A.Guérin : « D’un coup, on perd sa raison de vivre »

Souffrant d’une deuxième myocardite, Amandine Guérin a dû mettre un terme à sa jeune carrière pour ne pas risquer sa vie sur un terrain de football. Âgée de 23 ans, la gardienne de buts internationale dont le potentiel était certain raconte les derniers mois difficiles qui l’ont amenée à cette décision et dévoile déjà ses projets d’avenir pour se relever.

 

 

 

 

Il y a un peu plus d’une semaine, Amandine Guérin a annoncé la fin de sa carrière. Âgée seulement de 23 ans, la gardienne de buts de Soyaux a dû se résoudre à quitter les terrains à cause d’une myocardite. C’est la première fois qu’elle s’exprime sur cette période très difficile qui a fait basculer sa vie. Un entretien plein de sincérité, mais aussi d’allant à l’image de la passionnée de football qu’est Amandine Guérin. Elle aura joué 70 matches sous les couleurs de Soyaux dont 52 en Division 1, connu la sélection avec l’équipe de France B à quatre reprises, mais jamais avec les A avec lequelles elle a été appelée. Frustrée par cet arrêt brutal de sa jeune carrière, la portière se tourne doucement vers l’avenir en s’occupant par exemple de l’entrainement des gardiennes U19 de l’ASJ Soyaux.

 

 

Amandine, mercredi dernier, vous avez décidé d’arrêter votre carrière suite à la détection d’une deuxième myocardite, comment cela s’est détecté ?

A.G : « Jeune, j’ai eu une première myocardite quand j’étais à Lyon (17 ans), elle a été soignée en trois mois. À la base, c’est comme un rhume du cœur, cela se soigne assez facilement. Au mois de janvier, j’ai ressenti des douleurs que j’avais déjà ressenties la première fois, j’ai donc consulté un médecin. Suite à ça, il y a une prise de sang qui n’était pas du tout bonne. On m’a dirigée vers un cardiologue en urgence qui m’a envoyée dans la soirée à l’hôpital sous surveillance pendant quelques jours. Le verdict : j’avais une nouvelle myocardite. Au début, je me suis dit, « pas de souci, dans trois mois cela ira mieux ».

 

Ensuite que se passe-t-il ?

– J’ai un petit suivi après un mois et demi. Je vais faire mon contrôle à deux mois et demi pour grappiller quelques jours, par rapport au délai de reprise de trois mois. Le premier cariologue me dit que j’ai des systoles au repos (rythme cardiaque non régulier). C’est une première inquiétude car je ne m’y attendais pas trop. J’appelle un autre cardiologue sur Bordeaux, rattaché à la FFF et qui s’occupe des Girondins. Il me rassure en me disant que les systoles, cela peut arriver. On refait une IRM cardiaque des trois mois (vers mi-avril) qui s’avère bonne. Je fais un premeir test d’effort sur vélo qui se passe bien. Je suis très contente, et je me dis que je peux reprendre. Mais sur tapis de course, après l’effort, je faisais de la tachycardie et c’est là que l’on a compris que c’était plus compliqué. On commence à me dire que le foot cela peut être compliqué. Cela peut peut-être se soigner mais on ne peut pas savoir encore.

Dans quel état d’esprit êtes-vous à ce moment-là ?

– J’encaisse, c’est dur. Je me dis non ce n’est pas possible. Je me dis « Vous allez voir je vais revenir ». Je sais que la solution sera là pour que je revienne même si cela prendre plus de temps.

 
La reprise pour la saison 2016-2017 approche, et vous faites donc de nouveaux tests.

– Il fallait me revoir à six mois, fin juillet. Entre temps, j’ai eu des bêta-bloquants pour protéger mon cœur. Pour les tests, je ne les prends pas, c’est catastrophique. Pas de reprise donc, c’est une grosse déception et on commence à m’expliquer un peu la suite : refaire des tests encore un mois et demi après avec bêta-bloquants cette fois (le bêta-bloquant est considéré comme un produit dopant). On met en place l’éventualité d’un dossier à la FFF afin de pouvoir jouer avec ces médicaments s’ils permettent de contrôler la myocardite. Si cela ne marchait pas, on envisageait l’ablation. On me dit que cette saison il ne faut plus y penser. C’est le deuxième coup à encaisser. Mais je me dis que si je la loupe pour revenir après, ce n’est pas grave.

 
Et il y a une dizaine de jours, lors d’une dernière batterie de tests, le verdict est implacable…

– Je faisais trop de systoles après l’effort qui peuvent être dangereuses. Les médecins ne pouvaient pas prendre le risque de me signer une licence car il y avait une possibilité que je fasse un arrêt cardiaque sur le terrain. Ce n’est pas moi qui prends la décision, ce sont eux qui la prennent pour moi. Moi j’ai envie d’être sur le terrain, mais après il ne faut pas être égoïste et penser aux autres.

Votre vie qui a toujours été axée sur le football doit s’arrêter.

– Le retour des tests a été très dur, les deux premiers jours en fait… On est perdu. On perd sa raison de vivre au quotidien d’un coup. Nous les joueuses, on fait des sacrifices en D1 et on vit par rapport à ça. C’est plus qu’une passion, on se construit autour de ça. Je suis mordue de foot depuis le plus jeune âge, tous mes choix ont été faits par rapport au foot. J’espérais progresser, j’étais jeune, je n’avais pas encore atteint mon meilleur niveau, ni exploité tout mon potentiel je pense. C’est une frustration que j’ai peur d’avoir toute ma vie. J’ai joué mon dernier match à 22 ans. J’ai eu une carrière assez courte car j’ai commencé gardienne seulement à Lyon. En huit ans, je suis quand même fière de ce que j’ai accompli.

 

« J’ai en tout cas envie de transmettre »

 

 
Qu’est-ce que vous retenez de votre carrière?

– Plein de bons moments. Ma première sélection en U19, c’était un grand moment, cela ne faisait pas si longtemps que j’avais commencé gardienne et c’était après ma première myocardite. Les matches avec Soyaux, à Juvisy. La première saison du retour en D1 quand on est remonté et on gagne 2-1 là-bas (2013-2014). Un match où on gagne 2-1 à Saint-Etienne alors que l’on est à 10 contre 11 presque tout le match. Le 0-0 en Coupe de France contre Paris aussi. Des matches face à Lyon où on a été pas si ridicule que ça. Les fois où j’ai été appelée en A et en B, et puis tous les matches en sélection. Enfin, les Universiades et gagner cette médaille d’or.

 
Vers quoi vous dirigez-vous désormais ? Avez-vous des projets ?

– Je vais passer le BES cette année pour devenir entraîneur. J’ai quand même un projet qui m’aide. On m’a annoncée le verdict le mercredi et dès le jeudi j’avais ce projet en tête. Pour l’instant, je ne sais pas si je resterai uniquement sur les gardiennes ou m’orienterai vers une équipe. J’ai encore le temps de me décider et de voir avec le club. J’ai en tout cas envie de transmettre.

Depuis janvier dernier, vous aviez dû y réfléchir ?

– Je me disais souvent « Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? » J’ai d’autres passions, cela fait quelques mois que je réfléchissais, mais j’aurai toujours un manque de foot dans d’autres métiers. Et puis, avec ce métier d’entraineur je souhaite aller vers le haut niveau, toucher l’excellence. Je crois que je suis plus faite pour être sur le terrain quand je suis avec ma gardienne à l’entrainement, j’adore lui transmettre ma passion.»

 

 

Propos recueillis par Anthony Rech

 

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