Dans le jardin des championnes du monde (3/4)

Il y a sept mois, les joueuses de l’équipe nationale australienne refusèrent de se rendre aux États-Unis pour y disputer deux matches contre les championnes du monde en titre. Retour sur les ondes de choc provoquées par ce mouvement de grève à sensation, et sans précédent dans les annales du sport féminin.

 

 

 

Depuis 1991, les joueuses américaines ont toujours atteint le stade des demi-finales du Mondial pour un total de trois trophées alors qu’elles comptent également quatre titres de championnes olympiques. Difficile pour un onze national de pouvoir avancer pareil palmarès. Un palmarès qui doit beaucoup au souci de parité affiché très tôt au plus haut sommet de l’État.

 

Taille IX

« Je crois que l’une des plus fabuleuses transformations de notre société fut de donner, à travers le Titre IX, l’opportunité à nos jeunes filles de pouvoir s’exprimer sans retenue.» Dixit Barack Obama au mois de mai 2014. De quoi parlait le 44e président américain ? D’une législation introduite en 1972 sous l’ère du Républicain Richard Nixon. Celle-ci voulait que toute aide financière de l’État destiné à l’éducation soit redistribuée de manière équitable entre filles et garçons. Cette rupture brutale avec les habitudes du passé ouvrit de nouveaux horizons aux jeunes Américaines, notamment dans le domaine du sport. Et plus particulièrement au football. « Qu’est-ce qui est à l’origine de ma carrière et de celle de beaucoup d’autres filles, témoigne dans son autobiographie Brandi Chastain l’héroïne du Mondial de 1999 ? C’est le Title IX.» Ce que concède volontiers son ancienne coéquipière Julie Foudy : « L’introduction de cette législation a eu une influence directe sur le football féminin aux États-Unis. Sans elle, qui sait si nous aurions remporté à trois reprises le Mondial et décroché quatre fois les lauriers olympiques ?»

 

Quid du contrat fédé US ?

Avec une Ligue nationale qui vient de débuter sa quatrième saison (historique), l’élite du football américain survit grâce à la reconduction de conventions collectives, voire aujourd’hui sur un simple protocole d’accord. Pour l’instant, celui-ci assure un contrat-fédé (US Soccer) à vingt-quatre internationales, dont dix huit d’entre elles seraient rémunérés 72 000$. Ce protocole d’accord s’appuie en ce moment sur une convention collective expirée en 2012, et qui était déjà beaucoup plus bétonnée qu’en Australie : les internationales américaines bénéficiant de multiples bonus en cas de qualifications ou de victoires sur une grande compétition, et d’une ribambelle d’autres ‘avantages’. Exemple : pendant sa maternité, une joueuse continue de percevoir 50% de son salaire – et 100% sur au moins les premiers trois premiers mois à son retour sur les terrains. Seul bémol, l’impossibilité pour une joueuse sous contrat-fédé de signer dans un club hors États-Unis.

 

Quid des gains de l’élite US ?

Á la milieu de terrain Carli Lloyd, le titre de joueuse de l’année, mais c’est Alex Morgan qui mène la danse au hit parade des rémunération. Ses revenus annuels seraient aujourd’hui évalués à 2,8 millions de dollars (**) grâce à ses très nombreux contrats-sponsors. Une somme certes rondelette mais qui ne permet pas, évidemment, à l’attaquante de la nouvelle franchise de l’Orlando Pride d’intégrer le Top 100 des salaires du sport (tout sexe confondu). D’ailleurs, selon le magazine Forbes, on n’y retrouve que deux sportives : Maria Sharapova et Serena Williams, deux tenniswomen.

 

Bras de fer

Entre les joueuses américaines et leur fédération, le torchon a souvent brûlé depuis les années 90. Quelques mois avant la tenue des Jeux Olympiques d’Atlanta, des membres de l’équipe américaine, mensualisées alors à hauteur de 1 000 $, avaient boycotté un camp d’entraînement, réclamant au passage de  recevoir (au même titre que les hommes) une prime en cas de médaille. Ces derniers mois ont été tendus : la fédération a porté en justice le syndicat des joueuses. L’US Soccer estime avoir passé fin 2012 avec les joueuses une convention collective qui court jusqu’à la fin de l’année alors que les championnes du monde en titre préfèrent parler là d’un protocole d’accord – ce qui leur permettrait du même coup de pouvoir dès à présent renégocier à la hausse une nouvelle convention collective. Il faut dire que celles-ci se trouvent en position de force. Leur aura n’en finit plus de grandir. Comme preuve, le record de spectateurs pour un match de NWSL battu par Orlando Pride le week-dernier pour le… premier match à domicile de l’histoire de la franchise (23 403 spectateurs).

Ces dernières semaines, ce sont les joueuses qui ont porté plainte contre la fédération par la voix de quatre de ses membres les plus en vue, Carli Lloyd, Becky Sauerbrunn, Hope Solo et Alex Morgan pour demander l’égalité des salaires avec l’équipe nationale masculine. Avec une menace de boycott des Jeux Olympiques à la clé. Simple menace pour donner du poids à leur demande ou réelle volonté d’aller au bout de leurs idées alors que l’équipe se présente unie, et soutenue par de nombreuses joueuses dont l’équipe nationale australienne, on le saura dans les prochains mois…

 

(*) Approximativement, 1 Euro = 1,1132 Dollars US.

(**) Á titre de comparaison, les joueuses françaises les mieux payées toucheraient entre 120 000 à 180 000 euros par an.

 

 

Les épisodes précédents à lire :

Le salaire de la joueuse (1/4)

Les contrats fédéraux (2/4)

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