Carole Bretteville : « Je n’ai jamais compris pourquoi le sport avait un sexe »

Carole Bretteville est une passionnée de sport. Dirigeante, formatrice, elle œuvre pour l’égalité et une meilleure reconnaissance des femmes dans le monde sportif, mais aussi dans les entreprises. Le tournoi de Footworking arrivant le 19 novembre à Saint-Priest (69) tombe à point nommé. Entretien.

 

 

Le tournoi de Footworking aura lieu dans quinze jours (Samedi 19 novembre) à l’Urban Soccer de Saint-Priest, en région lyonnaise. Le thème de l’événement : « Femmes en entreprise, femmes en recherche d’emploi ». Tout au long de la journée, des équipes féminines s’affronteront avant un échange et une rencontre avec des sportives de la région en fin de tournoi. Carole Bretteville participera à cet événement. Découvrez notre troisième portrait consacrée à cette dirigeante engagée.  

Comment se passe votre vie de dirigeante ?

C.B : « J’ai toujours été une passionnée de sports. Les sentiments de bien-être et d’estime de soi que m’a toujours apportés la pratique des activités physique et sportive dans ma vie personnelle et ma carrière personnelle sont importants. Ma vie de dirigeante a pris une telle importance que je m’oriente vers un poste professionnel à la FFSE (Fédération Française du Sport en Entreprise). En congé sabbatique (11 mois) auprès d’une société d’assurance mutuelle, je relève un nouveau challenge, celui de développer la Ligue Grand Est de sport en entreprise, et de poursuivre l’essor du sport féminin dans les entreprises au niveau national.

 

Quelles sont vos actions au sein des différentes missions dans lesquelles vous intervenez actuellement ?

– J’ai commencé par être dirigeante auprès du CDSE (Comité Départemental de Sport Entreprise) en 2005, afin de pouvoir pérenniser le championnat de volleyball sport entreprise, que nous avons créé avec quelques joueurs en 2005. C’est le président de l’amicale sportive du Crédit Mutuel, Jacques Guerrini, qui m’a proposé de prendre en charge ce championnat et de représenter l’amicale auprès du comité départemental du Bas-Rhin. Dès ma prise de fonction, nous avons mis en place une division féminine, et nous avons essayé de communiquer sur la mixité des équipes. Cet engagement départemental est devenu régional, puis national auprès de la FFSE.

Dès 2009, le président de la FFSE Didier Besseyre m’a demandé de créer la commission « Femmes et Sport » afin de diagnostiquer la place des femmes dans le sport entreprise sur le plan national. Afin de mener à bien cette mission, j’ai suivi la formation WILD (Women’s International Leadership Development) qui m’a permis de développer mon réseau. C’est ainsi que les dirigeants du CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) m’ont demandé de représenter l’organisation au sein du réseau européen EWS (European Women and Sport), et que j’ai participé aux différentes réunions de la commission femmes et sport. Ces réunions, conférences, séminaires, permettent d’échanger sur le bon développement de la pratique du sport féminin, mais également de trouver des leviers pour augmenter le nombre de dirigeantes, lutter contre les violences dans le sport (discrimination, sexisme), ainsi qu’améliorer la médiatisation.

 

 

 

Vous avez également rejoint l’association « Fémix’Sport Alsace ».

– J’en suis effectivement devenue présidente en 2014. Les rencontres que j’ai pu faire à la FFSE m’ont permis de déterminer une stratégie pour notre fédération. L’une des premières actions a été de rendre statutaire la commission « femmes et sport » de la FFSE, afin qu’elle ne soit pas rattachée à une personne seulement, et qu’elle puisse s’exprimer à chaque assemblée générale. Aujourd’hui, les premiers indicateurs analysés pour le sport féminin en entreprise ont été simples à gérer et le bilan est clair : notre communication devrait être plus « mixte » et se féminiser. Par la suite, nous avons créé des offres spécialement féminines telles que les « Fées du sport » (qui est un événement incontournable dans le paysage du sport entreprise) et « Zumpie Interentreprises ». Cette nouvelle dimension de la FFSE a permis de fédérer nos différentes ligues sur les thèmes de la féminisation et de la diversité.

 

Sur quels éléments continuez-vous de travailler actuellement ?

– Aujourd’hui, nous travaillons dans l’optique de proposer à nos entreprises affiliées, des rencontres sportives qui se déclinent au masculin comme au féminin. Nous proposons d’organiser des événements spécialement conçus pour les salarié(e)s. Ces différents mandats m’ont permis d’avoir un regard général sur la pratique féminine (freins et leviers), et je suis donc devenue « experte européenne ». Cette expertise me permet d’être reconnue auprès de l’APES (Accord Partiel Elargi du Sport du Conseil de l’Europe) en participant aux travaux mais aussi aux discussions. Pour bouger les lignes, il faut être au plus proche des décideurs.

 

 

<< Pour bouger les lignes, il faut être plus proche des décideurs >>

 

 

Comment qualifieriez-vous l’intérêt qu’ont aujourd’hui les entreprises à avoir des équipes et associations sportives de femmes ?

– Les amicales sportives sont animées par des bénévoles salariés. Elles fonctionnent comme des clubs et ont à cœur de fédérer leurs collègues. Mes rencontres avec plusieurs d’entre elles m’ont permis de leur faire prendre conscience de l’importance de s’adresser à leurs collègues féminines pour étoffer leurs sections. L’activité physique est un bien-être pour tous. Il suffit quelques fois d’observer les personnes qui nous entourent pour s’apercevoir que chacun et chacune peuvent nous apporter par leurs personnalités, engagements, et compétences dans le but de développer notre activité. Je pense que cela permet d’installer un climat sein au sein d’une entreprise, mais aussi de consolider ou de faire naître de bonnes relations entre les salariés.

 

Pouvez-vous nous expliquer plus précisément votre rôle de formatrice dirigeante sportive ?

– Nous avons mis en place une campagne (en Alsace) dont le slogan est : « Donnez du sens à votre activité sportive, devenez dirigeante ». Cela nous a permis de proposer différentes sessions de formation auprès des bénévoles et sportives de notre région. J’ai collaboré à la première formation que le CNOSF avait mise en place auprès des fédérations sportives françaises. Aujourd’hui, nous avons plusieurs modules de formation à la FFSE, pour que nos entreprises affiliées donnent des moyens aux femmes salariées. L’approche intégrée du genre dans nos instances sportives est essentielle pour que la femme puisse trouver sa place. Former permet aux femmes d’être libres de s’engager, d’appréhender le mouvement sportif de meilleure façon, mais aussi de participer simplement à la destinée de leurs instances.

 

 

Quel regard portez-vous sur le développement du sport féminin ?

– Si l’on s’intéresse à la pratique du sport féminin, on ne peut que se réjouir de l’augmentation considérable du nombre de femmes pratiquant une activité physique et sportive. C’est essentiel pour l’estime de soi et pour mieux vivre dans la société actuelle. Concernant la médiatisation, nous assistons à de meilleures couvertures d’événements sportifs féminins.

 

Et concernant les femmes dans les entreprises ?

– Je trouve que les femmes sont encore trop peu présentes dans les instances dirigeantes. Toutefois, les élections qui auront lieu cette année vont permettre aux femmes d’être mieux représentées (25% des femmes doivent au minimum être présentes dans les instances dirigeantes).

 

Vous intervenez également à l’international. Comment les droits des femmes sont-ils perçus dans les entreprises européennes ?

– La prise de conscience de la place des femmes dans le sport est récente. Nous pouvons dire qu’elle date de 1994, lors de la conférence de Brighton. La création des réseaux européens et internationaux de « Femmes et sports » a été un événement important. Nous arrivons toutes et tous aux mêmes constats. Chacun essaie de faire évoluer les choses dans son pays (prise de conscience, campagne de communication, promotion du sport féminin, introduction des quotas). Le fait d’échanger dans ces réseaux permet de gagner du temps pour voir ce qui marche et ce qui ne fonctionne pas. Une constatation commune est qu’il faut mettre en place une approche intégrée du genre à tous les niveaux, c’est-à-dire que lorsque l’on prend une décision, il faut se demander si la femme et l’homme sont tous deux pris en compte dans celle-ci. Le CNOSF a toujours porté un regard bienveillant sur les actions en faveur des femmes. Dans son sillage, les fédérations françaises suivent, avec leurs moyens, et possèdent presque toutes un plan de féminisation exigé par le ministère des sports.

 

D’où vient cet engagement que vous soutenez depuis de nombreuses années en faveur de la reconnaissance des femmes dans le sport, mais aussi au sein des entreprises ?

– Je pense que c’est grâce à ma passion pour le football, sport à connotation masculine. J’ai osé franchir les portes du club « CO Les Ulis » (en région parisienne) il y a plus de trente ans. Mon idole a toujours été Michel Platini, ce qui m’a souvent fait avoir des mimiques masculines et finalement de ne pas être si « féminine » que cela. Je n’ai jamais compris pourquoi le sport avait un sexe ! Pourquoi dois-je jouer à la poupée alors que j’ai envie de me jeter dans une flaque, ou encore de jongler avec un ballon ? Je ne devais pas être normale. Et puis il y a eu des rencontres. J’ai constaté la même chose dans l’entreprise, nous sommes finalement devant un problème de société. La femme est secrétaire dans un club, elle l’est aussi dans l’entreprise (attention, ce n’est quand même pas toujours le cas !). L’activité physique a évolué, nous retrouvons maintenant des femmes à des postes importants. Ce sont souvent des femmes exceptionnelles. Je constate qu’en faisant du sport, on acquiert une estime de soi, et des compétences que l’on peut mettre au service d’une carrière professionnelle dans son entreprise. Les deux font la paire si l’on veut mieux vivre.

Constatez-vous des changements positifs dans les mentalités ?

– Oui, les mentalités évoluent, surtout dans la pratique de nouveaux sports, les jeunes se posent moins de questions. Je dirai que c’est un travail plus sociétal maintenant. Les collectivités territoriales doivent penser de nouvelles aires de jeu mixtes, en améliorant les accès pour les femmes et en prônant la mixité. La communication du mouvement sportif devient de plus en plus mixte (affiches femmes et hommes), mais il reste encore du chemin. Je pense qu’il est important de donner au sport une place importante dans notre système éducatif, ce n’est pas une matière à part. Il faut introduire la mixité à tous les niveaux. Nous ne sommes qu’au début du marathon de l’égalité. Le tournoi de Footworking arrive à point nommé, c’est une vraie bonne idée, et je suis très heureuse de pouvoir y participer. » 

 

 

 

 

 

Volet 1 : Paoline Ekambi, la basketteuse-entrepreneuse.

Volet 2 : Contitech-Anoflex, un projet pour l’égalité.

 

 

Propos recueillis par Benjamin Roux

 

 

Crédits photos : « Fémix’Sports Alsace », Carole Bretteville. 

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