoir s’auto-discipliner ». « Il y a des gens capables de le faire, d’autres non. Les étudiantes doivent avoir de la rigueur pour compartimenter les temps de sport, d’études et de repos au mieux », détaille le manager, qui encourage néanmoins ses joueuses à continuer leurs études. « Le risque pour les filles qui arrêtent, est de se retrouver avec aucun bagage pour rebondir à la fin de leur carrière sportive, alors que le foot féminin ne permet pas encore d’en vivre très longtemps »

 

C’est cette réalité qui a poussé Léa Rubio à aller au bout de son Master 2. Aujourd’hui professeur des écoles, elle raconte ses cinq années d’études, chargées par les entraînements et les matches avec Montpellier en licence 1, puis le PSG pendant trois ans, et enfin l’Olympique de Marseille pendant sa deuxième année de Master. « Le PSG aurait voulu que j’arrête les études pour me consacrer au foot, mais j’ai refusé, pour moi c’était important de finir mes études. Je savais que si j’arrêtais ce serait plus dur de reprendre dans quelques années ». Pour la joueuse désormais licenciée à Nîmes, mener les deux de front a demandé « énormément de boulot », mais elle ne regrette pas. « Je n’ai jamais voulu faire que du foot, j’ai besoin de voir des gens de différents milieux pour trouver mon équilibre », avoue-t-elle.

 

« C’est vrai, on rate les soirées étudiantes, mais on vit des choses tellement extraordinaires »

« C’est vrai je n’ai pas fait beaucoup de soirées étudiantes, mais on vit autre chose. Le mois en Corée l’an dernier avec l’équipe de France universitaire, c’est quelque chose de tellement extraordinaire, les stages… » Elle reconnaît aussi qu’elle a toujours pensé à la suite. « Dans le foot, quand ça va, on a la reconnaissance, et tout va bien. Mais du jour au lendemain tout peut s’arrêter, à cause d’une blessure (Léa a été arrêtée un an à Paris suite à la rupture des ligaments croisés, ndlr) et il faut préparer l’après-carrière, le foot féminin n’est pas assez avancé pour se permettre de mettre les études de côté ». Si elle ne regrette pas ses années d’ « équilibriste », elle reconnaît que son rythme de salariée est aujourd’hui « plus cool ». « Maintenant j’ai mon métier, je suis à l’abri ». « 
Aujourd’hui, le fait de ne plus avoir d’examens, de dossier à rendre, d’horaires contraignants (finir à 20h par exemple) ou de pression supplémentaire me fait beaucoup de bien, je me sens plus libérée pour m’exprimer pleinement sur le terrain », reconnaît aussi Solène Barbance. Maéva Clémaron, la « 6 » de Saint Etienne, a toujours entendu, elle aussi, ses coachs l’encourager dans les études. « Les pro ont de la chance, peut-être un rythme de vie plus cool aujourd’hui, mais je ne compare pas, les études sont aussi mon choix même si c’est plus dur de voir les amies d’enfance, les parents, surtout que les miens sont séparés… »

Malgré ces contraintes et l’organisation nécessaire, ces filles qui jonglent entre études et football ont des vrais atoûts pour Philippe Rebot. « Une fille qui est capable de s’organiser pour faire les deux doit être autonome et rigoureuse, c’est une forme d’intelligence que l’on retrouve aussi dans le jeu ».
Florie Lamy, a quant à elle choisi ses études en fonction du football. Après le lycée en sport-études à Dijon, puis un passage par le PSG, elle est revenue passer son baccalauréat à Moulins, et a choisi d’y rester pour continuer ses études. « Après toutes ces années à déménager, je voulais rester près de ma famille, et le club d’Yzeure (Yzeure-Allier-Auvergne) me plaisait ».

 

Les études au détriment du haut niveau

Elle opte donc pour un IUT technique de commercialisation à Moulins, la seule filière qui l’attire et qui n’est pas trop loin du club. « Je voulais continuer à jouer au foot, mais je sais que je ne ferai pas ma vie sur les terrains, donc j’ai besoin d’un métier pour gagner ma vie » reconnaît-elle, lucide. Elle cherche une licence universitaire pour l’année prochaine, mais regarde aussi les clubs alentours, même à plus faible niveau. « Je préfère sacrifier un an de foot à un an d’études : sauf à Paris ou Lyon, le football féminin ne fait pas vivre ! ». Il n’empêche, le choix d’un IUT lui permet d’assumer les deux sans trop de difficultés pour le moment (en plus d’un CDD de dix heures dans une grande enseigne de sport !). « On a pas mal de contrôle continu, et comme les entraînements sont en fin de journée, pas de souci pour les partiels ».

Dans l’équipe d’Yzeure, la plupart des filles sont aussi étudiantes, et elles se comprennent donc toutes, raconte Florie. « On révise nos cours dans le minibus le samedi, certaines ratent quelques matches ou entraînements à cause des cours. Une de nos joueuses est en fac de médecine, elle n’est pas venue pendant les périodes de révisions, mais le coach comprend ». Et si le statut de sportif de haut-niveau autorise ces joueuses à rater le lundi matin à l’école en cas de long déplacement le week-end, dans les faits très peu l’utilisent, et assument autant que possible. « C’est vrai que l’hiver c’est plus dur, il faut se motiver à sortir à l’entraînement, et en rentrant se remotiver pour rouvrir les bouquins, mais c’est un choix », reconnaît Florie Lamy. Un choix pour l’avenir.

 

Crédits photos : équipe de France championne du monde en Corée / amphithéâtre d’université / Solène Barbance .

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