D1-J19 : La guerre des nerfs continue

course au maintien D1 féminine
Les cœurs et les esprits se sont encore emballés ce week-end. Que ce soit l’OM, largement battu par le PSG, Albi et Rodez qui se sont neutralisés dans le derby, ou Lille qui a obtenu une victoire précieuse à Guingamp, toutes les joueuses ont vibré. Car la bataille pour le maintien peut-être aussi dévastatrice que bénéfique.

Comme prévu, les nerfs ont été mis à rude épreuve lors de cette 19e journée de D1. Ce fut le cas à Bordeaux où Montpellier a gâché par un nul (0-0) tout le travail qu’il avait réalisé il y a trois semaines contre Paris dans la course à l’Europe. Ce résultat vient aussi confirmer la montée en puissance des Girondines, qui pointent à la 5e place du championnat, à un point du Paris FC (4e). Le bénéfice de ce maintien arraché à la dernière minute la saison passée ? « Emotionnellement, c’est l’un des meilleurs souvenirs de ma carrière ! », commence Delphine Chatelain, qui rajoute, un brin taquine : « Je suis sûre qu’on était plus contentes que Lyon (sacré champion de France pour la 11e fois de suite, NDLR), tellement elles sont aussi habituées à gagner ». Puis la défenseure embraye : « Cette année on tient plus la balle, on crée du jeu, on a moins peur aussi ! Et plus tu vas chercher les équipes, même les gros, plus tu les embêtes ». Son coach, Jérôme Dauba, lâche de son côté : « Si ça a conditionné cette saison ? Forcément, parce qu’on n’a pas voulu revivre la même galère ! ».

« Se focaliser sur le jeu et pas sur l’enjeu »

Evidemment il rappelle que son effectif, auquel il a ajouté des joueuses de qualité (Erin Nayler, Niamh Fahey, Lindsey Thomas) et conditionnées au maintien (les ex-Ruthénoises Solène Barbance et Chloé Bornes, ou l’ancienne joueuse de Saint-Etienne Rose Lavaud), s’est amélioré. Mais que l’expérience acquise lors du maintien a aussi donné ce supplément d’âme à Bordeaux : « Ce qu’on a vécu sur les 4 derniers matches (l’année dernière) avec les joueuses, ça a été quelque chose de très fort sur le plan humain. Parce qu’on a été là les uns pour les autres. Personne n’a triché, personne n’a joué un jeu…. Nous on savait qu’on était capable de le faire, et après ça a été un enchaînement de circonstances qui ont fait qu’après les matches on y a cru de plus en plus ».

Car les joueuses ne sont pas les seules à souffrir de cette course au maintien. Très souvent, le staff sue lui aussi à grosses gouttes. Des ongles mâchouillés et des petits spasmes, voilà ce qu’on peut observer sur le banc du bord du terrain, reflet du stress qui accable aussi les coaches et autres membres du staff technique : « Il ne faut se focaliser que sur le jeu et pas sur l’enjeu. Et malheureusement c’est compliqué, parce qu’on est jugé que par le résultat et le classement », rappelle Jérôme Dauba, pour qui fixer un cap duquel on ne dévie jamais est le meilleur moyen de faire abstraction de la pression.

Incertitude, pression et attaque cardiaque

« Le match ce n’est que la conséquence de ce qu’on fait à l’entraînement, on est conscient que sur ces rencontres, il y a un paramètre qu’on ne maîtrise pas, c’est la valeur de l’adversaire. Donc finalement on reste un peu démunis le jour du match. Par contre on a une philosophie de jeu, et il faut absolument se raccrocher à ça ». Le coach bordelais est la preuve vivante que cette pression peut avoir de graves conséquences, puisqu’il a lui-même été victime d’un accident cardiaque qui l’a mis au repos forcé fin janvier dernier, dû à du surmenage. « Mais tout va bien aujourd’hui et je suis au mieux pour terminer cette saison », rassure le coach.

Pour s’éviter un maximum de pression, le président albigeois Bernard Espié a sa propre technique : « On n’a pas d’influence sur le match en lui-même non, mais justement on essaye de les mettre dans les meilleures conditions, d’envoyer des ondes positives, du soutien… Dans ce style-là, par exemple, on a eu l’opportunité de faire venir Elie Baup (début avril, NDLR) et il est venu les encourager, voir l’entraînement et discuter avec les joueuses », raconte le dirigeant à la moustache, alors que le club avait aussi lancé une grosse campagne de mobilisation pour le derby contre Rodez sur les réseaux sociaux. Pour lui, c’est surtout cette incertitude qui règne qui ne facilite pas le travail : « Il est temps de réfléchir à la saison prochaine et malheureusement on ne peut pas le faire ».

« Il nous reste 3 matches abordables »

Cela sera encore le cas lors des prochaines semaines car le nul concédé contre Rodez (1-1), laisse Albi en position de premier non relégable, avec un calendrier moins favorable que ceux de ses concurrents directs, qui s’affronteront souvent lors de duels à couteaux tirés pour la survie dans l’élite. « Il y a des regrets, forcément, parce que ça fait 3 semaines qu’on préparait ce match, qu’il y a des personnes qui ont tout fait pour qu’on l’emporte. Mais il ne faut pas voir que le négatif, surtout qu’il nous reste 3 matches abordables », explique la buteuse du week-end, qui va devoir défendre sa peau en D1 face à Guingamp, Fleury puis Montpellier dans les semaines à venir. « Si on affiche le même état d’esprit, la même combativité que face à Rodez, je ne me fais pas de soucis. Je suis confiante, surtout quand on voit les matches aller, on a gagné chez nous à Guingamp (2-0), c’était l’un de nos meilleurs matches de la saison et je pense qu’on peut réaliser la même prestation. Contre le Paris FC on a perdu 1 but à 0 sur une erreur de marquage suite à un coup de pied arrêté, mais dans le jeu elles ne nous ont pas posé de problème, donc chez nous, on peut aller chercher la victoire », assure l’attaquante.

Accablée, comme bon nombre d’adversaires et de partenaires, la Ruthénoise Flavie Lemaître faisait elle aussi part de la déception d’avoir laissé échapper des points dans un match décisif, à nouveau : « Je suis frustrée parce que le but on leur donne un peu sur une accumulation d’erreur, on a une occasion franche en première mi-temps qui nous aurait permis de revenir à 1 partout plus tôt et d’aller chercher autre chose sur le reste du match… Maintenant il faut se remettre au travail dès demain (lundi) à l’entraînement et essayer de pallier tous ces petits défauts !».

Une usure qui s’installe à l’année

Si le maintien a du bon pour certains, l’attaquante ruthénoise fait aussi état d’une usure qui s’installe sur les années. Une fatigue à laquelle elle n’échappe que lors de ses vacances, entre mi-juin et mi-juillet : « Il faut deux ou trois semaines où on coupe vraiment, pour arrêter de penser au foot, parce qu’on est sollicitées toute l’année ! Moi en tout cas je sais que je fonctionne comme ça, il n’y a plus trop de foot, plus trop de gens du foot, je fais ma vie à côté parce que si je ne fais pas ça et que je suis dans la projection de la saison prochaine, je ne tiens pas ! ». Tout cela si, bien sûr, on part avec des certitudes : « Il faut un cadre de travail dans lequel on sait qu’on va pouvoir travailler. Par exemple l’année dernière on a mis du temps avoir de connaître le nom du coach, ça nous avait déjà pas mal pris la tête (Nicolas Piresse, qui devait prendre la succession de Sébastien Joseph, s’est désisté à la dernière minute, NDLR)… Mais une fois que c’est établi, on part ! ».

Avant de rêver aux plages de sable blanc ou autre, il y aura une fin de saison éprouvante en partie du fait de ce match nul décevant, qui laisse Rodez en position de relégable. Pour éviter d’y repenser, celle qui a inscrit le but égalisateur avait déjà prévu une bonne soirée de repos dimanche soir, « avec un bon film », avant de repartir pour une nouvelle semaine d’efforts. Ce n’est pas toujours le cas, puisque pas mal d’équipes visiteuses repartent parfois en bus, pour de longues heures, ce qui implique de terminer le week-end sur les routes de France. « Mieux vaut avoir gagné ! », reconnait dans un sourire Cazeau, qui profite des matches à domicile pour fêter la victoire avec ses coéquipières, ou alors tranquillement sur le canapé- « avec le petit Mac Do du dimanche (rires) » –devant le match de Ligue 1.

« Travailler à côté, ça fait partie de mon équilibre »

En effet, si les professionnelles de Lyon, Paris ou Montpellier- ainsi que certaines joueuses de Guingamp, Lille, Bordeaux ou Fleury, peuvent se concentrer uniquement sur le foot, d’autres doivent directement pointer au travail le lundi matin. « Quand on perd un match, ça me poursuit oui, avoue la défenseure albigeoise Manon Rouzies. Surtout des matches « à notre portée », c’est vrai que ce n’est pas évident d’aller travailler après, on a encore le match en tête. Mais bon c’est juste le cas le lundi, puisqu’après ça part dans la semaine, parce qu’on est obligées de voir plus loin ». Et surtout assurer aussi au travail, ce qui n’est pas gagné d’avance pour cette ostéopathe établie à son compte à Toulouse : « J’ai besoin d’assez de concentration pour pouvoir soigner mes patients, quelle que soit ma vie à côté, et je suis obligée d’être la même avec tous. Le foot prend assez de place dans notre vie, donc il faut savoir faire la part des choses et ce n’est pas évident, si on avait que ça à penser c’est vrai que ce serait bien plus simple ! ».

Delphine Chatelain, qui insiste aussi sur la difficulté de séparer foot et travail- elle qui s’occupe de l’organisation d’évènements pour les Girondins -pense le contraire : « Je sais que j’ai besoin de travailler, ça fait partie de mon équilibre. Je n’ai jamais était habituée à vivre du foot donc j’ai toujours continué à faire mes études, puis à travailler… Je me suis toujours conditionné comme ça ! ». « Je me dis que je n’aimerais pas passer ma journée à n’être que dans le foot, va-t-elle jusqu’à assurer. Quand tu es une jeune joueuse et que tu sais que tu peux devenir pro, ton conditionnement n’est pas le même, bien que je pense que dans tous les cas, c’est important d’avoir un plan B ».

Des hourras pour les Lilloises

Sans oublié que certaines joueuses sont connues des habitants (et souvent fans), dans des municipalités moins grandes qu’en région lyonnaise ou parisienne. A l’image de Flavie Lemaître, qui confirme : « Rodez c’est une petite ville ! Moi je travaille au club (elle gère l’école de foot, NDLR), donc c’est encore pire, mais il y a des filles qui bossent à l’extérieur, et du coup les gens t’en parlent ! Vu que tu joues au RAF, la seule équipe féminine au plus haut niveau dans un coin où on parle pas mal de foot, tu croises forcément quelqu’un que tu connais dans la rue, et il va te parler de ça… ».

Connaissant la ferveur qui accompagne le football pratiqué par les femmes dans le Nord, les joueuses du LOSC ont dû recevoir de beaux messages de félicitations si elles ont croisé des fans en ce début de semaine. La victoire étriquée (1-0) obtenue face à Guingamp ce week-end a donné un grand bol d’air aux Lilloises pour leur première saison dans l’élite. Avec 4 points d’avance sur la zone rouge mais une fin de saison très compliquée (déplacement au PFC, puis réception de Montpellier, et déplacement à Bordeaux).

A Marseille, l’OMerta ? 

Si Fleury a deux points d’avance sur Rodez avec deux matches en retard, les Franciliennes vont continuer de trembler puisque ces deux rencontres les opposeront… à Paris et Lyon. Le déplacement sur la pelouse du RAF, le 13 mai, devrait donc lui aussi être vital pour les deux équipes. En revanche, si elles ont là encore promis de tout donner jusqu’à la fin, les Marseillaises n’ont pas réalisé l’exploit de s’imposer contre le PSG (0-4), ce qui devrait entériner définitivement leur descente en D2. Un gros coup dur pour une équipe si surprenante l’an dernier (4e), mais à qui il a manqué beaucoup de choses cette saison. Les supporters (et observateurs) n’ont pas manqué de notifier toute l’année un certain désintérêt de la direction du club pour sa section féminine, qu’il avait pourtant su si bien accompagner l’année passée.

Christophe Parra a voulu à tout prix protéger son groupe cette saison, d’où la difficulté d’obtenir vraiment la réponse au pourquoi d’un exercice si chaotique. Mais le recrutement s’est montré décevant dans l’ensemble, et même l’animation du site internet du club, pourtant bien alimenté la saison dernière, s’est désépaissi. La preuve qu’à l’OM, on a cessé de soutenir les féminines, comme le laisse entendre certains ? Après un match très compliqué face à Lyon, puis deux rencontres (Rodez et Guingamp) où la victoire sera impérative, Marseille sera enfin fixé sur son sort et il ne subsistera alors plus que des regrets. Car l’effectif olympien est de qualité, avec des internationales (ou ex-internationales) françaises (Asseyi, Cissoko, Gadéa, Bretigny) ou étrangères (Fridriksdottir, Alidou d’Anjou, Ferral). Une équipe qui, sur le papier, fait beaucoup plus trembler qu’Albi ou Rodez par exemple. Mais plombées par des scénarios défavorables et des contre-performances, les Olympiennes ont, malgré un grand courage, beaucoup manqué de confiance. La preuve que, peu importe votre talent balle au pied, mieux vaut une tête solide pour l’accompagner.

Classement D1

Calendrier D1

Tous propos recueillis par Vincent Roussel

Crédits photos : Vincent Roussel pour Foot d’Elles / Capture d’écran Twitter PSG féminine / Capture d’écran twitter / Mica GB M PhootoRafettes /  Jean-Louis Bories – Centre Presse Aveyron

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