Des conditions de pro pour les filles des pôles espoirs

Six pôles espoirs, en plus du Pôle France, accueillent en France une centaine de jeunes footballeuses. Des adolescentes douées, qui rêvent de faire du foot leur métier. Des adolescentes qui doivent pour vivre leur rêve, respecter de règles strictes, et assurer au lycée… Reportage au pôle espoirs de Tours.

 

 
 

Au lycée, rien ne les distingue des autres adolescentes, si ce n’est qu’elles portent sûrement un peu plus de jogging que la moyenne. Les 22 filles du pôle espoirs de football féminin de Tours sont des adolescentes comme les autres… mais leur rêve reste encore fou en France : devenir footballeuse professionnelle.

Créé il y a quatre ans, le pôle espoirs de Tours est le cinquième à voir le jour en France. Il recrute des adolescentes du Centre-Ouest, d’Ile-de-France et des Dom-Tom (très peu). Son but : « Former les filles de 16 à 18 ans à une pratique de haut-niveau. Les préparer à répondre aux exigences du football d’élite. Favoriser l’épanouissement des individus », détaille le site de la Fédération française de football.

Sur place, les filles savent pourquoi elles sont là. « Toutes ne deviendront pas footballeuses professionnelles, mais l’objectif est que la plupart rejoignent la D1 à leur sortie du centre », précise Emilie Dos Santos, la directrice et ancienne joueuse de Soyaux.

 

 

Triple objectif sportif, scolaire et citoyen

On retrouve les apprenties footballeuses à la sortie du bus –spécialement réservé pour elles par le Pôle- qui les amène du lycée au stade de Chambray-les-Tours, leur lieu d’entraînement et camp de base. Elles « checkent » Valentin et Tristan les deux jeunes en service civique qui les aident dans leurs études, préparent le matériel des entraînements, les emmènent de la gare à l’internat le dimanche soir et à leurs rendez-vous médicaux. Devant Émilie Dos Santos, elles arborent par contre un « Bonjour » poli et serrentla main. La discipline se fait sentir. « Le centre est basé sur un triple projet sportif, scolaire et citoyen », présente la directrice qui insiste sur la rigueur nécessaire pour être en forme sur le terrain pendant trois ans, suivre les cours au lycée (général ou professionnel, un atoût du pôle de Tours) avec de bons résultats et respecter les consignes, les personnes qui les entourent et s’impliquer dans la vie, notamment à travers un parcours citoyen. « Elles ont la chance d’avoir des conditions idéales pour réaliser leur rêve, mais on insiste sur la discipline à avoir dans une structure comme la nôtre, de haut-niveau». « On est encadré pour progresser », résume humblement Clémentine Canon, en terminale ES et troisième année au pôle. Derrière ses grands yeux bleus on sent la détermination.

 

 


 

Un programme millimétré

Chaque jour, le programme est millimétré. Lycée -Grandmont pour le bac S, ES ou STMG et internat ou Victor Lannoux pour celles qui suivent un bac pro commerce. Cantine. Bus. Entraînements. Massage ou suivi médical. Retour à l’internat. Etude. Cantine. Repos.

Les conditions feraient pâlir d’envie certaines équipes, y compris de D1. Au pôle, les filles ont un vestiaire réservé, où elles laissent leurs affaires, qui y sont même lavées et séchées, une salle médicale où elles rencontrent docteur, kiné et podologue plusieurs fois par semaine. Un coordinateur médical, médecin à la retraite, les suit aussi individuellement et une diététicienne vient à leur rencontre directement à l’internat, tout comme le kiné, qui les masse chaque soir après l’entraînement. « La première année, le rythme est très dur physiquement, les entraînements chaque jour et les matchs le week-end fatiguentle corps, mais le programme est adapté pour une progression en douceur, et on sait ce qu’on veut », rassure Philomène Pagnoux, la n°6 de Soyaux, en 3e année au Pôle. Même si deux joueuses ont dû quitter le pôle suite à des blessures longue durée l’an dernier, la plupart gardent la forme nécessaire.

 

Photos dédicacées dans les vestiaires

Dans les couloirs des vestiaires les photos dédicacées de Solenne Ninot (PSG) et Anna Clérac (ASJ Soyaux), qui ont atteint la D1, rappellent à toutes l’objectif. Mais les filles gardent la tête sur les épaules.

« Bien sur devenir footballeuse est notre objectif à toutes, reconnaît Philomène, l’exception du pôle, en avance d’un an et inscrite en fac de droit. « On doit assurer nos arrières avec les études, le football féminin n’est pas assez développé pour pouvoir en vivre. Si ça marche quelques années tant mieux, mais il faut penser à la suite ». Elle vise les diplômes d’éducateur ou pense à la police. Mais pour l’heure, elle veut « engranger un maximum d’expérience pour rejoindre le groupe U18 en stage à Clairefontaine ». Ses deux sélections en U16 l’ont motivée comme jamais.

Privée d’entraînement aujourd’hui pour un scanner obligatoire pour toutes les filles des Pôles, elle s’entraînera davantage demain. « Ce n’est pas une contrainte, on vit notre passion. On a que trois ans pour tout apprendre, et il faut rester régulière dans nos prestations, c’est ce qui est le plus dur ! ».

 

Débriefing vidéo

Pour les autres, la séance commence par un débriefing vidéo de leur match du week-end, où la directrice insiste sur les points faibles à travailler. « Nina, il faut te placer plus bas sur ta ligne des milieux… heureusement là en face elles ne jouent pas bien le coup offensivement ». Séquence suivante. « Vous voyez le temps perdu, demain on travaille sur le  » je défends en avançant « , vous en avez besoin ». Emilie Dos Santos appuie là où ça fait mal, mais pédagogue, elle distille aussi quelques bons points, et propose aux filles qui le souhaitent des commentaires individuels. Place ensuite à la pratique. Il fait à peine dix degrés dehors, mais au bout de dix minutes elles ont toutes retiré leur parka.

 

Alexis Cuvillier, l’adjoint d’Emilie et ex-gardien de but, assure l’entraînement. Pas de temps morts, les filles passent, contrôlent, défendent, attaquent, marquent… En l’absence de Laurent Majchrzak, l’entraîneur des gardiennes, Valentin prend le relais. Emilie observe tout. « Cloé, fais des belles relances, pas de rebond je t’ai dit » s’énerve-t-elle, contre la jeune première année, gardienne de l’US Orléans (DH).

À la fin de chaque mini-match, les perdantes font cinq pompes. « Et les gagnantes… On n’est pas là pour se féliciter comme si on était au tournoi de fin d’année : vous allez chercher les ballons pour attaquer directement le prochain match, on travaille là ! », insiste la directrice.

 

Un lien étroit avec les clubs

C’est déjà l’heure de la douche, le car pour rentrer à l’internat va arriver. Emilie fait le point pour les rendez-vous chez le kiné. Elle appellera aussi quelques parents pour leur donner des nouvelles. L’implication des proches et des entraîneurs en club est indispensable pour pousser les filles le plus loin possible. « Chaque dimanche soir, les entraîneurs me préparent un topo du match du week-end » raconte Alexis Cuvillier, qui prend le temps de les étudier pour préparer les séances sportives et renvoie, lui, un compte-rendu de la semaine détaillé pour chaque fille, chaque vendredi. Les parents sont, eux, conviés au Pôle en début d’année, puis viennent les voir de temps en temps. « On leur demande d’être dans le projet, c’est indispensable » insistent les dirigeants. « Mes parents m’ont plutôt poussée vers la danse petite, mais maintenant ils sont derrière moi à fond », reconnaît Philomène.

L’expérience ne dure que trois ans, et les filles la vivent à fond. Ensemble. « On n’est pas concurrentes, mais c’est vrai on joue peu ensemble, et il faut retrouver les automatismes quand on rentre en club ». Elles mettent par contre toute leur motivation dans les inter-pôles régulièrement organisés. « C’est des moments où on peut montrer ce qu’on vaut et voir le niveau des autres filles de ces structures », analyse Philomène. Des filles qui seront leur concurrentes pour les sélections nationales de jeunes. Enfant, Clémentine jouait avec les garçons, et rêvait d’intégrer un jour l’équipe de France féminine. « J’ai réalisé mon rêve avec les U16, maintenant, l’objectif, c’est la D1. » Elle vise l’équipe de Soyaux, où elle joue déjà en U19. « C’est le plus près de chez moi ».

Cette année, deux anciennes de Tours ont été championnes d’Europe avec les U19. Anna Clérac et Julie Thibaud sont des exemples pour les filles. « Le pôle est jeune, j’espère que dans quelques années on aura d’autres noms à vous citer », complète dans un sourire Emilie Dos Santos. Car pour les jeunes, les modèles sont plutôt Wendie Renard, ou Camille Abily.

 

                                             

                                                                                                     

Crédit photos : Lucie Tanneau / Pôle espoirs Tours

 

 

blender bitcoin bitcoin mixer bitcoin blender blender io cryptomixer